Initiatives de participation citoyenne dans la ville de Sceaux
7 novembre 2022 • By Amina-MathildeInterview de son maire, Philippe Laurent
Philippe Laurent est maire de la ville de Sceaux (Hauts-de-Seine) depuis 2001 et par ailleurs conseiller régional d’Ile-de-France ainsi que vice-président de l’Association des Maires de France.
Expert des finances locales, il s’était élevé contre le projet de suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, au nom de l’autonomie des communes dans la gestion des services de proximité et de la pérennité d’un service public de qualité pour l’ensemble des citoyens.
Il a récemment salué la revalorisation de 3,5% du point d’indice des fonctionnaires tout en s’inquiétant du coût supplémentaire que devront supporter les collectivités locales.
CT : Je vous propose que l’on revienne sur l’organisation du Comité des transitions puisque la commune de Sceaux a été précurseur en la matière. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ces « Conventions Citoyennes » ?
PL : Nous avons en effet mis en place une instance appelée le « Comité consultatif des transitions » dont les membres sont tirés au sort, ce qui est assez complexe parce que les candidats sont rares et pourvoir un seul poste peut parfois nécessiter 3 tirages au sort successifs.
Dans ce cadre, des groupes de travail sont mis en place sur différents sujets. Même si le comité comprend quelque 150 personnes, seule une quarantaine d’entre elles sont véritablement actives, dont certaines se réunissent chaque semaine, en fonction des sujets. De nombreux intervenants extérieurs y participent également pour le caractère formatif de la démarche. J’ai par ailleurs une adjointe déjà experte dans ce type de projets qui y contribue efficacement.
En 2012, nous avons également initié les sessions « Parlons Ensemble » consacrées à divers thèmes comme le centre-ville, l’Europe ou bien encore le quartier des Blagis, qui ont rencontré un vif succès auprès des habitants de la commune, conviés à apporter leurs suggestions au cours de réunions de quartier riches en débats et en propositions.
Les réunions des projets participatifs appelés « Parlons Ensemble » démarrent toujours par une enquête audiovisuelle. Par exemple, autour du thème consacré au quartier des Blagis, un film d’une quinzaine d’heures a été tourné, dans le but de recueillir les opinions des habitants du quartier. Il a ensuite été raccourci à 12 minutes, et diffusé en introduction ; il apporte une base constructive propice aux échanges et aux idées nouvelles. Les élus n’interviennent pas et les débats sont menés par un animateur externe. On évite ainsi les présentations qui s’étirent en longueur et les participants apportent leur pierre à l’édifice dans un contexte où ils ont toute latitude pour exprimer leurs souhaits d’amélioration, de modification ou de pérennisation de tous les aspects de leur environnement.
CT : Qu’est-ce qui vous a orienté vers ce format de participation ?
PL : Nous avons débuté en 2011 par une expérimentation, méthodologie préconisée par l’agence en charge du projet, où les citoyens ont été conviés à se rassembler dans des lieux de la ville qu’ils n’ont pas l’habitude ou le loisir de fréquenter, comme l’amphithéâtre de la faculté de droit Jean-Monnet. Le but des 5 débats qui ont été organisés à cette période était d’amener les habitants à réfléchir, à exprimer leurs souhaits, leurs ressentis et leurs idées.
CT : Quelle influence et quel éclairage apportent ces débats dans vos décisions et vos actions à mener ?
PL : Pour reprendre l’exemple du quartier des Blagis que j’ai évoqué précédemment, les conséquences ont été très concrètes. Les bailleurs sociaux, l’office départemental de l’habitat et les commerçants, également impliqués dans la démarche, étaient à l’écoute des habitants qui ont eu un espace et un temps privilégié pour échanger directement et de visu avec eux. S’est ensuivie une réunion du Conseil municipal où une feuille de route a été signée, engageant les partenaires sur un certain nombre d’actions à mener. Les habitants ont été partie prenante de l’élaboration du diagnostic et des propositions. Le bailleur social s’est alors engagé à ouvrir une permanence de proximité dans le quartier pour les locataires. Je me suis engagé de mon côté, à ouvrir une agence postale communale et une agence France services, qui ont été opérationnelles rapidement, quand le bailleur social n’avait pas encore implanté la sienne. La réactivité des services de la mairie a été saluée à cette occasion par les usagers.
