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Réflexions

Gouvernement pas si ouvert et open data non intelligible : et si la Civic Tech était vouée à l’échec ? 3/4

20 décembre 2016 • By

Ce post est le troisième d’une série de 4 billets dédiés aux impasses de la CivicTech. Cette fois nous aborderons les problématiques de démocratisation et d’utilisation de l’open data ainsi que le rôle d’un gouvernement ouvert. J’ai proposé aux acteurs de l’écosystème Civic Tech  de partager leurs visions sur les 4 grands freins qui, selon moi, entravent le développement en France des technologies civiques.

Impasses de la civic tech civictech 3/4

La France a pris cette année la présidence de l’OGP : c’est quoi un gouvernement ou une administration ouverte ? Quel est l’apport concret de l’open data pour les citoyens, comment s’en servent aujourd’hui les institutions, les politiques, les usagers, les publics et que pourraient apporter les technologies civiques à ce niveau ?

Clara Boudehen – Chargée de mission au Cabinet d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat au Numérique

La France a pris la présidence du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert en septembre dernier pour une période d’un an. Il a pour vocation d’améliorer la qualité démocratique des pays partenaires, grâce à plus de transparence de l’action publique, de participation citoyenne et de capacité d’agir des citoyens. Ce qu’on appelle ouverture c’est cette capacité d’agir des citoyens et d’avoir un impact, dans un contexte politique et public donné (gouvernement ou administration). C’est un objectif vers lequel on tend, la France a déjà développé beaucoup d’actions dans ce sens – notamment en termes de transparence, d’ouverture des données et d’implication des citoyens aux différentes échelles de l’action publique – et il reste beaucoup à accomplir.

L’émergence des Civic Tech est conjointe à celle du gouvernement ouvert. Elles partagent cette volonté de transparence, de participation et de développement du pouvoir d’agir. Souvent elles sont les outils du gouvernement ouvert, même si c’est aux administrations de rendre transparentes leurs actions, d’ouvrir leurs données et de mettre en place des consultations de leurs administré

Comment rendre l’ouverture des données intelligible pour tous ? Les données prennent une part de plus en plus importante dans notre vie et la maîtrise que l’on a sur nos données personnelles va être un enjeu majeur dans les années à venir. L’objectif n’est pas que tout le monde sache comment ouvrir les données, ou même les analyser, mais que chacun puisse en maîtriser l’usage. On ne sait pas tous comment construire une voiture ni comment la réparer mais notre but est que l’on sache tous l’utiliser et la maîtriser.

 

Nicolas Patte – Cap Collectif

La Démocratie Ouverte est une évolution naturelle de la démocratie représentative. En démocratie ouverte, le citoyen n’est pas seulement un électeur occasionnel. Il participe activement, s’il le souhaite, à la bonne marche de la société dans toutes ses composantes : fabrication de la loi, organisation territoriale, budgets, amélioration des politiques publiques ; ceci dans un esprit de grande transparence, de co-décision et de co-construction. L’OGP, partenariat que la France préside cette année, est une association de pays souhaitant marcher dans cette direction et s’échanger de bonnes pratiques sur le sujet.

L’Open Data L’ouverture des données est simplement une composante de ce grand plan : c’est la mise à disposition systématique et publique de toutes les données de l’État (moins les données hypersensibles). Le premier bénéficiaire de cette ouverture des données est l’État lui-même, qui améliore l’efficacité de ses prises de décisions à l’aune des données (rendues) disponibles. Le traitement des données ainsi libérées est ouvert à tous : tant à l’administration qu’à la recherche, tant à entrepreneuriat qu’aux simples citoyens. Là encore, l’idée est d’utiliser l’intelligence collective à des fins d’efficacité profitant à tous, c’est la création à grande échelle d’un bien commun numérique. Ce qui, au passage, philosophiquement, permet aussi de renouveler une culture commune et locale, terrain laissé un peu en friche par le fantasme de mondialisation des idées. Et sans nulle doute que la culture est un enjeu puissant des prochaines années pour l’open data.

Les exemples d’ouverture de données sont innombrables. Pour simplifier, on peut discerner deux types de réutilisation accessible des données ouvertes dans notre quotidien : “l’information vigilante” et le “couteau suisse”.

Parmi les informateurs vigilants, nous aimons bien, globalement, ce que produit l’association Regards Citoyens, dont on connaît le travail remarquable sur l’activité des parlementaires, et qui, également, a publié Lumière sur Sunshine, une série de visualisations graphiques chiffrées sur l’activité des laboratoires pharmaceutiques. Les médias, aussi, réutilisent des données ouvertes pour mettre en forme de manière épurée et intelligible des tableaux chiffrés très (trop ?) complexes : c’est ce qu’a fait Le Monde récemment, par exemple, avec leur enquête sur l’augmentation inquiétante du cancer pour certaines tranches d’âge.

