Interview

Web media Le Crayon, né pour faire vivre le débat

18 décembre 2023 • By

Rencontre avec son patron et co-fondateur, Wallerand Moullé-Berteaux

Entretien réalisé en juin 2023

CT : Bonjour Wallerand, pouvez-vous nous parler un peu de vous et de votre parcours ?

WM-B : Je m’appelle Wallerand Moullé-Berteaux, j’ai 25 ans, et je suis l’un des fondateurs du média en ligne Le Crayon, aux côtés de Sixtine, Antonin et Jules.

Le Crayon est ma troisième entreprise. Précédemment, j’ai créé une agence d’événementiel et une agence de « community management ». Mes deux expériences antérieures ont été enrichissantes et passionnantes mais elles étaient principalement axées sur la délivrance de services et la satisfaction de nos clients, sans finalité plus profonde.

Le Crayon est né de l’idée de Sixtine à un moment où je ressentais moi-même le besoin d’apporter plus de valeur, d’impact à la société, même à petite échelle.

Initialement, notre concept de base était simple : mettre en relation des personnes aux opinions divergentes, filmer leurs échanges et permettre à chaque point de vue de s’exprimer.  Puis nous avons appris peu à peu comment organiser et produire des débats de qualité avec des sujets pertinents tout en maintenant la rigueur la plus journalistique qui soit.

CT : Vous connaissiez bien les réseaux, aviez une boîte de « community management ». Du coup, perceviez-vous l’effet bulles d’opinions ?

WM-B : Tout à fait. Grâce à notre entreprise de « community management », nous collaborions avec plusieurs influenceuses qui promouvaient les établissements de nos clients (restaurants, hôtels, marques) en échanges de repas, de séjours ou de produits.

Ce qui m’a interpellé, c’est que certaines de ces personnes, en particulier des femmes, rencontraient un grand succès sur les réseaux sociaux tout en partageant des idées bien affirmées. Pourtant, cela ne semblait pas gêner les hôtels et restaurants avec lesquels nous collaborions. Ils les présentaient comme des personnalités neutres alors que moi je ne les percevais pas ainsi.

C’est alors que j’ai pensé qu’il serait important que ces personnes soient confrontées à d’autres ayant des opinions divergentes et qui elles aussi ne s’exprimaient que sur leurs propres médias ou sur ceux de tiers avec qui elles partageaient des points de vue.

Mon idée de départ était de créer un espace où les algorithmes des réseaux sociaux puissent à la fois nous présenter des contenus avec lesquels nous sommes d’accord, partiellement d’accord et en total désaccord.

CT : Percevez-vous une forte polarisation au sein de votre génération ?

WM-B : La majorité d’entre nous, pour être honnête, se désintéresse de la politique, même de certains sujets de société et reste apolitique. Environ 30% de notre génération adhère à des idéologies politiques et en effet pour certaines de ces personnes, le débat contradictoire ne fait pas partie de leurs habitudes.

Personnellement, je m’intéresse à la politique et aux questions sociales depuis mon adolescence, à vrai dire depuis que j’ai découvert l’émission « On n’est pas couché » avec des intervenants comme Léa Salamé, Aymeric Caron, Éric Naulleau et Éric Zemmour. C’était un véritable spectacle de débats publics. On y retrouvait des opinions allant du centre à la gauche jusqu’ à la droite dure. Les chroniqueurs avaient des désaccords mais ils parvenaient à entretenir de bonnes relations ; ça ne dérapait pas. C’était un message puissant.

Les opinions politiques ne définissent pas complètement une personne et selon moi cela ne devrait pas empêcher les relations sociales. Pour ma part, j’ai des amis qui appartiennent à toute la gamme des idées politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Souvent, nous évitons simplement de discuter de politique. Et quand nous le faisons, nous utilisons l’humour ou le second degré tout en respectant nos divergences.

CT : Comment expliquez-vous le manque de recul que l’on peut observer aujourd’hui ? L’art du débat d’idées se perdrait-il ?

WM-B : Ce manque de recul peut être attribué à deux facteurs principaux à mon avis.

Le premier est l’impact inévitable des réseaux sociaux lesquels ont créé une sorte de chambre d’écho pour les opinions exprimées publiquement et qui sont susceptibles d’influencer ceux qui n’avaient pas d’avis préalable sur un sujet. Par conséquent, la tendance est à contrecarrer rapidement ces déclarations pour éviter que davantage de personnes ne soient influencées.

Cette dynamique était moins présente lorsque les éditorialistes se limitaient aux médias imprimés ou télévisés, car ils touchaient un public plus large et diversifié et qu’il n’y avait pas de possibilité d’interactivité immédiate.

Le deuxième facteur est selon moi le fait qu’actuellement les deux rhétoriques principales qui semblent s’opposer sont axées sur des thèmes de crise.

D’une part, il y a la crise écologique (et sociale), principalement dénoncée par la gauche, qui est considérée comme un enjeu tellement crucial que pour beaucoup toute personne n’y adhérant pas à 100% peut être perçue comme criminelle, voire coupable d’écocide.

D’autre part, il y a la crise identitaire, où certains à droite estiment que toute personne ne défendant pas l’identité française telle qu’ils la conçoivent est criminelle envers le pays, voire coupable de patricide.

Ces accusations d’écocide ou de patricide conduisent à considérer quiconque a des opinions divergentes comme un ennemi avec lequel il est impossible de partager du temps ni même une discussion.

Ceci dit, ne surestimons pas non plus l’influence que certains peuvent exercer en ligne. Par exemple, nous au Crayon même si nous avons plus 1,2 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, nous ne sommes pas pour autant des acteurs décisifs.

En réalité, très peu de personnes exercent une influence réelle sur l’opinion publique, probablement moins de 50 en France. Et on pourrait même dire que des figures comme l’écrivain Michel Houellebecq ont peut-être plus d’influence que certains chroniqueurs télé, bien que ceux-ci soient davantage commentés sur X au quotidien.

CT : Pourriez-vous nous en dire plus sur la manière dont s’est développé votre projet ?

WM-B : Nous avons débuté notre aventure dans mon petit appartement d’étudiant où nous avons installé des caméras. Le fait que cet endroit, où nous organisions de petits apéros entre amis, ait pu ensuite accueillir des invités tels que Cédric Villani, Brigitte Gauthier, Alexandre Langlois, et bien d’autres, restera pour moi un souvenir incroyable.

Actuellement, notre entreprise compte 15 collaborateurs, nous nous sommes développés et nous avons déménagé dans des locaux situés dans le 8ème arrondissement de Paris. Nous sommes fiers de cette évolution qui a été autofinancée, bien que cela soit en train de changer.

Ce qui m’enthousiasme le plus c’est d’avoir prouvé que Le Crayon pouvait être rentable tout en étant lié à une cause sociétale. Une telle démarche est très gratifiante pour une personne de mon âge car comme de nombreux jeunes, je tenais à donner du sens à ma vie professionnelle sans pour autant vivre de manière précaire.

Cela signifie que si l’on souhaite influer sur l’avenir du pays, il est impératif d’avoir des ressources financières ou d’en générer, car nous évoluons dans une économie capitaliste libérale.

Si vous ne disposez pas d’argent, vous serez dépendant de ceux qui vous en fournissent, et votre aventure peut prendre fin à tout moment.

Cela est vrai de la part d’actionnaires comme de donateurs. Même un média financé par ses abonnés et des donateurs comme le média de gauche Blast n’est pas à l’abri de perdre des dons si à un moment donné il prend une position qui déplait à son audience.

Il nous a fallu acquérir des compétences, et beaucoup sur le terrain. Personnellement, je ne suis pas journaliste, et n’aurai jamais la prétention de l’être.  Et pourtant beaucoup de nos auditeurs nous écoutent plus qu’ils n’écoutent des journalistes. Je pense que cela tient au fait que nous exerçons sur les plateformes où les gens étaient déjà présents.

Au départ, nous nous sommes centrés sur un format bien spécifique avant de nous soucier de la qualité. Puis nous avons progressivement peaufiné notre style tout en apprenant le « métier » et cela a été très bien reçu.

Je pense que cette approche a été la bonne car vouloir tout faire parfaitement dès le départ nous aurait certainement coupé les ailes et retardé dans notre développement.

CT : En apprenant le métier comme vous dîtes qu’est-ce qui a changé ?

WM-B : Depuis le début, nous faisons de notre mieux pour mettre en relation des personnes et des idées, mais nous accordons également une grande importance à la connaissance.

Notre génération a bénéficié grandement de la révolution de la connaissance rendue possible par Internet et finalement la possibilité d’acquérir du savoir qui est à portée de main repose maintenant davantage sur la motivation et le niveau d’éducation que sur le statut social ou les moyens financiers.

Cette obsession pour la connaissance nous anime au Crayon où nous nous efforçons de « fact-checker » les informations, de collaborer avec des experts et de contribuer à l’élévation des compétences intellectuelles, voire professionnelles, de notre auditoire.

CT : Vous invitez des personnalités peu présentes dans les médias traditionnels mais avec une influence notable sur les réseaux sociaux comme Louise Aubery ou Julien Rochedy, parfois engagées sur des thématiques bien spécifiques. C’était une évidence ?

WM-B : Notre objectif premier c’est de nous adresser à la jeunesse, un groupe démographique relativement peu représenté à la radio et à la télévision mais qui est massivement présent sur les réseaux sociaux.

Or, justement, nous croyons que quiconque a une voix influente sur les réseaux sociaux doit être écouté, quel que soit le degré de véracité ou de pertinence de ses propos car cela dit beaucoup de ce qui traverse la société et les jeunes générations en particulier.

Alors nous tenons à renouveler les profils que nous invitons tels que Juan Branco, Idriss Aberkane ou Julien Rochedy qui représentent un spectre politique diversifié et sont peu présents à la télévision ou à la radio. Et bien que nous puissions être en désaccord avec leurs idées, nous considérons qu’ils permettent de nourrir la réflexion et les débats d’idées.

Louise Aubery, quant à elle, représente la majorité des jeunes filles d’aujourd’hui, elle a toute sa place sur notre plateau.

La télévision ou la radio ont tendance à négliger des sujets de fond qui pourtant vont continuer à être d’actualité sur le long terme, tels que le féminisme, la technologie, le changement climatique ou les questions identitaires.

CT : Pensez-vous que des personnalités influentes sur les réseaux sociaux ont plus de chances d’intéresser les jeunes aux sujets politiques et sociétaux que des intellectuels réputés ?

W M-B : À mon avis, le format dicte tout. Une personne qui paraît peu intéressante dans une vidéo peut devenir captivante dans une vidéo au format différent.

Thinkerview en est un bon exemple. Je n’avais jamais entendu parler de la plupart des invités que j’y ai écoutés, mais à la fin de plusieurs entretiens, j’ai eu envie d’en savoir plus sur eux et de creuser davantage le sujet abordé. Cela montre que le format et la confiance que l’on accorde aux marques médiatiques sont déterminants.

