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Nicolas Patte

Réflexions

Gouvernement pas si ouvert et open data non intelligible : et si la Civic Tech était vouée à l’échec ? 3/4

20 décembre 2016 • By

Ce post est le troisième d’une série de 4 billets dédiés aux impasses de la CivicTech. Cette fois nous aborderons les problématiques de démocratisation et d’utilisation de l’open data ainsi que le rôle d’un gouvernement ouvert. J’ai proposé aux acteurs de l’écosystème Civic Tech  de partager leurs visions sur les 4 grands freins qui, selon moi, entravent le développement en France des technologies civiques.

Impasses de la civic tech civictech 3/4

La France a pris cette année la présidence de l’OGP : c’est quoi un gouvernement ou une administration ouverte ? Quel est l’apport concret de l’open data pour les citoyens, comment s’en servent aujourd’hui les institutions, les politiques, les usagers, les publics et que pourraient apporter les technologies civiques à ce niveau ?

Clara Boudehen – Chargée de mission au Cabinet d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat au Numérique

La France a pris la présidence du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert en septembre dernier pour une période d’un an. Il a pour vocation d’améliorer la qualité démocratique des pays partenaires, grâce à plus de transparence de l’action publique, de participation citoyenne et de capacité d’agir des citoyens. Ce qu’on appelle ouverture c’est cette capacité d’agir des citoyens et d’avoir un impact, dans un contexte politique et public donné (gouvernement ou administration). C’est un objectif vers lequel on tend, la France a déjà développé beaucoup d’actions dans ce sens – notamment en termes de transparence, d’ouverture des données et d’implication des citoyens aux différentes échelles de l’action publique – et il reste beaucoup à accomplir.

L’émergence des Civic Tech est conjointe à celle du gouvernement ouvert. Elles partagent cette volonté de transparence, de participation et de développement du pouvoir d’agir. Souvent elles sont les outils du gouvernement ouvert, même si c’est aux administrations de rendre transparentes leurs actions, d’ouvrir leurs données et de mettre en place des consultations de leurs administré

Comment rendre l’ouverture des données intelligible pour tous ? Les données prennent une part de plus en plus importante dans notre vie et la maîtrise que l’on a sur nos données personnelles va être un enjeu majeur dans les années à venir. L’objectif n’est pas que tout le monde sache comment ouvrir les données, ou même les analyser, mais que chacun puisse en maîtriser l’usage. On ne sait pas tous comment construire une voiture ni comment la réparer mais notre but est que l’on sache tous l’utiliser et la maîtriser.

 

Nicolas Patte – Cap Collectif

La Démocratie Ouverte est une évolution naturelle de la démocratie représentative. En démocratie ouverte, le citoyen n’est pas seulement un électeur occasionnel. Il participe activement, s’il le souhaite, à la bonne marche de la société dans toutes ses composantes : fabrication de la loi, organisation territoriale, budgets, amélioration des politiques publiques ; ceci dans un esprit de grande transparence, de co-décision et de co-construction. L’OGP, partenariat que la France préside cette année, est une association de pays souhaitant marcher dans cette direction et s’échanger de bonnes pratiques sur le sujet.

L’Open Data L’ouverture des données est simplement une composante de ce grand plan : c’est la mise à disposition systématique et publique de toutes les données de l’État (moins les données hypersensibles). Le premier bénéficiaire de cette ouverture des données est l’État lui-même, qui améliore l’efficacité de ses prises de décisions à l’aune des données (rendues) disponibles. Le traitement des données ainsi libérées est ouvert à tous : tant à l’administration qu’à la recherche, tant à entrepreneuriat qu’aux simples citoyens. Là encore, l’idée est d’utiliser l’intelligence collective à des fins d’efficacité profitant à tous, c’est la création à grande échelle d’un bien commun numérique. Ce qui, au passage, philosophiquement, permet aussi de renouveler une culture commune et locale, terrain laissé un peu en friche par le fantasme de mondialisation des idées. Et sans nulle doute que la culture est un enjeu puissant des prochaines années pour l’open data.

Les exemples d’ouverture de données sont innombrables. Pour simplifier, on peut discerner deux types de réutilisation accessible des données ouvertes dans notre quotidien : “l’information vigilante” et le “couteau suisse”.