Parmi les couteaux suisses, on remarque évidemment la multiplication d’applications “utiles à tous” sur les cendres des tentatives (ou des non-tentatives) institutionnelles de partager l’information publique. Si l’application officielle Vélib fonctionne correctement aujourd’hui, c’est parce qu’elle a été mise à l’épreuve au départ par une application non-officielle basée sur les données ouvertes du service. La plateforme TrainLine (anciennement Captain Train) a connu un succès fulgurant en proposant un service d’achat de billet de train plus abouti que la SNCF avec des données ouvertes par celle-ci (un peu sous la contrainte, il faut le dire). On peut également évoquer Citymapper dont le modèle repose sur les données ouvertes des transports publics dans les grandes villes du monde. Ces exemples parcellaires issus du monde du transport participent à l’amélioration des services et biens communs accessibles à tous grâce à la réutilisation des données appartenant à tous par l’intelligence collective.

 

Partenariat pour un gouvernement ouvert France civic tech civicitech

 

Florent Guignard – Le Drenche

Je pense que la sensibilisation du public et des administrations à l’open data est un des éléments qui peut restaurer la confiance entre le grand public et les administrations. Savoir que les données sont ouvertes et vérifiable crée de la confiance. Je pense que l’open data doit également s’appliquer au journalisme et aux médias ; la confiance envers les médias est en baisse constante, et le secteur manque cruellement de transparence. Plus les données seront ouvertes, et plus cette relation de confiance pourra se (ré)établir.

 

Thomas Champion – Politizr

On a tendance a considérer que les civictech font parti d’un plus grand « ensemble » qui serait l’openGov. C’est intéressant a l’approche de l’OGP… Ceci dit, de mon point de vue, les projets civictech français concernés par les openGov et reposant sur l’openData sont peu nombreuses. Il me semble que Parlement et Citoyens et Questionnezvoselus utilisent/utilisaient les data poussées par l’assemblée nationale. Politizr exploite de manière marginale les données du Ministère de l’Interieur concernant les résultats des élections. Rien de franchement transcendant…

 

Maxime Barbier – Bluenove / Assembl

Un gouvernement ouvert c’est un gouvernement qui accepte de déléguer une partie de la conception, de la décision et de la délivrance de l’action publique. Ca va bien au-delà d’un effort de transparence dans l’action publique, ou que l’ouverture des données. C’est créer de l’empowerment de la société civile (citoyens, startup, …). L’Etat pourrait d’ailleurs se positionner pour faciliter l’incubation de nouvelles initiatives citoyennes, qu’elles soient de portée technologique ou non. C’est pour moi une nouvelle politique publique à structurer au niveau national et local.


Liens de la semaine

Les liens CivicTech de la semaine #23

26 juin 2016 • By

Chaque dimanche, retrouvez les liens Civic Tech de la semaine.

Les liens civic tech de la semaine - Civictech #23

La Civic Tech invente la démocratie 2.0 – La Croix 

La modernisation des institutions, longtemps restées à l’écart des évolutions technologiques, est considérée comme un marché à fort potentiel. À l’échelle du monde, les Civic Tech représentent déjà 5,7 milliards d’euros, sur un marché global des dépenses institutionnelles dans les technologies de l’information de presque 23 milliards d’euros.

 

Civic Tech : les innovations démocratiques en questions – InternetActu

Les transformateurs” cherchent, eux, à changer le système de l’intérieur. Ils travaillent auprès des institutions et des décideurs pour les aider à changer de méthode, de modes d’organisation ou de posture. Ils utilisent la formation et les méthodes d’accompagnement au changement. Dans cette famille on trouve à la fois les Territoires hautement citoyens qui développent des outils, des méthodes, des formations et des analyses autour de territoires qui mettent la démocratie au coeur de leur fonctionnement, à l’image de Mulhouse, Trémargat, Kingersheim, Grigny, Grenoble, ou Mouans-Sartoux (qui gère tous ses services publics en régie municipale directe), ou encore, l’un de ceux qui est devenu le plus emblématique, Saillans. Dans cette famille on ne trouve pas seulement des territoires qui font la preuve de ce qui est possible par l’exemple ou qui libèrent les énergies citoyennes. On trouve aussi des institutions qui cherchent à réinventer les institutions comme, à leurs mesures, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique ou Etalab. Faire autrement les politiques publiques, c’est l’enjeu également de la 27e Région qui depuis les méthodes du design expérimente des logiques de transformation des politiques publiques.