Par ailleurs, il est souvent difficile de faire preuve de nuance sur les réseaux sociaux à l’heure de créer des formats courts et percutants. Pourtant ce n’est pas impossible, et nous avons réussi à le faire avec des invités tels que le philosophe André Comte-Sponville, le chroniqueur et écrivain Yann Moix ou le reporter de guerre Régis Le Sommier autour de sujets, toutefois, plutôt populaires.

Sur les réseaux sociaux, les messages simples, présentés avec clarté et logique, même s’ils sont moins nuancés, ont plus d’impact et touchent davantage les gens. Bien sûr, cela peut susciter des désaccords, mais ce qui compte c’est que le propos soit immédiatement compréhensible.

En fait, l’argument d’autorité sur les réseaux sociaux ne repose pas sur des titres, des fonctions ou des références, mais sur la viralité et l’impact.

CT : Il vous est arrivé de recevoir des ministres dans le cadre de vos débats. Ont-ils des attentes spécifiques ?

WM-B : Il est vrai que certains ministres sont plus réticents que d’autres à vouloir participer à un débat face à un public auquel ils ne sont pas habitués. Cela n’est pas lié à leur poste mais plus à leur personnalité je dirais. Cependant, dans l’ensemble, ils apprécient le fait d’être confrontés à des jeunes qui défendent leurs idées, apportent des arguments solides et les challengent.

Avec Hugo Travers et dans une moindre mesure, Gaspard G, Le Crayon fait partie des médias destinés aux jeunes et qui sont généralement perçus comme neutres par les politiques qui consentent à y débattre.

CT : Quels sont les différents formats proposés par Le Crayon ?

W M-B : Nous utilisons plusieurs formats pour nos émissions.

En plus des interviews que nous réalisons de manière contradictoire pour éviter de favoriser une position par rapport à une autre, nous avons un format qui ressemble à une table ronde et que nous appelons « Concentration ».

Ce format réunit des individus aux parcours divers, qui ne sont pas nécessairement en désaccord mais qui apportent des perspectives différentes. Par exemple, nous avons pu réunir une actrice porno, des représentants des grandes religions monothéistes et des étudiants de Sciences Po issus de différentes obédiences politiques autour d’un sujet de société.

À la rentrée de septembre (2023), nous allons introduire un nouveau format avec cinq participants et le concept consistera à identifier leurs différences et leurs points communs pour tenter de démontrer que certaines distinctions entre les gens, leurs idées et leurs identités ne sont pas fondamentales et qu’elles n’ont pas à empêcher la cohabitation.

CT : Quel est le format d’émission qui connaît le plus de succès sur votre chaîne ?

W M-B : Actuellement, c’est le format débat qui fonctionne le mieux sur notre chaîne. On peut dire que nous sommes devenus la principale plateforme de débats en ligne en France.

Notre audience réagit très positivement à notre contenu et reconnaît la qualité de l’information que nous partageons grâce à nos interviews.

Nous sommes cependant conscients que notre public est plutôt composé de jeunes ayant fait des études post-bac et issus des catégories socioprofessionnelles supérieures mais nous espérons toucher un public plus diversifié à l’avenir grâce à la popularité de nos formats.

Le journalisme citoyen gagne du terrain au sein de la contre-culture intellectuelle et nous pensons que cela aussi présente beaucoup de potentiel pour un média comme le nôtre.

CT : Avez-vous dû travailler sur vous-même pour être percutants sur vos propres réseaux sociaux ?

W M-B : Si nous avons dû apprendre à parler devant la caméra et à mener des débats sur notre média, nous nous devons d’être relativement modérés à l’heure de nous exprimer personnellement sur les réseaux sociaux.

Nous avons tous les quatre pas mal d’abonnés mais nous ne cherchons pas à faire du bruit pour gagner en visibilité car ce qui nous importe c’est que Le Crayon soit connu comme un média qui rassemble les gens.

Ceci dit, nous avons aidé certains de nos clients à être plus efficaces sur les réseaux sociaux et à obtenir une plus large couverture médiatique.

CT : Donner un plus large écho médiatique aux entrepreneurs est d’ailleurs une cause qui vous tient à cœur.

W M-B : Absolument, c’est une cause qui me tient particulièrement à cœur, ainsi qu’à Sixtine.

Je pense que les entrepreneurs devraient prendre davantage la parole en public et devenir des leaders d’opinion alors qu’actuellement ils sont parmi les moins influents.

Ils créent des emplois, de la valeur, ils sont essentiels à l’innovation et à l’économie et ils méritent une place plus importante dans les débats généralistes et pas que sur les médias dits économiques. Nous serions heureux d’accompagner ceux d’entre eux qui souhaitent le faire.

Les initiatives d’Anthony Bourbon, Justine Hutteau, David Layani, Xavier Niel et d’autres vont dans la bonne direction. Cela se fait aux Etats-Unis depuis des années et il est temps qu’il en soit de même en France.

Il sera particulièrement intéressant d’entendre les influenceurs, devenus par la force des choses des entrepreneurs, comme Tibo InShape, Squeezie ou Lena Situations, lorsqu’ils commenceront à discuter de business et d’entrepreneuriat. Cela pourrait être une initiative très positive pour le secteur. HugoDécrypte et Tibo InShape ont d’ailleurs commencé à le faire, mais on peut aller plus loin.

Pour notre part, nous avons créé la « Founders Night », un événement qui rassemble justement des entrepreneurs. Nous constatons leur énergie, leur volonté de créer une émulation chez les jeunes et de proposer des solutions pour le pays. Certains sont très inspirants.

CT : La plupart des entrepreneurs ont des projets surtout portés sur l’individuel et moins sur l’impact social, non ?

W M-B : C’est tout à fait vrai, mais cela ne les empêche pas d’observer des réalités sur le terrain et d’être en mesure de parler en connaissance de cause et souvent dans l’intérêt général.

Par exemple, un entrepreneur dans le secteur immobilier est mieux placé pour discuter de la situation immobilière d’un pays qu’un éditorialiste qui s’est documenté la veille. La logique sous-jacente est que l’entrepreneur est un leader d’opinion citoyen.

Il existe de nombreux domaines tels que le climat, l’inclusion, l’immobilier, la répartition des richesses, les questions fiscales et administratives où l’expérience des entrepreneurs peut apporter une perspective précieuse.

Par exemple, j’aimerais entendre le point de vue d’un entrepreneur comme Théo Scubla qui a fondé « Each One », une entreprise qui favorise l’intégration des migrants par le travail, plutôt que celui d’un éditorialiste de plus qui ne va pas forcément me faire voir les choses différemment.

CT : Comment pensez-vous que les journalistes professionnels et les leaders d’opinion doivent s’adapter pour continuer à exercer leur métier avec plus d’impact ? Est-ce qu’ils doivent devenir eux-mêmes des influenceurs ?

W M-B : Chaque fois que l’écosystème évolue, il y a des gagnants et des perdants. Pour ma part, je souhaite comme je l’ai déjà dit que les entrepreneurs et les fondateurs d’associations se fassent davantage entendre.

Les changements technologiques, les habitudes de consommation de l’information poussent les professionnels à se réinventer, à devenir plus pertinents et à s’adapter aux attentes du public.

Alors si les leaders d’opinion ne parviennent pas à avoir un certain succès sur les réseaux sociaux, cela risque de poser à terme la question de leur pertinence y compris sur les médias traditionnels tels que la télévision ou la radio.

CT : Pensez-vous que la conflictualité soit la tendance dominante pour générer de la visibilité sur les réseaux sociaux ?

W M-B : Je pense que l’approfondissement des sujets peut atténuer cette tendance en permettant d’aller plus loin dans la réflexion.

Une manière de creuser un sujet consiste à utiliser le format podcast. Bien que cela génère moins d’audience que les réseaux sociaux, le podcast permet d’engager un public plus fidèle. 500 écoutes par épisode, cela n’est pas négligeable car l’auditoire est généralement composé de supporters engagés.

Les newsletters en format écrit permettent également de produire un contenu plus approfondi. De nombreux thèmes, y compris la politique, peuvent être traités via ce format. Et il existe des newsletters qui attirent un large lectorat. Caroline Jurado produit une newsletter sur les crypto-monnaies suivie par 60 000 personnes, Thibault Louis en produit une sur le copywriting et le solopreneuriat avec 12 000 abonnés et celle de Martin Pavanello dédiée à l’intelligence artificielle en compte 15 000. Des newsletters plus connues telles que « Time to Sign Off » de Romain Dessal ont entre 600 000 et 700 000 lecteurs.

Actuellement, nous travaillons nous aussi à la création d’une newsletter avec Hugo Travers.

Un contenu de fond ne rassemblera jamais des millions de personnes. Cependant, s’il touche le bon public, il aura forcément de l’impact.

Un exemple concret : si nous lançons un podcast destiné aux grands décideurs, et que nous avons seulement 200 auditeurs, cela peut sembler peu. Cependant, si ces 200 auditeurs comprennent les 40 PDG du Next40, les 40 PDG du CAC 40, et les 40 PDG de la French Tech 120, notre podcast devient alors l’un des plus influents de France. Cela souligne l’importance des publics cibles et des ressorts de l’influence.

De plus, il ne faut pas confondre popularité et influence. Certaines personnes ont plus d’abonnés sur les réseaux sociaux que d’autres mais auront moins d’impact sur la société si elles sont suivies par un public dont l’influence est limitée.

En conclusion, la taille et le ciblage de l’audience sont des facteurs cruciaux pour comprendre l’influence. Bien souvent, il ne s’agit pas d’attirer une audience massive mais de toucher les bonnes personnes au bon endroit.

CT : Donc au-delà du taux d’engagement vous dîtes qu’il faut savoir quelle audience viser sur les réseaux ?

W M-B : En effet, au-delà du simple taux d’engagement, il est essentiel de comprendre quel public on souhaite atteindre sur ces plateformes.

Notre agence d’intelligence économique et d’influence, « Le Pinceau », a développé une thèse et une approche fondée sur la notion du « bon créateur ou média avec la bonne audience pour le bon contenu ». Cette approche s’articule sur trois points : le choix du bon créateur ou média, l’identification de la bonne audience et la création de contenu approprié pour cette audience.

Il est crucial de respecter cet ordre et chaque étape est fondamentale. Si vous échouez à l’une d’entre elles, votre campagne d’influence ne sera pas aussi performante.

Nous nous concentrons sur la connaissance des médias et des influenceurs, la compréhension de leur audience ainsi que sur la création de contenu qui résonne chez ces publics. Cette approche nous permet d’optimiser nos campagnes.

CT : Comment accompagnez-vous concrètement les leaders d’opinion pour les aider à être plus percutants ?