Parmi les informateurs vigilants, nous aimons bien, globalement, ce que produit l’association Regards Citoyens, dont on connaît le travail remarquable sur l’activité des parlementaires, et qui, également, a publié Lumière sur Sunshine, une série de visualisations graphiques chiffrées sur l’activité des laboratoires pharmaceutiques. Les médias, aussi, réutilisent des données ouvertes pour mettre en forme de manière épurée et intelligible des tableaux chiffrés très (trop ?) complexes : c’est ce qu’a fait Le Monde récemment, par exemple, avec leur enquête sur l’augmentation inquiétante du cancer pour certaines tranches d’âge.

Parmi les couteaux suisses, on remarque évidemment la multiplication d’applications “utiles à tous” sur les cendres des tentatives (ou des non-tentatives) institutionnelles de partager l’information publique. Si l’application officielle Vélib fonctionne correctement aujourd’hui, c’est parce qu’elle a été mise à l’épreuve au départ par une application non-officielle basée sur les données ouvertes du service. La plateforme TrainLine (anciennement Captain Train) a connu un succès fulgurant en proposant un service d’achat de billet de train plus abouti que la SNCF avec des données ouvertes par celle-ci (un peu sous la contrainte, il faut le dire). On peut également évoquer Citymapper dont le modèle repose sur les données ouvertes des transports publics dans les grandes villes du monde. Ces exemples parcellaires issus du monde du transport participent à l’amélioration des services et biens communs accessibles à tous grâce à la réutilisation des données appartenant à tous par l’intelligence collective.

 

Partenariat pour un gouvernement ouvert France civic tech civicitech

 

Florent Guignard – Le Drenche

Je pense que la sensibilisation du public et des administrations à l’open data est un des éléments qui peut restaurer la confiance entre le grand public et les administrations. Savoir que les données sont ouvertes et vérifiable crée de la confiance. Je pense que l’open data doit également s’appliquer au journalisme et aux médias ; la confiance envers les médias est en baisse constante, et le secteur manque cruellement de transparence. Plus les données seront ouvertes, et plus cette relation de confiance pourra se (ré)établir.

 

Thomas Champion – Politizr

On a tendance a considérer que les civictech font parti d’un plus grand « ensemble » qui serait l’openGov. C’est intéressant a l’approche de l’OGP… Ceci dit, de mon point de vue, les projets civictech français concernés par les openGov et reposant sur l’openData sont peu nombreuses. Il me semble que Parlement et Citoyens et Questionnezvoselus utilisent/utilisaient les data poussées par l’assemblée nationale. Politizr exploite de manière marginale les données du Ministère de l’Interieur concernant les résultats des élections. Rien de franchement transcendant…

 

Maxime Barbier – Bluenove / Assembl

Un gouvernement ouvert c’est un gouvernement qui accepte de déléguer une partie de la conception, de la décision et de la délivrance de l’action publique. Ca va bien au-delà d’un effort de transparence dans l’action publique, ou que l’ouverture des données. C’est créer de l’empowerment de la société civile (citoyens, startup, …). L’Etat pourrait d’ailleurs se positionner pour faciliter l’incubation de nouvelles initiatives citoyennes, qu’elles soient de portée technologique ou non. C’est pour moi une nouvelle politique publique à structurer au niveau national et local.


Réflexions

Incapable d’outiller la société civile, et si la Civic Tech était vouée à l’échec ? 2/4

18 décembre 2016 • By

Ce post est le second d’une série de 4 billets dédiés aux impasses de la CivicTech.

J’ai proposé aux acteurs de cet écosystème de partager leurs visions sur les 4 grands freins qui, selon moi, entravent le développement en France des technologies civiques.

Impasses de la civic tech : droit dans le mur ?

Aujourd’hui, nouveau thème abordé : est ce une utopie que de pouvoir outiller et donner du pouvoir à la société civile, impliquer les citoyens dans la vie politique et publique ?

Comment les acteurs de la CivicTech peuvent donner du pouvoir à ces publics pour leur permettre d’apporter des solutions et de peser sur la vie publique ? Peuvent ils être les seuls moteurs du changement et du renouveau démocratique ?