CT : Selon vous, quelle initiative est la plus efficace, entre le Comité consultatif des transitions et les concertations « Parlons Ensemble » ?
PL : Ce sont des démarches de nature différente et qui n’ont pas vocation à s’opposer. La démarche que je viens de vous décrire vaut pour des sujets assez larges et peut se déployer sur six, voire huit mois au maximum. Le Comité consultatif des transitions mobilise moins d’intervenants mais qui œuvrent dans la durée et au sein duquel les habitants deviennent prescripteurs. Les avis souvent éclairés, d’une centaine de citoyens consultés nous permettent ainsi d’avoir une adhésion essentielle à la prise de décisions, dont certaines peuvent s’avérer délicates.
CT : Est-il possible de consulter les citoyens sur des sujets moins consensuels ?
PL : Parfois, cela peut arriver. Par exemple le sujet de la trame noire, c’est-à-dire le projet d’éteindre la lumière la nuit pendant 3 ou 4 heures dans certains quartiers pavillonnaires a généré une véritable levée de boucliers.
Concernant les mesures en faveur de l’écologie, il nous faut aussi, nous, les élus locaux, trancher et prendre les décisions qui s’imposent et qui ne sont pas toujours consensuelles.
Il en va de même pour les travaux de voirie, Emettre et soumettre plusieurs hypothèses divisent les habitants et la décision devant être prise, et qui sera appliquée, ne fera pas l’unanimité.
L’avantage du Comité consultatif repose sur son déploiement dans la durée. Les habitants, tout d’abord intimidés, se mettent en quête d’informations qui les conforteront dans leurs prises de paroles. La participation par visioconférence a d’ailleurs créé plus d’engagement pour des raisons évidentes de logistique familiale.
CT : Quelles sont les doléances les plus communes que vous recevez ?
PL : Les problèmes liés au logement sont les plus courants. L’exiguïté, le voisinage, les expulsions sont des sujets récurrents auxquels nous répondons grâce à la mise en place d’une permanence dédiée.
Le deuxième sujet d’irritation est l’usage de la voiture et les conditions de circulation en zone urbaine ou les contraintes de stationnement
CT : Quels autres projets notables avez-vous pour les mois à venir ?
PL : L’année 2023 verra s’ouvrir une nouvelle consultation sur un autre quartier, en pleine rénovation urbaine, qui va susciter des entretiens et des débats autour notamment de l’implantation harmonieuse de commerces essentiels.
La réouverture de notre église, restaurée durant plusieurs années grâce à un investissement de plus de 12 millions d’euros et laissant ressurgir de fabuleux décors peints, ainsi qu’un changement novateur du mobilier liturgique et le retour de son orgue sera un fait marquant et symbolique de notre communauté.
CT : Pouvez-vous nous décrire l’une de vos journées type ?
PL : La plupart de mes journées sont principalement rythmées par des réunions avec les collaborateurs de l’ensemble des services de la mairie, au cours desquelles, quotidiennement, des décisions sont prises et appliquées.
Viennent ensuite les nombreuses réunions avec le Département, l’intercommunalité.
Et plusieurs fois par mois nous rencontrons, avec les élus de la commune, les habitants sur des projets à mettre en place, comme expliqué auparavant.
Hier encore, nous avons organisé une rencontre essentielle avec des commerçants concernés par la construction d’un parking souterrain, qui leur apparaît comme un obstacle majeur à la bonne continuité de leur activité et pour lesquels il a été mis en place une commission d’indemnisation dont les modalités ont pu être expliquées, entendues et comprises.
Avant-hier, j’ai également reçu la nouvelle présidente de la MJC, qui représente 2000 adhérents et 500 000 EUR de subventions de la part de la Ville. La rénovation de certains de ses locaux et la célébration des 20 ans du studio de répétition et d’enregistrement, au service des pratiques musicales autant amateures que professionnelles, ont été les principaux sujets évoqués.
Comme je fais également partie d’autres structures au niveau national et que je préside certaines d’entre elles, les réunions y afférant tiennent aussi une place prépondérante dans mon emploi du temps.
Mon quotidien est fait de décisions et d’actions concrètes à mener, ce qui représente le cœur de ma mission sur la vie de la collectivité.
Les grandes orientations et décisions prises au niveau national se doivent d’être finement analysées car elles ont toujours un impact au niveau local, voire micro-local.