W M-B : Nous utilisons deux leviers principaux : les réseaux sociaux (notamment TikTok, Instagram et LinkedIn) pour la vidéo et l’écrit, ainsi que les médias sous toutes leurs formes, y compris la télévision, la radio, la presse écrite, les médias digitaux, les podcasts et les newsletters. Cette approche multicanal permet d’obtenir une présence médiatique significative.

Nous appliquons d’ailleurs cette méthode en interne et cela nous permet d’être plus crédibles et d’ouvrir des portes pour nos clients.

Nous nous adaptons à leurs besoins ainsi qu’à leur budget. Cela peut aller d’un accompagnement complet, travail sur l’image, média training, stratégie globale de communication à des offres plus automatisées et moins coûteuses.

CT : Avez-vous une démarche commerciale ?

W M-B : Pour l’instant, nous n’avons aucune personne dédiée aux ventes mais nous prévoyons d’embaucher pour la prospection. Sixtine, Jules et moi-même nous en chargeons. Nous recevons aussi des demandes entrantes.

CT : Comment les agences établies vous perçoivent-elles ?

W M-B : Nous sommes perçus comme un OVNI et parfois comme un concurrent, bien que ce ne soit pas le cas pour les grandes agences.

Au travers de nos propres agences, nous nous concentrons principalement sur l’image des dirigeants et des entreprises ou institutions et nous laissons à d’autres le soin de s’occuper du reste.

Notre principal avantage concurrentiel est d’être présents sur le segment jeune avec un web média qui a du succès ainsi que d’être quatre chroniqueurs influenceurs, avec chacun nos particularités, nos connaissances et nos forces.


Interview

Loïc Blondiaux : réflexions à propos de la démocratie participative en 2023

5 juillet 2023 • By

Loïc Blondiaux est professeur de science politique à l’université Paris Panthéon-Sorbonne et chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CNRS/EHESS/Paris I).

Nous lui avons demandé de nous partager ses analyses sur l’état de l’art en matière de démocratie et de démocratie participative en particulier.

(Interview réalisée en mars 2023)

CT : Bonjour Loïc Blondiaux, à l’aune du contexte géopolitique international, quels constats faites-vous sur l’état des démocraties ?

Le constat général est plutôt dramatique car on assiste dans différentes régions du monde où il y a des démocraties à des processus de déconsolidation et de remise en cause de libertés publiques fondamentales, et cela même en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Au nom de la sécurité, on voit des régimes basculer dans des formes d’hybridation entre la démocratie et l’autoritarisme. C’est ce qu’on appelle les démocraties illibérales.

Dans le même temps, la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs gouvernants, des principes et des institutions de la démocratie, augmente. Il s’agit d’une crise de légitimité qui se traduit par le fait que les décisions prises par les gouvernants n’apparaissent plus comme légitimes justement. 

Les démocraties sont par ailleurs confrontées à un problème d’efficacité. Face aux crises émergentes, qu’elles soient environnementales, pandémiques, économiques ou financières, la démocratie apparaît pour certains comme un régime inefficace. 

Et c’est cet ensemble de constats qui laisse à penser que d’un point de vue géopolitique, la démocratie est plutôt en régression et on le voit même dans les analyses sur le temps long, avec un nombre de démocraties qui décroit, ce qui est en rupture avec la progression à laquelle on avait pu assister après la Seconde Guerre mondiale.

CT : Pouvez-vous nous citer quelques exemples concrets pouvant laisser penser que nous sommes en train de basculer vers des démocraties illibérales et nous rappeler ce qu’une nation est censée respecter pour être considérée comme une démocratie ?

Des événements inédits dans l’histoire récente de deux grands pays comme l’assaut du Capitole aux Etats-Unis en 2021 ou celui du siège du gouvernement fédéral au Brésil en janvier 2023 nous ont stupéfaits et ont démontré que des groupes peuvent être tentés de prendre le pouvoir par la force ou tout du moins de mettre à mal de façon visible des institutions symboles de la démocratie. Dans d’autres pays comme la Pologne ou la Hongrie, au sein même de l’Europe, le basculement vers des régimes plus autoritaires se fait ces dernières années de manière moins spectaculaire mais à coup de lois ou de restrictions. Et dans des pays longtemps considérés comme des démocraties modèles tels que l’Inde ou Israël, les gouvernements actuellement en place sont au nom de la sécurité tentés de restreindre les libertés. Et nous pourrions en citer bien d’autres partout dans le monde, les exemples ne manquent pas. 

Pourquoi peut-on alors dire qu’on assiste à une dé-démocratisation, c’est-à-dire à un recul de la démocratie ? Parce que pour qu’il y ait démocratie réelle, trois conditions doivent être remplies. 

La première, c’est qu’il faut qu’à travers des élections libres notamment, les citoyens puissent influencer les politiques. Cette dimension est étymologiquement inscrite dans la notion de démocratie, c’est l’autogouvernement du peuple. Et donc, il faut que ce soit un pouvoir issu d’une majorité des votes qui s’exerce. 

Une deuxième dimension est essentielle : qu’un certain nombre de libertés et de droits fondamentaux soient reconnus et préservés. C’est ce qui renvoie à l’idée d’Etat de droit et on peut parler de liberté de manifestation, de liberté d’opinion ou de liberté de la presse. En démocratie, la presse doit être libre et ne pas être sous l’emprise du pouvoir ou d’un tout petit nombre d’acteurs. Et ce sont ces droits et ces libertés fondamentales, qui selon moi, sont les plus attaqués actuellement. La sécurité est devenue un grand alibi pour ce faire. Lorsque, par exemple en France, la liberté de manifestation est rendue plus difficile par des dispositifs de répression qui peuvent empêcher des personnes pacifiques de s’y rendre, cela interroge car cela entrave une des libertés fondamentales qui est la liberté de manifester son opinion. 

La troisième dimension d’une démocratie, plus subtile, plus informelle, est celle de la participation des citoyens à la vie publique au-delà du cadre des institutions. Les citoyens doivent pouvoir participer mais ils doivent aussi se comporter en citoyens. Or, les échanges dans la société, la tolérance vis-à-vis de celui qui ne pense pas comme soi, le sentiment d’égalité nécessaires à la vie démocratique ont plutôt tendance à régresser. Et cela aussi empêche que les citoyens puissent s’autogouverner. 

Puis, dans la compétition politique pour le pouvoir, certains acteurs apparaissent comme plus égaux que d’autres. Le financement de la vie politique, le rôle des médias dans les campagnes électorales ont tendance à fausser le jeu et à faire en sorte qu’il y ait des acteurs qui in fine soient indirectement mieux représentés que d’autres, à la fois dans la compétition politique, mais également au sein ou auprès du gouvernement, et cela c’est une autre tendance qui s’accentue. 

Le rôle central des groupes d’intérêt dans nos démocraties, la place et l’influence exercée par les acteurs économiques et financiers laissent à penser aux citoyens que le pouvoir qu’ils sont susceptibles d’exercer est dérisoire et que l’influence qu’ils peuvent avoir par rapport au marché, aux grandes entreprises, aux lobbies, est quasiment nulle. C’est quelque chose qui mine considérablement la confiance dans les institutions démocratiques car cela donne le sentiment que l’on n’est pas réellement représenté par le pouvoir issu des élections. 

Le pouvoir, lui, parie sur la résignation, la mise devant le fait accompli, l’actualité débitée en continu qui chasse les événements l’un après l’autre, afin de faire passer des mesures dans une fuite en avant aux conséquences aléatoires à plus ou moins long terme.

CT : Si nous nous en tenons à l’expression de la démocratie en ligne, cela doit-il nous rendre fatalistes quand on constate qu’un pays n’a qu’à couper l’accès aux réseaux sociaux pour empêcher la circulation d’opinions ? 

Les réseaux sociaux peuvent être et ont été, par exemple lors des révolutions arabes, des lieux d’expression et de participation des citoyens favorisant la mobilisation contre des pouvoirs contestés. Comme ils peuvent en effet être des instruments potentiels au service de la démocratie, dès lors la tentation est grande pour des régimes autoritaires d’en interdire l’accès ou d’en bloquer le fonctionnement.

Dans le même temps, dans des démocraties plus installées comme la nôtre, les réseaux sociaux, en tout cas certains d’entre eux, formatent le débat public dans des directions qui peuvent être problématiques car ils favorisent la propagation de fausses informations et celles-ci, quels que soient leurs contenus, constituent un danger pour les démocraties car comme l’a écrit Hannah Arendt, il n’y a pas de démocratie, de débat sans un rapport commun à la vérité or les réseaux sociaux favorisent la segmentation des réflexions, des vérités potentielles et des échanges. 

Mais ils ont aussi considérablement abaissé les coûts de l’expression politique et cela c’est un aspect de leur nature démocratique que l’on ne peut nier. Il y a 50 ou même 40 ans, le citoyen lambda ne pouvait pas prétendre accéder à une visibilité dans l’espace public, alors qu’aujourd’hui c’est le cas. 

CT : Dès lors, la démocratie participative n’est-elle réservée qu’aux démocraties les plus « abouties » ? 

Je dois dire que je n’ai pas suffisamment travaillé sur la manière dont évolue l’espace public dans des régimes autoritaires ou semi-autoritaires, des régimes où les libertés fondamentales sont souvent remises en cause. 

En Chine ou en Russie, on ne peut pas dire qu’il y ait dans les réseaux sociaux possibilité d’une expression réelle de l’opinion publique. 

Les régimes autoritaires utilisent principalement des médias classiques sous contrôle, notamment la télévision, comme instruments de communication et d’information en vue d’influer sur l’opinion publique. Les réseaux sociaux sont en quelque sorte l’arme des faibles et il faut bien souvent faire preuve d’ingéniosité et de courage afin de s’y exprimer librement. Les citoyens qui osent braver la répression se mobilisent en utilisant des voies détournées comme l’humour ou le double langage ou des canaux utilisés plus confidentiels. Dans ces configurations-là, les réseaux sociaux sont des vecteurs de revendications démocratiques. 

Dans des pays qualifiés de démocraties, les réseaux sociaux charrient à la fois du débat et de la viralité que l’on peut considérer comme positifs tout en contribuant à nourrir des espaces de remise en cause de vérités fondamentales, notamment lorsque des groupements saturent l’espace public que constituent ces réseaux sociaux en produisant des effets de masse pouvant donner le sentiment que certains thèmes et discours reçoivent une large approbation. Je suis frappé quand je me hasarde sur un réseau comme Twitter d’être exposé à un grand nombre de tweets émis par des comptes qui n’ont que quelques followers. Or les médias classiques sont très sensibles aux signes qui émergent des réseaux sociaux. Le circuit de l’information de fait ne se fait plus sans les réseaux sociaux. On mesure alors les enjeux à la clef et pas seulement dans les pays peu démocratiques.

CT : Et dans les démocraties les plus « abouties », pensez-vous que la démocratie participative soit vouée à n’être que consultative ?