Jérôme Richez – Co-fondateur du Liberté Living Lab

Les civic tech assureront-elles la distraction de la présidentielle ? L’appétence actuelle peut le faire craindre. Pour autant, cette présidentielle et les législatives dans la foulée seront peut-être les dernières élections sans véritable rapport de force citoyen. Ce qui est pointé du doigt aujourd’hui, c’est à la fois un fonctionnement politique et médiatique.

Avec les civic tech, les citoyens deviennent non seulement porteurs de solution, ils se transforment collectivement en « médias », une des composantes essentielles à la démocratie : vérification des informations, attachement pour le fond, capacité à imposer des sujets, à faire émerger des voies progressistes, à faire dialoguer…
Ces « citoyens-médias » devraient être actifs dès 2017. Quelle sera la prise de conscience collective ?

 

Nicolas Patte – Cap Collectif

Il faut pivoter, penser “hors de la boîte”, comprendre que la solution n’est pas de fournir aux citoyens magiciens des outils pour “faire système” à la place du cadre démocratique rouillé. Nous ne voulons pas “outiller le public” : nous voulons “outiller le système”.

Une fois qu’on a pivoté, et qu’on a offert une solution aux pouvoirs publics pour améliorer l’outil, il “suffit” d’apporter la méthodologie qui permet à l’outil de fonctionner efficacement. Imaginez qu’on veuille remplacer tout le parc automobile d’une communauté par des vélos. Supprimer les voitures  et livrer des vélos en laissant tout le monde en plan serait contre-productif : il faut accompagner la démarche, fournir des pièces détachées de rechange, aider à l’organisation du nouveau plan général de circulation et même expliquer le fonctionnement du vélo aux plus jeunes, désormais concernés.

Les outils, seuls, ne servent à rien. Ils ont besoin d’un cadre d’utilisation légitime (le système démocratique et républicain actuel), de volonté politique (faire comprendre au système en quoi consiste la participation citoyenne et les bénéfices attendus à cette participation), de méthodologie (convaincre l’ensemble des parties des avantages du travail collaboratif grâce à une règle du jeu claire et approuvée de tous). Et aussi de bonne foi, d’un esprit positif et éclairé qui pense “réflexions, actions et inclusions” plutôt que “discussions, réactions et exclusions”.

 

Florent Guignard – Le Drenche

Le premier cercle qui commencera à pouvoir influer sur la vie publique et politique sera fait d’initiés ; un public déjà sensibilisé et éduqué, qui agissait déjà avant, et qui verra dans ces outils un moyen d’agir plus efficacement. C’est à la fois un danger et une opportunité, mais c’est inévitable. Tout l’enjeu sera ensuite de dépasser ce premier cercle.

Le reste dépend beaucoup de la nature des initiatives ; certains resteront cantonnés à un rôle de prestataire de l’administration, d’autres ne le seront jamais. Des initiatives comme Le Drenche, Accropolis, ou comme Voxe.org sont par nature destinées au « grand public », et ne dépendent donc pas de la commande publique.

La valeur ajoutée vient de la cohésion de cet écosystème ; plus il y aura de passerelles efficaces entres les outils ou médias grands public et les moyens de consultation, plus institutionnels, et plus le système sera cohérent et efficace.

Le travail réalisé par un groupement comme Démocratie Ouverte est en cela extrêmement bénéfique, et commence à porter ses fruits.

Néanmoins, les civic tech seules ne changeront jamais les choses. Par contre, le secteur grandissant pousse les grands médias, les collectivités et le gouvernement à s’y intéresser et à les inclure ; à terme, l’ensemble de ces acteurs travaillant (plus ou moins efficacement) ensemble peut amener de grands changements.

 

Jérémie Paret – STIG

La civic tech pour réussir a besoin d’améliorer les connaissances des citoyens sur les institutions et leur fonctionnement. Fournir des outils ne suffit pas, il faut former et informer. Il est également nécessaire de créer des passerelles entre le numérique et le physique afin d’impliquer un maximum de citoyens.

 

Thomas Champion – Politizr

Il faut une innovation sociétale reposant sur un modèle économique garantissant la constitution d’un tiers de confiance entre les élu-e-s et les citoyen-ne-s.  Il s’agit bien d’un modèle différent des autres civictech, indépendant du financement des partis, des annonceurs, et des institutions.