 

Le Civic Hall, ce lieu pionnier qui aimante les politiques français – Les Echos

Seul principe à respecter : devenir membre en s’acquittant d’une cotisation et passer un entretien pour expliquer ce que l’on attend du centre et ce qu’on peut lui apporter. Résultat, une entité qui vit sans aucun subside municipal, mais avec l’appui financier de deux sponsors, Microsoft et Omidyar Network, et l’organisation d’événements (400 en un an). La secrétaire d’Etat semble conquise. Et prévient d’emblée : « Je sais que la maire de Paris travaille sur ce sujet, mais cela doit être porté par le gouvernement, et ne pas être cantonné à Paris. »

 

CivicTech : les 5 start-up qui pourraient faire bouger la démocratie – Microsoft 

Avec l’arrivée prochaine des élections présidentielles aux Etats-Unis et en France, Futur en Seine a souhaité mettre un coup de projecteur sur le secteur des Civic Tech. La Civic Techregroupe le champ des initiatives publiques, privées ou associatives cherchant à renforcer l’engagement citoyen, la participation démocratique et la transparence des gouvernements via les outils du numérique.

Personal Democracy France avait donc invité des intervenants tels que Jessica Morales, Digital Organizing Director de la campagne Hillary For America, ou Pablo Soto, élu de Podemos chargé de la participation citoyenne, de la transparence et de la gouvernance ouverte à la ville de Madrid. Mais également les porte-parole de la commission numérique de Nuit Debout, ou les représentants de start-up déjà installées de la Civic Tech comme Voxe.org ou Laprimaire.org.

L’évènement s’est terminé par 10 pitchs de start-up de la Civic Tech. Voici les 5 projets qui ont retenu notre attention. Le futur Uber de la politique en fait peut-être partie…

Répétez : « La politique sur Facebook c’est tabou, nous en viendrons tous à bout ! » – ZDnet

La diversité, au sens large, s’est plus encore imposée comme un sujet pour Facebook après la publication d’un article de Gizmodo relatif à la composition des « trending topics » sur le réseau social. D’après d’anciens salariés, les employés en charge de la gestion de cette fonctionnalité s’assureraient que les actualités pro-conservateurs ne remontent pas et donc ne bénéficient pas de visibilité.

Électeurs démocrates et républicains peuvent rester sur Facebook et s’écharper entre eux (ou débattre de politique en toute courtoisie). La firme met à disposition ses produits. Et puis, quelles que soient leurs opinions politiques, leurs données personnelles n’ont pas d’odeur.

Facebook continuera donc de les collecter et de les exploiter à des fins commerciales. Après tout, le libéralisme est sans doute ce qui rassemble les deux (trois) camps. Au 1er trimestre 2016, US et Canada représentaient 173 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, mais surtout 50% de ses revenus (2,7 milliards de dollars). Mais chut, entre amis, on évite de parler d’argent… et de politique.

 

Comment les administrations vont (enfin) devenir plus accessibles et efficaces grâce à une meilleure interconnexion de leurs plateformes numériques – Atlantico

Gilles Babinet : Le fait de standardiser les échanges de données avec l’extérieur a fait l’objet de nombreuses réticences de la part de certaines administrations. Cette mise à disposition d’API offre une forme de garantie de normalisation des données. Si les données sont de qualité, elles devraient susciter l’émergence d’un écosystèmes de développeurs, startups, civic-tech, etc. conséquent. Une illustration de la conséquence des API consiste à ne plus voir la société civile et les acteurs privés comme faisant face à l’Etat, mais comme s’y trouvant finalement au coeur. Ils peuvent souvent développer des services commerciaux ou citoyens plus vite, plus efficaces et plus accessibles que l’Etat (et les grandes administrations de services publiques) lui-même.

 

« Pour une action publique transparente et collaborative » : un premier bilan à mi-parcours mis en consultation – Localtis

Membre actif du Partenariat pour un gouvernement ouvert (OGP) dont elle prendra la présidence à l’automne, la France a lancé en juillet 2015 son Plan d’action national « pour une action publique transparente et collaborative ». A mi-parcours, la mission Etalab publie un rapport d’étape pour rendre compte de l’avancement des différents engagements pris. Ce document intermédiaire, dont la version finale devrait paraître en juillet, fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 30 juin prochain.