Les gouvernements ont du mal à légitimer leurs décisions quand une majorité relative suffit pour valider une élection, surtout si cette majorité est faible. Ils sont alors confrontés à la nécessité de se justifier, à défaut d’obtenir le consentement des citoyens parce que ceux-ci sont de plus en plus exigeants, informés tout en étant de moins en moins disciplinés, et tout ceci est plutôt un progrès de la démocratie. 

Donc face à des citoyens plus critiques, il y a deux stratégies envisageables pour le pouvoir. 

Il y a la stratégie qui passe par l’association et la consultation des citoyens, la prise en compte de leur point de vue en amont de la décision, puis par la co-construction de cette décision, ce qui apparaît comme la solution la plus démocratique mais qui nécessite une réelle volonté politique, et ce qui à de rares exceptions près, ne fait pas partie du programme des candidats et candidates.

Et puis il y a la stratégie du passage en force actuellement très prisée par notre propre gouvernement. Le passage en force implique d’avoir recours à des armes, des instruments qui apparaissent aux citoyens comme éloignés de la démocratie. La réaction au 49.3 montre l’allergie qu’une majorité des citoyens ont vis-à-vis de cette position d’autorité que s’attribue le pouvoir, de cette possibilité qu’il se donne de ne pas les écouter. Même si les outils législatifs utilisés par le pouvoir pour faire passer une loi sont légaux, les effets en termes d’image de la démocratie mais aussi du pouvoir sont désastreux car les conséquences sont à la fois prévisibles et imprévisibles. Ce qui est très frappant dans la situation actuelle, c’est que tout le monde s’attend, et très vraisemblablement à juste titre, à ce qu’il y ait dans les urnes, aux prochaines élections, un effet boomerang en faveur de l’extrême droite, comme réponse à une forme de mépris perçu de la part du pouvoir envers le peuple. 

Le précédent gouvernement et l’actuel ont bien tenté d’ouvrir des espaces de discussion mais pour finalement ignorer la plupart des résultats que ces dispositifs de concertation ont produits. Cela a été le cas avec le Grand Débat, la Convention Citoyenne pour le Climat et on verra si le Conseil National de la Refondation (CNR) débouche sur des préconisations. Il faudra se pencher de près sur la trajectoire des propositions qu’il aura générées dans l’action publique et dans les politiques gouvernementales, mais on peut craindre qu’à nouveau, il ne soit pas possible de vérifier que le pouvoir les prend en compte sauf pour celles qui iront dans le sens qu’il attend. On peut par ailleurs douter que ce Conseil National de la Refondation peu connu, peu promu ait suscité beaucoup d’attention et de participation de la part des citoyens. 

CT : Lorsque le résultat d’une consultation ne correspond pas à la feuille de route du pouvoir, cela ne génère-t-il pas une forme de conflit de légitimité pour nos dirigeants ?

Ces démarches mises en scène et utilisées comme stratagèmes de communication peuvent en effet produire des résultats embarrassants pour le pouvoir et ce que l’on constate c’est que ce dernier finit toujours par avoir le dernier mot car ce qui prime c’est la ligne générale du programme porté par le pouvoir élu. C’est d’ailleurs la logique même de la démocratie représentative. Des candidats accèdent au pouvoir après s’être engagés sur des principes, des idées, des programmes qu’ils ne peuvent pas totalement renier une fois arrivés au pouvoir, au risque de trahir les citoyens. Mais dans de très nombreux cas, me semble-t-il, les programmes et les engagements ne sont pas à ce point précis qu’ils n’autorisent pas une certaine latitude et une certaine interprétation. 

Si l’on constate qu’à chaque fois qu’il est mis en place des processus de participation ou de délibération citoyenne, cela ne débouche pas sur des changements ou des possibilités réelles d’influence de la part des citoyens, alors cela remet en cause le principe même de ces démarches de participation. Au cas par cas, on peut comprendre effectivement qu’un pouvoir ne souhaite pas entériner des choix qui sont contraires à ses convictions. Mais ne faut-il pas que quelquefois il y ait démonstration que la parole du peuple compte ? Je ne pense pas que ce dilemme autour du conflit de légitimité soit insoluble.

Et puis quand il y a posture d’ouverture, il faut faire preuve de transparence et aller jusqu’au bout. Prenons le cas du Grand Débat par exemple. Ce qui est apparu comme problématique dans la démarche c’est que, non seulement, il n’y a pas eu de traçabilité ni de prise en compte significative de ce que les citoyens avaient exprimé, mais en plus, dans les discours gouvernementaux qui ont suivi, on a assisté à des prises de position qui apparaissaient comme contraires à ce qui ressortait majoritairement des dispositifs liés au Grand Débat. Donc, là, pour le coup, on peut même dire qu’il y a eu une forme de déni de démocratie. 

La démocratie participative n’est pas une solution miracle mais elle peut parfois permettre aux gouvernants de légitimer certaines de leurs décisions. Elle renforce potentiellement la possibilité pour les citoyens de peser sur le processus de décision, mais en fait cela n’est jamais garanti dans un régime comme le nôtre, qui est fondamentalement représentatif.

CT : Si vous deviez conseiller un Etat dans l’usage vertueux de la démocratie participative quels conseils lui donneriez-vous ?

Il m’arrive de le faire, souvent à l’échelle locale, et quelquefois au niveau national, par exemple j’ai fait partie du Comité de Gouvernance de la Convention Citoyenne pour le Climat. 

Il y a plusieurs principes, me semble-t-il, qu’un pouvoir doit respecter lorsqu’il met en place ces dispositifs. Il faut qu’il mobilise des moyens, du temps, que la délibération soit réelle, que les citoyens soient informés de manière contradictoire sur les enjeux. Il faut aussi qu’il soit envisagé des suites à ces démarches de participation. Même si le pouvoir a le droit de ne pas suivre ce que les citoyens préconisent, quitte à argumenter sur le pourquoi, il doit rendre des comptes. 

La démocratie participative ne doit pas être un gadget, elle suppose une forme d’ingénierie. Il ne suffit pas de mettre en place une plateforme où les citoyens peuvent s’exprimer ou d’organiser une réunion publique pour qu’un processus de participation se mette en place. 

Je fais partie de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) qui est une autorité administrative indépendante. Idéalement, le débat devrait se faire sous l’égide d’acteurs indépendants du pouvoir et cela le pouvoir au sens large, justement, a du mal à l’accepter. Les objections et les craintes sont variées et se situent à plusieurs niveaux, pas uniquement au sommet. 

Il y a déjà le sentiment qui est assez largement partagé par les élus, notamment ceux des générations les plus anciennes, que les citoyens ne peuvent pas avoir de légitimité à s’exprimer dès lors que la seule légitimité concevable, c’est celle que les urnes leur ont donnée à eux. Il y a une sorte de refus politique d’admettre la possibilité même d’une intervention citoyenne dans les mécanismes de la démocratie représentative. De nombreux parlementaires ont par exemple exprimé très clairement leur défiance vis-à-vis d’un instrument comme la Convention Citoyenne pour le Climat. 

Il y a aussi les résistances exercées par les experts, les techniciens de l’action publique, certaines instances dont les savoirs produisent un travail, des rapports sur lesquels se fondent les décisions prises par le pouvoir. Il leur est souvent difficile d’admettre qu’il faille écouter des paroles citoyennes fondées sur d’autres registres de savoirs que les leurs, des savoirs liés à l’expérience ou aux émotions, d’autant que ces experts et techniciens de l’Etat sont souvent éloignés des citoyens. Pourtant, quand les échanges se passent, j’ai pu observer que ces technos pouvaient finir par reconnaître la valeur ajoutée des éléments générés par les discussions et qu’ils pouvaient même pour certains se convertir en militants de la démocratie participative. 

Et il y a les groupes de la société civile organisée, les associations, les corps intermédiaires comme les syndicats, qui ne voient pas toujours forcément d’un bon œil le fait d’être court-circuités par le pouvoir dans sa démarche d’aller chercher directement les citoyens sur des sujets dont ils s’estiment en charge. 

Donc tout cela a à voir avec nos mentalités mais aussi avec le droit. On est dans un droit qui ne reconnaît l’impératif participatif qu’à la marge, en ne concédant que très peu de prérogatives à la société civile. On voit souvent, par exemple, des préfets invalider les délibérations de collectivités locales ou de maires qui essaient d’étendre le domaine de la participation des habitants dans leur commune. 

Il faut non seulement qu’il y ait une volonté politique d’ouverture à ces thèmes et de pédagogie afin d’abaisser les obstacles culturels mais également adapter les outils législatifs et institutionnels.

CT : Comment voyez-vous évoluer la démocratie participative et la civic tech en particulier ?

Les chercheurs en sciences sociales, et en particulier en sciences politiques, ont beaucoup de mal à anticiper l’avenir. Ce que l’on peut faire, c’est pointer des tendances générales. Alors, quelles sont ces tendances ? 

Je pense qu’il y a coexistence de deux processus qui peuvent paraître comme antagonistes ou contradictoires.

Par certains aspects, on voit une sorte de renforcement de l’impératif participatif. Quand on avait utilisé ce terme il y a une vingtaine d’années avec mon collègue Yves Sintomer, cela désignait la diffusion d’une norme qui valorise la participation des citoyens, qui dit que celle-ci est absolument nécessaire, et qui fait qu’aujourd’hui, dans un certain nombre de domaines, il est difficile de ne pas envisager cette participation lorsqu’on est au pouvoir. C’est une sorte de référence obligée de l’action publique. Cela, c’est une première tendance. 

On assiste également à une sophistication des outils, des savoirs relatifs à la participation. La civic tech a multiplié l’arsenal des instruments possibles de la participation. On peut mettre en place des dispositifs hybrides, multiples, en ligne, hors ligne. On a tout en magasin pour faire de la participation. Pour ma part, je dirige un master d’ingénierie de la concertation à la Sorbonne et on forme des professionnels qui ont une très grande efficacité opérationnelle. Et les innovations se multiplient dans ce domaine pour mieux inspirer les acteurs. 

Dans le même temps, si l’on replace ces tendances en perspective des processus d’arrière-fond, ceux qui sont liés à des évolutions plus structurelles de nos sociétés, alors on réalise que le défi à relever est conséquent. 

J’ai du mal à penser par exemple qu’on pourra facilement faire de la participation à propos des usages de l’eau ou d’autres ressources essentielles qui vont devenir de plus en plus rares et qui mettront en jeu des intérêts de plus en plus puissants. Dans une situation de lutte pour les ressources impactées par le changement climatique, par l’érosion de la biodiversité, il va être de plus en plus difficile de maintenir des formes de dialogue, de concertation. Je ne suis pas sûr qu’on puisse encore longtemps faire vivre la démocratie dans un monde dont l’environnement naturel est à ce point bouleversé. Les heurts à Saint-Soline autour des méga-bassines ne sont qu’un exemple de ce à quoi on risque d’assister de plus en plus souvent, c’est-à-dire des affrontements, des attitudes de guerre, plutôt que des démarches de concertation. Le récent projet de loi sur l’industrie verte qui prévoit de restreindre la possibilité pour la Commission Nationale du Débat Public d’organiser des débats au nom de l’efficacité économique, au nom de l’accélération des projets, montre encore une fois que l’on est en train de sacrifier la participation au nom de l’économie. 