Notre système démocratique est aujourd’hui toujours construit autour d’une démocratie représentative invitant les citoyen­-ne­-s à s’exprimer uniquement par le biais de votes sporadiques. Or, l’émergence des initiatives citoyennes comme dernièrement le mouvement “Nuit Debout” démontre que les citoyen­-ne-­s réclament d’autres modes de gouvernances et d’implications citoyennes pour construire une démocratie plus directe et participative.

Politizr est le chaînon manquant qui permet de réduire la tension croissante entre ces deux formes de démocratie, en légitimant le rôle des élu-e-s pour leur permettre de faire valoir leurs idées et leurs actions en toute transparence mais aussi pour permettre aux citoyen-ne-­s de s’exprimer de façon directe et régulière avec eux.

 

Chloé Pahud – Civocracy

Il y a un double travail à mener pour outiller la société civile et apporter des solutions pour qu’elle pèse sur la vie publique : il faut outiller avec les technologies et faire de l’éducation avec des partages d’expérience, des ateliers, …

Les acteurs Civic Tech ne peuvent pas être seuls pour réussir dans cette démarche, c’est tout l’éco-système qui doit se mettre en marche : citoyens, acteurs économiques, politiques, associations, experts.

Seule une approche bottom-up permettra de dépasser le simple stade de la consultation ! L’idée est de mettre ses outils au service de la société civile pour s’en emparer de la même manière que ces outils sont mis á dispositions des pouvoirs publics.

 

Julie de Pimodan – Fluicity

Une civic tech ne pourra avoir un réel poids que si elle est capable de reproduire le rapport de force qui existe entre les élus et les citoyens. Répondre à une commande publique est donc un non sens, puisque cela revient à créer un outil qui représente le gouvernement et non les citoyens.

 

Maxime Barbier – BlueNove / Assembl

Nous sommes dans la phase des early adopter ! Pour moi, l’avenir de la CivicTech repose autant sur la capacité à outiller les citoyens (et aussi les acteurs économiques) pour participer autrement à la décision et à l’action publique, que sur la capacité à outiller et faire monter en compétences les ministères, collectivités et opérateurs pour changer radicalement les façons traditionnelles de concevoir, délivrer et évaluer les politiques publiques. Les acteurs publics et les partis politiques sont pour moi cruciaux dans la rénovation des pratiques démocratiques. La pression ne peut pas venir que de l’extérieur.

Ce qui doit évoluer rapidement, c’est l’accès à la commande publique. Les acteurs de la Civic Tech ne décolleront jamais s’ils doivent se contenter de marchés publics cachés en dessous des seuils de mise en concurrence élargie (-25K€). Des facilités de marché doivent être mises en place. Je salue volontiers l’initiative d’Etalab, avec l’OGP Toolbox et surtout la labellisation de quelques plateformes pour outiller les processus de consultation des ministères.


Réflexions

Et si la Civic Tech était vouée à l’échec ? 1/4

17 décembre 2016 • By

Ce post est le premier d’une série de 4 billets dédiés aux impasses de la Civic Tech.

J’ai proposé aux acteurs de cet écosystème et au cabinet d’un ministère en charge de ces sujets (qui a beaucoup retardé la publication de ce post et n’a finalement jamais répondu), de partager leurs visions sur les 4 grands freins qui, selon moi, entravent le développement en France des technologies civiques.

Impasses Civic Tech : droit dans le mur ? CivicTech 1/4

Premier thème abordé aujourd’hui ==> Quels publics et quels apports de la CivicTech : est- ce un terme « gadget » pour donner du sens aux consultations publiques, comment ces outils peuvent toucher une part représentative de la population ou au contraire sont-ils excluant pour une grande part de la population française ? 

 

Florent Guignard – Le Drenche

Très peu de gens connaissent la Civic tech, c’est un des principaux défis, une poignée sont conscients de l’apport que cela peut représenter.

Néanmoins, une majorité de citoyens partagent les constats de base ; donc la situation peut évoluer assez rapidement. Certains signaux montrent que les choses vont rapidement évoluer ; le début de l’intérêt des médias pour le secteur, l’arrivée de futurs poids lourds (entreprises arrivant avec de grosses mises de départ). Dès que les grands médias auront véritablement intégré une partie de ces outils, une majorité de personnes sera au courant et consciente de ce que cela peut représenter.