Ils font la Civic Tech

Civocracy : « Si le système ne plaît pas, on a le pouvoir et les moyens de le changer »

2 mars 2016 • By

Civocracy propose une solution Civic Tech dédiée à favoriser l’engagement citoyen et à faciliter la coopération des parties prenantes dans le débat public. Leur ville pilote (Potsdam en Allemagne) a d’ailleurs lancé sa première discussion hier sur leur plateforme cette semaine.

Ils font la Civic Tech cette semaine et c’est Chloé Pahud, cofondatrice de la start-up qui répond à nos questions.

En quoi la démocratie actuelle ne représente-t-elle plus les citoyens ?

Pour moi la démocratie, c’est nous tous. Je n’aime pas beaucoup cette tendance à diaboliser les politiques et béatifier les citoyens. Je trouve que c’est vraiment déresponsabilisant ! Il est vrai que l’on parle de « paralysie démocratique » mais il me semble que la responsabilité est partagée. Si le système ne plaît pas, on a le pouvoir et les moyens de le changer. On veut se sentir représenté ? Élevons la voix ! On veut participer ? Passons à l’action ! On veut du changement ? Créons-le.

Quelles solutions proposez-vous ?

Nous avons développé une plateforme qui permet aux citoyens d’avoir leur mot à dire dans les décisions que prennent leur ville.

Sur Civocracy, chacun peut mettre en avant les sujets qu’il trouve importants, et pour chaque sujet, identifier les acteurs clés, chercher des solutions concrètes avec ses voisins et ses élus, et trouver des moyens de s’engager dans leur réalisation. C’est un lieu décentralisé où chaque point de vue peut être donné, voté, qui facilite la co-création et encourage l’action, utilisant au mieux la technologie et faisant le lien avec les initiatives sur le terrain.

Logo Civocracy - engagement citoyen et civic tech

Cela pourrait-il se faire sans l’émergence des nouvelles technologies ?

Oui et non. Celui qui anime le débat et ceux qui y participent sont cruciaux, mais la technologie est ce levier magnifique qui permet de surmonter ou contourner beaucoup de problèmes. La clé reste néanmoins les utilisateurs de l’outil, et comment ils l’utilisent…

Votre démarche s’apparente à du lobbying, finalement ?

En France, ce terme est négativement connoté mais en Allemagne où nous sommes installés (Civocray est installé à Berlin), ce n’est pas si péjoratif. Si par lobbying on désigne la pratique de ces pressions et de ces influences qui s’exercent sur des hommes politiques, sur des pouvoirs publics et, plus largement, sur des décideurs, alors oui, nous pourrions représenter un lobby citoyen.

Mais ce qui me chagrine avec ce terme, c’est cette notion de rapport de force alors que ce que l’on essaie de rétablir c’est  un équilibre en permettant d’ajouter de la représentativité, de la nuance au débat, de l’empowerment, de valoriser l’action, etc… La démocratie quoi !

Civocracy mode d'emploi - engagement citoyen et civic tech

Bon, après, mon petit plaisir personnel (qui n’engage que moi) serait de rassembler une telle masse critique que des multinationales comme Monsanto devraient enfin fléchir, répondre de leurs pratiques et ne plus dicter leurs lois !

Comment « avoir un impact concret sur le problème » ?

Ah l’impact ! Il me semble que le mesurer est une des grandes difficultés dans les Startups CivicTech comme la nôtre. Pourtant, il est fondamental de pouvoir le faire. On se pose sans arrêt la question : quelles sont nos « success metrics » ? Comment on les mesure ? Est-ce que c’est le nombre de gens qui se rendent sur les discussions ? Ceux qui choisissent de passer à l’action ? Le nombre de votes ? La qualité des idées ?

On est encore en phase d’expérimentation, et c’est difficile d’arrêter de manière définitive la valeur ajoutée de ces indicateurs. On sait que l’on devra rester très vigilants sur ce que l’on nomme « succès ».

Estimez-vous faire partie d’un mouvement, d’une communauté Civic Tech ? Quelles sont, selon vous, les perspectives de ce secteur en France et à l’international ?

Il y a une vraie émulation autour de la participation et c’est bon signe ! Certains ont planché sur le problème depuis un moment et commencent à avoir une jolie notoriété. On ne s’attaque pas tous au problème de la même manière, c’est intéressant de voir comment les personnes s’approprient la notion de démocratie.

Très franchement, je suis persuadée que l’avenir des réseaux sociaux se trouve dans la CivicTech et que d’ici 5 ans, il y aura un acteur majeur dans ce domaine. Notre avenir se jouera dans notre capacité à nous différencier, mais aussi à collaborer.