Et c’est dommage, parce qu’on n’est pas en train de mettre place les cadres qui permettront, par exemple, la promesse, plus ou moins sincère, de planification écologique. Pourtant, il parait indispensable de créer des espaces de délibération sur l’usage de certaines ressources, sur les modes de vie et les modes de production compatibles avec les contraintes environnementales, car cela nous concerne tous. 

Soyons clairs, les raisons d’être pessimistes l’emportent sur celles d’être optimistes mais on se doit d’y croire et les nouvelles générations nous surprendront peut-être. Les réseaux sociaux auxquels elle sont addictes peuvent se révéler être un puissant moteur de mobilisation comme mentionné auparavant. La prise de conscience « qu’on est tous dans le même bateau » est toujours possible à large échelle. Ce qui est nécessaire c’est de favoriser les débats contradictoires et l’ouverture à tous les endroits de la société, en famille, à l’école dès les petites classes, dans son quartier, dans sa ville, au travail, sur les plateaux de télévision ou des plateformes ou bien encore avec les élus. Il faut pouvoir confronter les variétés de points de vue, les expériences afin d’élargir nos horizons respectifs malgré la pression généralisée à vouloir nous isoler dans nos bulles, dans nos environnements et nos déterminismes supposés. En dépend la sauvegarde de nombreuses démocraties, voire celle du politique au sens le plus noble du terme.

Références :

Le tournant délibératif de la démocratie – sous la direction de Loïc Blondiaux et Bernard Manin – Avril 2021, Presses de Sciences Po

La démocratie des émotions – Loïc Blondiaux , Christophe Traïni – Mars 2018, Presses de Sciences Po


Interview

Initiatives de participation citoyenne dans la ville de Sceaux

7 novembre 2022 • By

Interview de son maire, Philippe Laurent

Philippe Laurent est maire de la ville de Sceaux (Hauts-de-Seine) depuis 2001 et par ailleurs conseiller régional d’Ile-de-France ainsi que vice-président de l’Association des Maires de France.

Expert des finances locales, il s’était élevé contre le projet de suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, au nom de l’autonomie des communes dans la gestion des services de proximité et de la pérennité d’un service public de qualité pour l’ensemble des citoyens.

Il a récemment salué la revalorisation de 3,5% du point d’indice des fonctionnaires tout en s’inquiétant du coût supplémentaire que devront supporter les collectivités locales.

CT : Je vous propose que l’on revienne sur l’organisation du Comité des transitions puisque la commune de Sceaux a été précurseur en la matière. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ces « Conventions Citoyennes » ?

PL : Nous avons en effet mis en place une instance appelée le « Comité consultatif des transitions » dont les membres sont tirés au sort, ce qui est assez complexe parce que les candidats sont rares et pourvoir un seul poste peut parfois nécessiter 3 tirages au sort successifs.

Dans ce cadre, des groupes de travail sont mis en place sur différents sujets. Même si le comité comprend quelque 150 personnes, seule une quarantaine d’entre elles sont véritablement actives, dont certaines se réunissent chaque semaine, en fonction des sujets. De nombreux intervenants extérieurs y participent également pour le caractère formatif de la démarche. J’ai par ailleurs une adjointe déjà experte dans ce type de projets qui y contribue efficacement.

En 2012, nous avons également initié les sessions « Parlons Ensemble » consacrées à divers thèmes comme le centre-ville, l’Europe ou bien encore le quartier des Blagis, qui ont rencontré un vif succès auprès des habitants de la commune, conviés à apporter leurs suggestions au cours de réunions de quartier riches en débats et en propositions. 

Les réunions des projets participatifs appelés « Parlons Ensemble » démarrent toujours par une enquête audiovisuelle. Par exemple, autour du thème consacré au quartier des Blagis, un film d’une quinzaine d’heures a été tourné, dans le but de recueillir les opinions des habitants du quartier. Il a ensuite été raccourci à 12 minutes, et diffusé en introduction ; il apporte une base constructive propice aux échanges et aux idées nouvelles. Les élus n’interviennent pas et les débats sont menés par un animateur externe. On évite ainsi les présentations qui s’étirent en longueur et les participants apportent leur pierre à l’édifice dans un contexte où ils ont toute latitude pour exprimer leurs souhaits d’amélioration, de modification ou de pérennisation de tous les aspects de leur environnement.

CT : Qu’est-ce qui vous a orienté vers ce format de participation ?

PL : Nous avons débuté en 2011 par une expérimentation, méthodologie préconisée par l’agence en charge du projet, où les citoyens ont été conviés à se rassembler dans des lieux de la ville qu’ils n’ont pas l’habitude ou le loisir de fréquenter, comme l’amphithéâtre de la faculté de droit Jean-Monnet. Le but des 5 débats qui ont été organisés à cette période était d’amener les habitants à réfléchir, à exprimer leurs souhaits, leurs ressentis et leurs idées.

CT : Quelle influence et quel éclairage apportent ces débats dans vos décisions et vos actions à mener ?

PL : Pour reprendre l’exemple du quartier des Blagis que j’ai évoqué précédemment, les conséquences ont été très concrètes. Les bailleurs sociaux, l’office départemental de l’habitat et les commerçants, également impliqués dans la démarche, étaient à l’écoute des habitants qui ont eu un espace et un temps privilégié pour échanger directement et de visu avec eux. S’est ensuivie une réunion du Conseil municipal où une feuille de route a été signée, engageant les partenaires sur un certain nombre d’actions à mener. Les habitants ont été partie prenante de l’élaboration du diagnostic et des propositions. Le bailleur social s’est alors engagé à ouvrir une permanence de proximité dans le quartier pour les locataires. Je me suis engagé de mon côté, à ouvrir une agence postale communale et une agence France services, qui ont été opérationnelles rapidement, quand le bailleur social n’avait pas encore implanté la sienne. La réactivité des services de la mairie a été saluée à cette occasion par les usagers.

CT : Selon vous, quelle initiative est la plus efficace, entre le Comité consultatif des transitions et les concertations « Parlons Ensemble » ?

PL : Ce sont des démarches de nature différente et qui n’ont pas vocation à s’opposer. La démarche que je viens de vous décrire vaut pour des sujets assez larges et peut se déployer sur six, voire huit mois au maximum. Le Comité consultatif des transitions mobilise moins d’intervenants mais qui œuvrent dans la durée et au sein duquel les habitants deviennent prescripteurs. Les avis souvent éclairés, d’une centaine de citoyens consultés nous permettent ainsi d’avoir une adhésion essentielle à la prise de décisions, dont certaines peuvent s’avérer délicates. 

CT : Est-il possible de consulter les citoyens sur des sujets moins consensuels ?

PL : Parfois, cela peut arriver. Par exemple le sujet de la trame noire, c’est-à-dire le projet d’éteindre la lumière la nuit pendant 3 ou 4 heures dans certains quartiers pavillonnaires a généré une véritable levée de boucliers.

Concernant les mesures en faveur de l’écologie, il nous faut aussi, nous, les élus locaux, trancher et prendre les décisions qui s’imposent et qui ne sont pas toujours consensuelles. 

Il en va de même pour les travaux de voirie, Emettre et soumettre plusieurs hypothèses divisent les habitants et la décision devant être prise, et qui sera appliquée, ne fera pas l’unanimité.

L’avantage du Comité consultatif repose sur son déploiement dans la durée. Les habitants, tout d’abord intimidés, se mettent en quête d’informations qui les conforteront dans leurs prises de paroles. La participation par visioconférence a d’ailleurs créé plus d’engagement pour des raisons évidentes de logistique familiale.

CT : Quelles sont les doléances les plus communes que vous recevez ?

PL : Les problèmes liés au logement sont les plus courants. L’exiguïté, le voisinage, les expulsions sont des sujets récurrents auxquels nous répondons grâce à la mise en place d’une permanence dédiée. 

Le deuxième sujet d’irritation est l’usage de la voiture et les conditions de circulation en zone urbaine ou les contraintes de stationnement 

CT : Quels autres projets notables avez-vous pour les mois à venir ?

PL : L’année 2023 verra s’ouvrir une nouvelle consultation sur un autre quartier, en pleine rénovation urbaine, qui va susciter des entretiens et des débats autour notamment de l’implantation harmonieuse de commerces essentiels.

La réouverture de notre église, restaurée durant plusieurs années grâce à un investissement de plus de 12 millions d’euros et laissant ressurgir de fabuleux décors peints, ainsi qu’un changement novateur du mobilier liturgique et le retour de son orgue sera un fait marquant et symbolique de notre communauté.

CT : Pouvez-vous nous décrire l’une de vos journées type ?

PL : La plupart de mes journées sont principalement rythmées par des réunions avec les collaborateurs de l’ensemble des services de la mairie, au cours desquelles, quotidiennement, des décisions sont prises et appliquées. 

Viennent ensuite les nombreuses réunions avec le Département, l’intercommunalité.

Et plusieurs fois par mois nous rencontrons, avec les élus de la commune, les habitants sur des projets à mettre en place, comme expliqué auparavant.

Hier encore, nous avons organisé une rencontre essentielle avec des commerçants concernés par la construction d’un parking souterrain, qui leur apparaît comme un obstacle majeur à la bonne continuité de leur activité et pour lesquels il a été mis en place une commission d’indemnisation dont les modalités ont pu être expliquées, entendues et comprises.

Avant-hier, j’ai également reçu la nouvelle présidente de la MJC, qui représente 2000 adhérents et 500 000 EUR de subventions de la part de la Ville. La rénovation de certains de ses locaux et la célébration des 20 ans du studio de répétition et d’enregistrement, au service des pratiques musicales autant amateures que professionnelles, ont été les principaux sujets évoqués.

Comme je fais également partie d’autres structures au niveau national et que je préside certaines d’entre elles, les réunions y afférant tiennent aussi une place prépondérante dans mon emploi du temps. 

Mon quotidien est fait de décisions et d’actions concrètes à mener, ce qui représente le cœur de ma mission sur la vie de la collectivité.

Les grandes orientations et décisions prises au niveau national se doivent d’être finement analysées car elles ont toujours un impact au niveau local, voire micro-local.


Formations

Se former à la pratique politique : zoom sur trois formations « Tous élus », « Investies » et « Open Politics »

26 mai 2022 • By

À l’approche des législatives, l’association Tous Élus, en partenariat avec les programmes Investies et Open Politics, organisait un événement pour sensibiliser les médias aux enjeux des candidatures citoyennes. Des candidates et candidats des programmes de ces formations et des formatrices et formateurs sont revenus sur la nécessité de tels programmes pour faire émerger de nouveaux visages et de nouvelles pratiques politiques.