Eviter l’exclusion, c’est difficile ; les citoyens déjà exclus du système auront peu de chances d’être ré-intégrer grâce aux civic tech. De fait, si l’on veut corriger ce problème, cela passe par une culture d’inclusion et de participation citoyenne, qui mettra plusieurs années, voire dizaines d’années à avoir des effets.

 

Jérôme Richez – Co-fondateur du Liberté Living Lab

Combien de français sont connectés à internet ? Voilà le « pour qui » des civic tech. Le « pour qui » est plus une question d’infrastructure que de culture.
La question sous-jacente est « par qui » ? Par qui sont créées les civic tech et quelles sont les questions posées en terme de gouvernance, d’indépendance (financière, politique, technologique) et de transparence ? Par qui seront-elles régulées, s’auto-réguleront-elles, leur faudra t-il un contre-pouvoir, un organe de réflexion critique, un « conseil constitutionnel des civic tech » ?
L’autre question sous-jacente est « pour quand » ? Des interfaces utilisateurs grand public ? Des formes hybrides digitales et physiques ? Une relation démocratique en continu inscrite dans la constitution.

 

 

Valentin Chaput – DemocracyOS

Comme toute phase d’innovation, elle part des early adopters qui sont forcément les plus intéressés et les plus connectés, avant de toucher le grand public. Dans le cas des civic-tech il y a en plus un cas particulier : les premiers clients qui doivent investir dans ces projets pour les financer et les crédibiliser – les dirigeants politiques – ne sont pas tous des early adopters naturels, par méconnaissance ou par peur du phénomène. C’est par l’évolution de leurs demandes qu’ils vont permettre de dépasser le stade de la simple consultation (et c’est à nous de faire pression pour qu’ils avancent). Le jour où une décision est réellement prise sur une plateforme civic-tech, les participants affluent – le budget participatif est un bon exemple. Les porteurs de projet civic-tech ont évidemment une responsabilité énorme, d’abord dans la tenue d’un discours plus mature et plus modeste que le déjà ressassé « on uberise la politique » et ensuite dans la création d’outils adaptés à la résolution de problèmes concrets.

 

 

Nicolas Patte – Cap Collectif

Aujourd’hui, on doit dire honnêtement qu’une majorité des Français est sans doute mitigée quant à l’apport supposé exercé par la technologie, en particulier d’internet, sur la vie démocratique. C’est en tout cas ce qui ressort en filigrane d’une étude de 2014 commanditée par la Commission nationale du débat public à TNS Sofres. Ce chiffre, nous avons envie de croire qu’il évolue positivement, puisque depuis 2 ans de très nombreuses initiatives numériques ont vu le jour. Mais cela reste à démontrer.

Dépasser le stade de la consultation n’est pas qu’un voeu pieux, c’est également un objectif assumé. La philosophie de la “CivicTech” ne vient pas de nulle part, elle est largement inspiré par le courant “OpenGov”, qui vise à inventer de nouvelles manières de faire (de) la démocratie en s’appuyant sur les trois grands piliers de ce que nous avons traduit en France par “démocratie ouverte” : plus de transparence, plus de participation (co-décision), plus de collaboration (co-construction). Jusqu’à présent, la culture de la participation s’est largement cantonnée à offrir à la population un formulaire aveugle : remplir une case et cliquer sur le bouton “envoyer”, c’est de la “démocratie participative”.

Évidemment nous ne partageons pas ce point de vue et pensons que la prochaine étape c’est la participation transparente des citoyens à des questions de politique publique, aux budgets locaux, à la fabrication des lois, aux échanges d’arguments des différentes parties, et ainsi de suite.

Après, “toucher l’ensemble de la population” n’est pas un but en soi. On ne peut pas forcer les gens à participer à la vie démocratique. L’exhaustivité est un objectif louable mais elle n’a aucune valeur intrinsèque si elle n’est pas associée à une grande diversité de participants. Or pour toucher un maximum de gens et s’assurer de cette diversité des opinions, il est nécessaire qu’un sentiment global de confiance refasse surface dans la population. C’est-à-dire un engagement très fort du politique dans la tentative de rafraîchissement de la démocratie. Et donc un travail de longue haleine pour convaincre nos décideurs politiques et nos élites que la participation des citoyens aux décisions publiques n’est ni une perte de temps ni une perte d’argent, mais un gain colossal en matière d’intelligence collective. C’est une plus-value extraordinaire qui améliore à terme la productivité de l’Etat, multiplie sa force de travail, augmente la diversité de ses données-sources et remet la confiance dans le “système” au coeur des débats.

