Outils de stratégies électorales, CiviCRM et relation au citoyen avec les Civic Tech
11 mai 2016 • By François GOMBERTJ’ai répondu à quelques questions à propos des des outils de stratégies électorales comme Nation Builder ou DigitaleBox mais aussi d’un outil gratuit et open source : CiviCRM. Cet entretien (disponible ci-après) a été l’occasion d’aborder la gestion de la relation au citoyen dans les collectivités et de revenir sur l’ADN des logiciels Civic Tech.
Philippe Gallo (directeur général adjoint des Pennes-Mirabeau et enseignant à l’IMPGT), Olivier Cimelière, Vincent Moncenis (co-fondateur et Président de DigitaleBox) et Toni Cowan-Brown, V.P. Europe de Nation Builder ont également été interrogés, je vous recommande de les lire ici.
Bonjour François. Qu’est-ce qui différencie CiviCRM des deux logiciels présentés dans l’article (NDLR : Nation Builder et DigitaleBox) ? A qui s’adresse-t-il ?
– François Gombert : comme NationBuilder ou DigitaleBox, CiviCRM est une solution de CRM (customer relationship management) mais cette plateforme est libre et gratuite. Une autre de ses spécificités est la possibilité de l’intégrer dans différents CMS : Drupal, WordPress ou Joomla.
CiviCRM est pensé pour accompagner les associations, les organismes à but non-lucratif ou les organisations non-gouvernementales dans leurs campagnes de lobbying et de mobilisation citoyenne. En effet, ces organisations n’ont pas forcément les moyens de se doter de logiciels propriétaires comme ceux présentés dans l’article. D’autres souhaitent, par conviction, se tourner vers du libre.
Quels usages peut-on imaginer dans le champ public ?
– François Gombert : CiviCRM permet principalement de gérer les relations avec les différents publics et de les organiser avec des outils comme des newsletters, des campagnes de sensibilisation ou de mobilisation autour d’événements, de causes…
« Plutôt réservé aux associations et aux ONG »
L’utilisation de ce logiciel dans la sphère publique est plutôt réservée aux associations, ONG… De grands acteurs comme la Wikimedia Foundation, Amnesty International, ou encore l’Unesco l’utilisent déjà ou l’ont utilisé, notamment pour d’importantes opérations de collecte de financement et d’actions humanitaires.
Je ne crois pas que CiviCRM soit utilisé aujourd’hui par des collectivités territoriales. On devrait d’ailleurs s’interroger sur les outils utilisés par celles-ci pour gérer leur relation avec les publics. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, un grand nombre de collectivités s’interroge encore sur l’organisation à mettre en place pour répondre efficacement aux emails envoyés par les citoyens.
« Imaginer d’autres formes d’outils relationnels pour mieux accompagner, co-construire, mobiliser, évaluer… »
On pourrait pourtant imaginer d’autres formes d’outils relationnels pour mieux informer, mieux cibler, mieux répondre aux demandes, mieux accompagner, consulter davantage, co-construire, mobiliser, évaluer et améliorer en continu l’efficacité des dispositifs. À quand une relation au citoyen d’aussi bonne qualité que celles mises en place dans les meilleurs services consommateurs ?
Le CEO de SeeClickFix a partagé dans un post ses recettes pour un projet Civic Tech réussi. L’une des plus intéressantes : la nécessité d’une expérience du citoyen qui rivalise avec la meilleure des expériences utilisateur. Il ajoute que si les consommateurs deviennent fans des produits qui collent à leurs besoins, les usagers des services publics pourront créer cette relation avec leurs institutions pour les mêmes raisons.
C’est l’un des grands enjeux pour les collectivités : mettre en place des technologies civiques pour améliorer la gestion de la relation et de la mobilisation citoyenne. Mais attention aux recettes miracles : il ne suffira pas de 3 clics et d’un outil, il faudra repenser toute la communication publique.
Qu’est-ce que la “technologie civique” et quel ADN un logiciel doit-il avoir pour faire partie de cette nouvelle famille ?
– François Gombert : Il n’y a pas de définition officielle, mais selon la Knight Foundation qui consacrait en 2013 un rapport sur l’émergence de la Civic Tech, le secteur se veut « à la croisée de la technologie, de l’innovation, d’un gouvernement ouvert et de l’engagement du citoyen ».
De mon point de vue, l’ADN du logiciel “civique” doit lui permettre d’offrir la possibilité à un citoyen ou à un groupe d’individus de s’engager, d’influer sur les politiques publiques ou de mieux les comprendre. Cette nouvelle famille est donc assez large : des pétitions en ligne, en passant par des outils d’intelligence collective comme ceux qui ont permis de co-construire la loi numérique, ou encore un comparateur de programmes politiques comme celui de Voxe.org.
Enfin, se pose la question de l’ouverture du code : doit-on exclure les logiciels propriétaires des CivicTech ? Même si je reste persuadé de l’importance du libre et donc de l’ouverture pour les collectivités, je ne crois pas qu’on puisse exclure des solutions comme Nation Builder et DigitaleBox dans leur version collectivité, ou encore Change.org et ses audiences qui sont de véritables acteurs numériques du changement en France et dans le monde.