Tous Élus, une association pour « réoxygéner la démocratie »

Tous élus est un mouvement citoyen, sans couleur politique, lancé au printemps 2018 pour « réoxygéner la démocratie ». Depuis janvier 2019, Tous Elus mobilise et forme gratuitement des citoyens pour qu’ils participent concrètement à la vie politique locale, notamment à l’occasion des élections municipales de 2020, et les élections législatives, en 2022. L’association a également créé l’initiative « Tous Inscrits », avant la présidentielle, afin de lutter contre la mal-inscription, principal facteur de l’abstention en France (7 millions de français concernés).

Amélie Coispel, responsable des relations presse du mouvement nous parle du programme.

Pour découvrir le projet : https://touselus.fr/

Investies, pour une nouvelle génération de femmes en politique

Au printemps 2020, une vingtaine de femmes engagées dans la société a conçu et lancé INVESTIES, un programme d’entraînement à la pratique politique pour féminiser la politique et faire émerger de nouvelles responsables politiques capables « d’intégrer à la fabrique de la loi les préoccupations réelles des citoyennes et des citoyens et les enjeux du siècle ». Depuis sa création, le projet a édité et mis à disposition en accès libre et gratuit sur son site un livret qui se veut le recueil et la synthèse des apprentissages des participantes.

Véronique Cerasoli qui a suivi le programme nous parle du projet.

Pour découvrir la démarche : https://investies.fr/

Open Politics, pour se former et s’entourer

Open Politics est un incubateur de formation dédié à l’engagement politique et publique. Sa mission est de doter les citoyennes et citoyens des outils nécessaires pour s’engager dans la vie publique et politique et faire émerger de nouveaux visages. Selon Open Politics : « Les investitures des partis sont souvent limitées à un cercle fermé de personnes faisant partie de l’élite et prédéterminés à faire de la politique. Nous voulons former des nouveaux leaders engagés venant de backgrounds différents (ouvriers, infirmiers, chômeurs, instituteurs, …) pour rendre la politique accessible à toutes et à tous et assurer un renouvellement des idées et des visages. »

Jasser Jebabli, co-fondateur d’Open Politics nous parle de la démarche.

Pour candidater : https://www.openpolitics.fr/


Interview

Législatives 2022 et Innovation Démocratique

4 mai 2022 • By

Devenir députée sans parti en emmenant les habitants avec soi

Entretien avec Quitterie de Villepin

Quitterie de Villepin, candidate indépendante, se présente à la députation de la 2ème circonscription de Paris qui comprend les 5ème, 6ème et 7ème arrondissements.

Particularité de son programme : mettre en place un mandat délibératif qui engage les citoyennes et les citoyens de manière continue dans la co-construction de la loi et la prise de décisions les concernant.

Une consultation dont les résultats étaient dévoilés le 17 avril a révélé que 73% des personnes ayant répondu se porteraient volontaires pour participer au travail parlementaire auprès de leur future députée. 

Le projet a comme ligne de mire de contribuer à ce que la France tienne ses engagements en matière de développement durable comme elle y avait souscrit auprès de l’ONU ainsi que lors de l’Accord de Paris en 2015.

Civic Techno : Quitterie de Villepin, vous vous présentez aux Législatives sans parti derrière vous mais non sans expérience civique et politique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai en effet de longues années d’expérience et d’engagement politique, associatif et professionnel sur les questions de justice sociale et environnemental ainsi que sur le sujet des innovations démocratiques.

J’ai aussi pris part à l’expérience #MaVoix en 2017 qui avait pour objectif de hacker l’Assemblée Nationale en faisant élire des électrices et électeurs volontaires et tirés au sort qui s’engageraient à voter vraiment comme leurs électeurs le souhaiteraient. 

Par ailleurs j’ai initié en 2020 le programme Investies qui avait pour ambition de faire émerger une nouvelle génération de femmes politiques bien préparées à affronter les grands enjeux actuels que ce soit en politique ou dans la société. Car curieusement actuellement les femmes en politique ont moins de poids au gouvernement que par le passé, d’autant que la plupart sont issues de la société civile alors que les hommes eux sont pour la plupart passés par des partis.

Et j’ai également été militante au sein de l’UDF/Modem et ai donc une connaissance réelle des pratiques d’un parti traditionnel avec tout ce que cela comporte d’exaltant, de constructif, mais aussi de décourageant par moments. 

Il y a une certaine pudeur en France au sein des ONGs, des mouvements associatifs et même dans l’écosystème de la démocratie délibérative à vouloir s’engager en politique. Il existe une frontière réelle entre les deux mondes et les activistes ne connaissent bien souvent pas les codes du second. Pourtant même s’il est louable d’outiller les responsables, les élus, pour leur permettre d’appréhender un certain nombre de sujets, cela revient bien souvent à ne faire que ce qu’on peut appeler du « démocratie washing », alors autant aller soi-même au-devant des habitants et se confronter à leurs réalités, leurs attentes afin de mettre en pratique sa propre expertise.

C’est cette combinaison d’expériences, de réflexions, couplée à une passion pour les innovations démocratiques qui m’ont conduite au projet actuel, c’est-à-dire à me présenter comme députée non inscrite pour pratiquer une démocratie inclusive à mon niveau en donnant la possibilité aux habitants et habitantes de ma circonscription de prendre part à des agoras délibératives qui puissent accompagner mon travail d’examen, de participation à l’élaboration des lois et à leur vote.

Civic Techno : Comment voyez-vous la politique évoluer ? Faut-il faire le deuil de certains de ses aspects ?

Même si on doit être infiniment reconnaissante à certains partis pour la permanence des idées, pour les avancées sociales qu’ils ont contribué à établir et notamment à l’écologie politique qui nous alerte depuis longtemps, je ne pense pas qu’il y ait d’issue purement partisane. L’éprouvé de nombreux militantes et militants entre les élections n’est pas bon. Dans un parti, on passe son temps à organiser des élections internes dans une mise en concurrence permanente des prétendants, à préparer des échéances électorales sans parfois réfléchir à leur bien fondé. Pendant que l’on s’investit pour le parti, que l’on donne de son temps, de son énergie, que des gens tout à fait câblés travaillent ensemble à produire des rapports basés sur des données de terrain, des collaborateurs plus proches du chef à plumes font exactement le même travail que vous, des « think tanks » sont consultés et leurs idées de modélisation du futur finissent par prendre le dessus. Il y a donc du gâchis de compétences, de créativité, ce qui crée du non-sens et finalement érode la fidélisation des militantes et militants. Comment générer du collectif ainsi ? 

Selon moi, on ne peut plus faire de la politique sans la société civile. D’ailleurs à chaque fois que l’on fait vivre une réalité démocratique différente à une population, cela propage les expériences, que ce soit Saillans dans la Drôme même si elle n’a duré que six ans, les diverses initiatives qui ont essaimé en Argentine, avec Podemos en Espagne ou encore l’utilisation de la plateforme open source Decidim par plusieurs villes et gouvernements locaux à travers le monde.

Ceci dit, il va forcément falloir passer par une période de transition car on a besoin de personnes expérimentées pour faire une transmission de culture. Mais malgré tout, les partis doivent accepter de s’auto-réguler pour faire de la place à d’autres formes de participation. Le Printemps marseillais est un bon exemple où l’on a vu de nombreux citoyennes et citoyens non-encadrés s’allier avec des partis pour gagner la mairie de la ville en 2020.

Il faut reconnaître que les citoyennes et citoyens sont intelligents quand le processus l’est aussi, mais il faut également faire confiance. Si le gouvernement de l’époque avait pensé à consulter les gens avant de décider arbitrairement de faire peser le poids de la taxe carbone en grande partie sur les plus précaires, peut-être que nous n’aurions pas eu de mouvement des Gilets Jaunes ?

Civic Techno : Pouvez-vous nous parler plus en détail de la manière dont vous comptez engager les citoyens si vous êtes élue députée de la 2ème circonscription de Paris ?

Si je suis élue députée de la République française le 19 juin prochain, hors parti, mon idée est d’installer le premier mandat délibératif natif. Il s’agit d’établir un nouveau type de rapport élue/administrés où les citoyennes et citoyens sont acteurs dans la fabrique de la loi. Notre consultation a montré que 80% des personnes ayant répondu considèrent que le lien avec leur député est inexistant. Donc, l’idée c’est d’abord de créer une proximité pour être au plus près des attentes des habitantes et habitants. 

Les personnes sont invitées à venir délibérer des lois pendant les cinq années du mandat, soit entre 2022 et 2027. Mais ce n’est pas tout le monde, tout le temps, cela doit être géré et organisé. 

On compte utiliser une plateforme numérique qui sera purement consultative pour permettre aux 72 000 personnes de plus de 16 ans habitant la circonscription d’apporter leur contribution. 

Le travail de suivi, d’élaboration, d’amendements des lois, lui, se fait avec un plus petit nombre de personnes sous forme d’une agora délibérative ordinaire. Elle est composée de 100 personnes tirées au sort parmi celles qui se seront portées volontaires lors de la consultation et en cours de mandat. Ce groupe se réunit afin de travailler sur le temps long de chaque session parlementaire (de septembre à juillet). Ces 100 personnes sont renouvelées chaque année pour donner l’opportunité à un maximum de profils différents de participer. 12 personnes font elles partie de ce que nous avons appelé le groupe opérationnel ; elles sont rémunérées pour travailler avec moi en présentiel et on se réunit plus fréquemment, un jour par semaine. Ce groupe est renouvelé tous les deux mois. Enfin, nous constituons également un groupe de 6 garant(e)s chargé(e)s de contrôler le travail de la députée et la bonne marche de l’Agora délibérative ordinaire, avec au côté de ces 6 personnes, 3 expert(e)s. Ce groupe-là change une fois par an. Enfin il faut savoir qu’à partir de 1000 demandes provenant des habitantes et habitants – y compris bien sûr parmi celles et ceux qui ne sont pas engagé.es dans le dispositif –  une agora délibérative extraordinaire sera constituée afin de permettre la délibération autour d‘une grande loi. 

Nous avons développé ce concept de mandat avec des étudiants du Master Ingénierie de la Concertation dirigé par Loïc Blondiaux à la Sorbonne, avec Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel et des passionnés de participation citoyenne. Donc nous avons réuni beaucoup d’expertise, et un œil neuf dans la création de ce concept.

Les habitantes et habitants seront invités à faire plusieurs choix qui structureront le mandat, notamment à choisir au jugement majoritaire la commission permanente dans laquelle elles et ils souhaitent que je siège sachant qu’il y en a huit actuellement à l’Assemblée. 

La commission Développement Durable est celle qui ressort en premier dans notre consultation. Affaires Culturelles et Education vient en deuxième position. 

Il s’agira alors pour moi d’aller voir le président de ladite commission et de lui dire « Chère … ou Cher …, sachez qu’il y a 3000 personnes qui veulent me positionner là-dessus, alors je pense que vous n’avez pas trop le choix que de me laisser y siéger ».