 

Thomas Champion – Politizr

Pour le plus grand nombre, sans pour autant tomber dans l’angélisme : nous savons très bien qu’une part de la population n’est ni intéressé par la politique, ni disponible pour s’impliquer, ni « connecté ». L’ambition de Politizr est d’être un relais numérique pour les élus et les citoyens, un moyen de poursuivre des discussions entamées dans le cadre de rencontres physiques que la plateforme permet de rendre accessible à tous.

Impasse

 

Chloé Pahud – Civocracy

Qui est conscient aujourd’hui de l’apport potentiel de la technologie sur la vie publique et démocratique ?

Les élus commencent à s’intéresser à l’apport de la technologie sur la vie publique mais aussi les agents dans les collectivités, pour nous, ils ont été nos meilleurs ambassadeurs.

Nous pouvons dépasser le stade de la simple consultation en étant très clair sur les résultats d’une discussion, mais aussi en intervenant pendant la discussion, en réagissant aux idées, en expliquant ce qui est faisable et pourquoi, en invitant les personnes concernées ou les experts, … ?

Pour toucher l’ensemble de la population ou pour le moins une part représentative de celle-ci, il y a 3 étapes indispensables : bien cibler son audience en lançant une discussion pour savoir à qui on veut parler, lancer une bonne campagne et choisir des sujets appropriés.

Enfin, pour éviter l’exclusion et intégrer l’ensemble des citoyens dans la vie politique et publique, nous devons combiner la technologie et le terrain, en multipliant les efforts et les expérimentations, en étant ouvert sur une approche bottom-up.

 


Jeremie Paret – STIG

Il faut impliquer les élus dans les solutions et ne surtout pas les exclure ; il faut qu’ils soient valorisés pour avoir envie de participer. Il est également nécessaire de concevoir des outils qui soient ultra-simples à utiliser, pas dans ce qu’ils permettent de faire, mais plutôt comment ils permettent de le faire, et beaux. Mettre l’accent sur le mobile est aussi une piste puisque les smartphones sont plus simples d’utilisation que les ordinateurs.

 


Julie de Pimodan – Fluicity

Je pense que l’obsession d’aller toucher l’ensemble des citoyens va à l’encontre du développement rapide des civic tech. La démocratie est une notion vivante, qui doit sans cesse s’expérimenter et évoluer avec les mouvements de notre société. On vit dans un monde hyper fragmenté: un grand nombre de médias touchent un grand nombre d’audiences qui sont sensibles à un grand nombre de sujets. Aujourd’hui les personnes les plus actives en démocratie sont les plus de 55 ans. La civic tech (comme la démocratie) peut difficilement toucher l’ensemble de la population. Aujourd’hui on a besoin de faciliter l’accès à la citoyenneté à la majorité silencieuse et le numérique est le moyen le plus évident pour atteindre cet objectif. Il faut encourager le développement de la civic tech, même avec ses imperfections si on souhaite qu’elle puisse avoir un jour un impact important.

 

Maxime Barbier – BlueNove / Assembl

Aujourd’hui, la Civic tech ne rencontre que des pionniers dans les organisations publiques. Principalement parce qu’elle remet en cause des approches traditionnelles d’élaboration des politiques publiques. La mobilisation citoyenne n’est pas aujourd’hui un réflexe pour les décideurs politiques et acteurs publics.

L’objectif n’est pas d’intégrer l’ensemble des citoyens, mais de faciliter l’engagement de ceux qui veulent s’investir pour apporter leur contribution à la conception et mise en œuvre des politiques publiques. Il s’agit d’activer des communautés éphémères, en fonction des sujets, et de les mobiliser dans des démarches d’intelligence et d’action collective.

Aujourd’hui, il est encore difficile d’aller au-delà des approches de consultation. On arrive à proposer des dispositifs d’aide à la décision (budget participatifs, priorisation collective de projets), mais on ne dispose pas d’outils et de méthodologies pour faciliter le passage à l’action. L’une des résistances est la capacité des collectivités et ministères à expérimenter des idées et projets recommandés par les citoyens.