Peut-être que les habitantes et habitants souhaiteront que je rejoigne un groupe parlementaire donné ou peut-être pas.

Dans tous les cas, il faut tenir parole. Si je suis élue, la mise en place de l’Agora sera immédiate. La plateforme est prête à être déployée en dix jours, on a les données de contact de celles et ceux intéressés à y prendre part.

On est entre le mandat représentatif et le mandat impératif. La délibération doit permettre d’expliquer pourquoi les votes se font, en connaissance de cause, ce qui permet à tous de monter en compétence. Et de mon côté je dois justifier mon vote au regard de ce que j’ai entendu lors de la délibération, au regard du cadre que je me suis fixé et auquel les citoyennes et citoyens ont adhéré dans la campagne. Cependant, s’il s’agit de représenter et de donner de la place aux personnes investies et vivant dans la circonscription, il ne s’agit pas de voter contre mes propres convictions, il faut donc qu’il y ait eu transparence dès le départ.

Copie d’écran du site https://avecquitterie.fr/

Je me permets de préciser aussi une autre particularité innovante de la campagne c’est notre décision de plafonner les dons destinés à nous financer à 750 euros au lieu des 7500 euros autorisés pour un parti et des 4600 euros pour une campagne, ceci afin que ce projet soit porté par un grand nombre de personnes. Nous nous sommes inspirés pour cela de ce qui s’est fait autour des campagnes de Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez ou Larrie Lesig aux Etats-Unis et également des recommandations de Julia Cagé qui sont toutes et tous dans une démarche visant à ce que le financement de la politique ne dépende pas principalement des entreprises, des lobbies ou encore principalement des gens aisés, lesquels sont aujourd’hui favorisés en France par le régime fiscal. La collecte a été jusqu’à présent un succès et elle nous a notamment permis d’assurer l’envoi de nos documents de campagne dans les boîtes aux lettres des habitantes et habitants de la circonscription et de louer une permanence de campagne depuis maintenant 4 mois.

Nous recevons d’ailleurs des coups de fil d’autres candidats et candidates qui nous demandent comment on fait et on partage volontiers car nous tenons à ce que les initiatives de démocratie participative se multiplient. Nous documentons pour cela tout ce que l’on fait au fur et à mesure pour que ce soit disponible à tous ces visages nouveaux qui nous l’espérons émergeront pour siéger autrement à l’Assemblée.

Civic Techno : Pensez-vous que votre programme réponde aux aspirations des habitants de votre circonscription ?

La première caractéristique de cette circonscription est son capital éducatif et culturel élevé. Le nombre de diplômés, d’étudiantes et étudiants, d’écoles, de facultés, de musées, galeries, lieux de pouvoir au mètre carré est impressionnant. Sans compter les sites emblématiques comme la Tour Eiffel, Saint-Germain plus les commerces, les restaurants qui y attirent des millions de touristes par an. 

Cela parait le lieu idéal pour essayer d’inventer quelque chose de nouveau qui plus est autour des enjeux cruciaux que sont la lutte pour la défense de la planète et contre les inégalités. 

Ces enjeux n’ont pas à faire l’objet d’un programme spécifique de ma part car il existe deux textes très importants de 2015 qui s’ils sont appliqués peuvent permettre de résorber la plupart des défis qui se posent à nous collectivement. Il s’agit des 17 objectifs de développement durable préconisés par l’ONU à mettre en place à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris, deux textes que la France s’est engagée à respecter et à prendre en compte dans ses décisions politiques. Donc c’est ce qui nous sert de boussole.

On peut se dire que dans une circonscription à priori classée principalement à droite, ces sujets ne sont pas prioritaires. Mais en fait quand on discute avec les habitantes et habitants, on constate, qu’au niveau individuel, ces préoccupations comptent. Par exemple, un vieux monsieur qui ne vote pas pour les Verts car il ne comprend pas leur langage, leurs codes, va tout de même s’inquiéter pour ses petits-enfants car il se demande sur quelle planète ils vont vivre demain.

D’ailleurs les plus de 1000 réponses à la consultation que nous avons lancée ont clairement positionné ces sujets en tête.

Depuis quelques années, la société s’horizontalise avec Internet, les « nous » d’avant se délitent et les multiples « je » avec toutes leurs singularités ont vocation à se faire entendre. C’est cela l’enjeu de la démocratie délibérative.

Et si l’urgence climatique semble s’imposer pour toutes et tous, il faut prendre en compte les diverses perceptions du problème pour faire les changements nécessaires, et c’est là que le local est intéressant car les avancées concrètes se font par la multiplication de petites initiatives, surtout quand elles ont été expliquées, débattues. 

On ne peut pas imposer par de grands discours, d’autant que la réalité ici et là oblige parfois à reculer après avoir fait des avancées.

Si de nombreuses personnes pensent que cela n’est pas la priorité, c’est aussi que les politiques eux-mêmes n’en font pas leur priorité.

Les objectifs de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030

Copie d’écran du site https://avecquitterie.fr/

Propos recueillis par Amina-Mathilde N’Diaye, consultante en communication politique, spécialisée dans les civic tech et éditrice du média Civic Techno


Interview

RIC et présidentielle 2022, le projet porté par Clara Egger, candidate à l’élection

6 avril 2022 • By

Nous avons questionné Clara Egger sur le projet qui a motivé sa candidature

Clara Egger est docteure en science politique à Sciences Po Grenoble, et professeure assistante en relations internationales (mondialisation et action humanitaire) à l’université de Groningen aux Pays-Bas. Ses travaux portent sur trois axes principaux : la démocratisation de la politique internationale, les politiques de gestion de crises et leurs impacts ainsi que la violence politique.

En 2019, elle soutient la revendication de certains Gilets jaunes en faveur du RIC, le référendum d’initiative citoyenne. 

En 2021, elle participe au collectif citoyen Espoir RIC 2022, dont elle était la candidate à l’élection présidentielle de 2022 en vue d’instituer le RIC Constituant qui permet de modifier la constitution et d’en décider par référendum.

Civic Techno : Quel votre parcours et qu’est-ce qui vous a amenée à la campagne présidentielle 2022 pour porter le projet de RIC Constituant ?

Clara Egger : Pour ma part, j’ai grandi en zone rurale, en Ardèche, loin des centres de pouvoir et ai commencé par me former au travail humanitaire. Le fonctionnement bureaucratique et certaines contradictions que j’ai identifiées dans les ONGs lorsque j’y travaillais m’ont ensuite amenée vers le travail social destiné à mobiliser l’action citoyenne pour améliorer le quotidien des habitants. C’est la difficulté à aboutir à des résultats significatifs lors de ces démarches qui m’a poussée à reprendre des études et la recherche autour des questions de démocratie directe. 

Mon premier poste après mon doctorat m’a amenée en Suisse et c’est là que j’ai pu voir le RIC fonctionner de manière physique, je dirais. Les pétitions, l’échange d’arguments sur les marchés, la politique partout, mais pas au sens politicien, pour moi, cela a été une vraie révélation. Dans le même temps, j’ai rencontré Raul Magni-Berton qui travaillait depuis longtemps sur le sujet dans une démarche analytique. 

Au fur et à mesure de mes travaux, j’ai pu ainsi mesurer l’écart entre certains pays et la France en matière de contre-pouvoirs et de poids réel des citoyens.

Pour ce qui est de l’histoire collective de la candidature à la présidentielle française de cette année, il faut savoir qu’il y a une série de mouvements qui sont très actifs depuis longtemps sur la question du référendum d’initiative citoyenne. Parce qu’on l’oublie mais c’est une revendication qui date en France des années 80. Et d’ailleurs, en 1993, la plupart des candidats à la présidentielle avaient déjà inscrit le RIC dans leur programme. C’est dire que ce n’est pas nouveau.

Puis l’idée d’une candidature s’est affinée entre les différents groupes militant pour le RIC comme Article 3, Opération RIC ou bien encore avec l’appui de l’équipe suisse qui anime la chaîne « Démocratie d’abord », notamment Pierre-Alain Bruchez.

Et il nous a été proposé à Raul et à moi de porter cette candidature, moi comme candidate et lui comme idéologue et coordinateur de campagne. Après avoir hésité, je me suis dit que quelque part j’allais au bout de ma démarche puisque mes recherches et mes tribunes sont somme toutes dédiées à promouvoir la démocratie directe. 

La finalité de notre collectif est d’instaurer à terme le référendum d’initiative citoyenne constituant et non de gouverner ou de légiférer et cet objectif peut être rempli par un autre candidat ou candidate que moi. 

Civic Techno : Pourquoi estimez-vous que le RIC Constituant est nécessaire en France et quel est son principe ? 

Clara Egger : Aujourd’hui en France seuls le gouvernement et les parlementaires peuvent proposer des lois. Or un député représente au mieux 80 000 citoyens. Et seul le président de la République peut lancer un référendum sur le sujet qu’il souhaite. 

Ce que nous proposons c’est que chaque citoyen puisse potentiellement faire une pétition, rassembler 700 000 citoyens autour d’un projet de loi, tout ceci encadré juridiquement, et que cela puisse donner lieu à un référendum dont le résultat majoritaire soit contraignant le cas échéant. 

Il ne suffirait que de réviser un seul article de la constitution, l’article 89, pour arriver à une vraie souveraineté populaire en permettant que les changements constitutionnels soient proposés soit par le président de la République, soit par les parlementaires ou soit par ces 700 000 citoyens et que ces changements soient uniquement approuvés par référendum (aujourd’hui les trois cinquièmes des parlementaires peuvent aussi le faire).

Le président de la République est censé être le gardien de la Constitution. Il se doit d’assurer l’équilibre des pouvoirs et le fonctionnement régulier des institutions. S’il constate, par exemple, que les débats parlementaires ont été expédiés et que l’opposition n’a pas eu le temps de jouer son rôle en proposant des amendements, il a le pouvoir de ne pas contresigner un texte et du coup, de renvoyer ou de rallonger un peu le temps d’examen parlementaire.

Or ce à quoi on assiste littéralement depuis plusieurs année c’est à un braquage de la Constitution par les présidents en fonction. Il n’y a plus vraiment d’arbitre en la personne du président dès lors qu’il ne représente qu’un camp politique car il n’est plus ni neutre ni lanceur d’alerte dans certains cas. 

Et on constate que quand on perd cette fonction d’arbitrage, on perd aussi en qualité démocratique parce que le pouvoir se concentre sur une seule personne ou un seul groupe et les tensions s’exacerbent au sein de la société.

Aujourd’hui ce que l’on a c’est un système électoral qui non seulement favorise l’abstention mais qui donne les commandes à une majorité gouvernementale qui ne s’appuie que sur une minorité du corps électoral. Un sondage réalisé en 2017 demandait justement aux Français s’ils préféraient avoir un président d’une couleur politique et un premier ministre et une Assemblée nationale d’une autre sensibilité. Et à 60% les sondés ont répondu préférer cette distribution du pouvoir. Pourquoi ? Parce que c’est un système plus sain.

Civic Techno : Quels effets positifs et négatifs constate-t-on dans les pays où le RIC Constituant est en place ?

Clara Egger : Ce que l’on observe d’abord dans tous les pays qui utilisent le RIC Constituant, c’est d’abord une plus grande transparence et plus de moralisation de la vie politique avec une limite des mandats et des privilèges des élus. 

L’autre effet positif, c’est une plus grande prise en compte de toutes les opinions. 

Un individu qui sent que ses idées sont taboues va avoir tendance à se replier et à rechercher des personnes qui partagent ses mêmes points de vue, c’est ce que l’on constate aujourd’hui sur les réseaux sociaux. 

Mais si une proposition de loi peut s’écrire après avoir reçu le soutien de 700.000 personnes, ce citoyen lambda est obligé de sortir de sa bulle et sait qu’il peut potentiellement peser sur le débat public avec les 699 000 autres citoyens qui partagent son point de vue.

La démocratie directe dans sa forme idéale a aussi une visée éducative. Quelles sont toutes les facettes d’une future loi et l’ensemble de ses conséquences ? Il faut que les citoyens puissent donner leur avis en connaissance de cause. Rassembler 700 000 signatures nécessite de fournir des explications à des citoyens de tous horizons et de toutes sensibilités, ce qui implique une large part de pédagogie et de débat. 

Le RIC Constituant vise à obtenir l’avis de l’intégralité des citoyens. Dans un système qui permet le RIC, même si les manipulations existent, sondages, campagnes d’influence sur les réseaux sociaux, le travail des lobbies est rendu plus compliqué car ceux-ci préfèrent les systèmes au pouvoir concentré plus facile à « travailler » dans le secret des alcôves et des cabinets ministériels.

Et quand un mouvement citoyen perd un référendum, il a toujours la possibilité de retravailler sa proposition et de la relancer derrière. Donc c’est quelque chose de lent, d’itératif. 

Concernant les effets potentiellement négatifs du RIC, je dirais sans les balayer d’un revers de main, qu’ils font partie de la beauté brute du RIC, de sa vérité et que les écueils qu’il représente peuvent être évités si le RIC est bien pensé.

Le risque que d’aucuns avancent est le celui du populisme avec une tentation de transformer le référendum en plébiscite ou rejet et de paralysie de l’État. C’est vrai que le RIC a une puissance de transformation réelle et c’est cette capacité qui fait que les gouvernements l’ayant adopté sont de fait plus vertueux car ils la craignent. Toutefois on se rend compte que les pays ayant adopté le RIC sont dans l’ensemble des pays modérés, avec moins de tensions sociales et où les libertés publiques sont plutôt bien garanties.

L’autre objection qui est avancée contre le principe du RIC est qu’il affaiblit la démocratie représentative, le Parlement. Mais on peut aisément imaginer que le travail de maturation d’un projet de loi qui serait soumis à référendum se fasse en concertation avec les députés et les sénateurs. Après tout, ceux-ci sont censés être au service du peuple. Mais en revanche, les parlementaires ne doivent pas pouvoir interférer sur la décision prise à l’issue du référendum. 

Enfin, il ne s’agit pas non plus d’être en permanence en campagne car le rythme et les sujets de référendums peuvent être choisis par les citoyens. Préparer un projet de loi soumis à référendum demande du temps, de l’engagement et de l’argent pour son organisation. Il faut que « cela en vaille le coup ».

« Notre programme est simple, clair et précis, afin qu’il puisse être facilement repris par les autres partis politiques et trouver victoire même si notre candidate Clara Egger n’accède pas à la présidentielle. Notre projet cherche à unir et invite donc les autres candidats à mettre en place notre programme en complément des leurs. »

Copies d’écran du site de campagne « https://www.espoir-ric.fr »

Civic Techno : Le RIC constituant ayant une visée nationale et la France étant un pays très centralisé, qu’est-ce qui devrait convaincre les élus locaux de le considérer favorablement ?

Clara Egger : Ce que l’on constate dans les pays qui ont instauré des RIC Constituants c’est que davantage de réformes de décentralisation ont été mises en place et que plus de pouvoirs ont été donnés aux communes.

Les maires devraient également le voir comme un outil permettant que la politique passe enfin du bas vers le haut et facilitant leur travail au service de leurs administrés. 

La préparation des RIC génère concrètement de la concertation avec les élus au niveau local, ce qui renforce leur poids ainsi qu’une forme de légitimité partagée avec les habitants dans le processus. 

Quand on échange avec des maires, ils sont souvent d’accord avec nous mais la réalité c’est que beaucoup d’entre eux ont peur de parrainer pour ne pas se mettre à dos une partie des citoyens, leur région, un parti ou le gouvernement. Il faut savoir que seuls 28% des maires parrainent.

Or le RIC peut servir un élu, quelle que soit sa sensibilité, par la légitimité que le mode direct lui confère et en renforçant son rôle de référent local de la bonne marche démocratique.

Les citoyens peuvent d’ailleurs utiliser le RIC Constituant pour donner davantage d’autonomie aux collectivités locales et les élus locaux peuvent comme tout citoyen appeler à des réformes de nos institutions et appeler les citoyens à les soutenir pour les faire advenir.

Civic Techno : Le Brexit a été déclenché suite à un référendum ouvert à tout le corps électoral britannique et n’a pas dégagé une majorité claire alors que ses conséquences ont eu un impact considérable sur la marche du pays. Comment le RIC Constituant que vous appelez de vos vœux avec 700 000 participations, 1,7% du corps électoral, peut-il être assez représentatif d’une volonté commune ?

Clara Egger : Le Brexit, ce n’est pas un référendum d’initiative citoyenne mais un référendum d’initiative gouvernementale, c’est à dire que le gouvernement a posé la question et lancé le référendum avec des visées de politique interne. Le gouvernement ne s’attendait pas à une majorité de « oui ». Que s’est-il-passé ? En fait les citoyens ont voté pour d’autres raisons que pour répondre à la simple question posée et beaucoup d’entre eux l’ont fait avec l’intention de sanctionner le gouvernement. Et puis il n’y a pas vraiment eu de réel travail préparatoire et de débats de fond sur le terrain, à part des confrontations de points de vue très affirmés autour d’un nombre limité de sujets liés à l’impact du Brexit. 

Dans le cas du RIC Constituant, il s’agit moins d’obtenir une large majorité, ce qui peut arriver sur certains sujets consensuels que de faire entendre tous les courants qui traversent la société.

La difficulté bien entendu une fois ces 700 000 votes réunis est ensuite de convaincre la majorité des électeurs de voter « oui ». En Suisse, on estime que lors des référendums d’initiative constituants le « oui » ne gagne que tous les 12 ans environ. Pourquoi ? Cela peut être parce que les conséquences du référendum paraissent incertaines aux votants ou que le changement induit est perçu comme trop drastique.

Et ce que l’on voit c’est qu’un sujet complexe peut avancer et évoluer dans le temps par étapes et référendums successifs.

Avec le RIC Constituant les droits des minorités sont plus affirmés, la majorité sait qu’on ne peut pas ignorer les opinions alternatives, aucun sujet ne se retrouve enterré tant que plus de 700 000 personnes ont la capacité de le rapporter devant les urnes et les élus se doivent de prendre en considération les divers courants d’opinion. 

Le RIC Constituant est par ailleurs le seul outil démocratique qui permet d’instaurer tous les autres : RIC législatif, RIC veto, Assemblées Citoyennes tirées au sort, Proportionnelle, prise en compte du vote blanc, etc.

Civic Techno : Pouvez-vous nous parler des outils numériques et des processus complémentaires permettant de faire participer les citoyens au RIC quel que soit leur degré de connectivité ?   

Clara Egger : Il existe de nombreux dispositifs numériques permettant la participation citoyenne et la démocratie délibérative. La pandémie a ainsi favorisé en ligne l’essaimage d’initiatives diverses à visée solidaire, ce qui a accéléré l’adoption de ces outils par les citoyens. 

Nous suivons nous-mêmes cette tendance. Notre campagne actuelle est principalement numérique alors que quand l’équipe de campagne s’est formée nous ne nous retrouvions que physiquement.

Les citoyens doivent pouvoir continuer de se rassembler en présentiel et pour ce qui est du numérique ce qui compte c’est que l’outil et le processus soient fiables. Les débats et le vote numérique doivent être favorisés mais je ne pense pas qu’il faille passer au tout digital, je dis cela car chacun doit se sentir en confiance et pouvoir s’exprimer de la manière qui lui convient le mieux, en ligne ou en présentiel. Il faut que le processus permette une grande souplesse de ce côté-là, tant que le contrôle de la validité du vote est assuré.

Médiatiquement, on constate que l’on est surtout invités sur des supports et des émissions en ligne. 

Civic Techno : Au-delà du RIC Constituant souhaitez-vous porter d’autres sujets dans cette campagne et qu’envisagez-vous après l’élection ?

Clara Egger : Pour ma part, je suis pour que chacun(e) puisse défendre ses options, les mettre sur la table, et porter sa proposition qu’il ou elle fasse partie d’une minorité ou non, donc je ne tiens pas à pousser d’autres thèmes.

Une candidature RIC ne peut donc pas être fondée sur un programme partisan car son objectif premier est d’élargir le champ de la démocratie directe sur tout le spectre politique.

J’aime bien dire que notre mouvement a les meilleurs militants du monde parce que ce sont des gens de toutes catégories socio-professionnelles et de tous bords politiques et qui sont prêts à entrer dans le compromis. Le fait de pouvoir dialoguer et décider individuellement tend à affaiblir les opinions très extrêmes car les arguments des uns et des autres finissent par s’entendre.

Alors, nous allons continuer de sensibiliser l’opinion publique, les médias, les élus et les politiques car plus le RIC obtiendra d’adhésion, plus les autres candidats seront susceptibles de reprendre notre proposition afin d’obtenir notre soutien. 

De notre côté, dans la mesure où notre proposition est reprise avec plus de chances de l’emporter, nous nous engagerons à soutenir cette candidature.

Au-delà de l’élection, je continuerai de porter ce projet politique tout en poursuivant mes recherches et mes activités d’enseignante. Cet été aux Editions Ma Liberté on va d’ailleurs sortir avec une autre chercheuse, Laurence Morel, un ouvrage qui rassemble une quarantaine de contributions de chercheurs de nombreux pays, dont nous-mêmes, sur la question de la démocratie directe.

Notre projet de RIC Constituant porte l’espoir et il ne va pas s‘essouffler de sitôt car il va tout simplement dans le sens de l’histoire.

* Depuis cet entretien, Clara Egger et son mouvement Espoir RIC 2022 ont annoncé soutenir le candidat Jean Lassalle après avoir déclaré qu’il engageait ses biens propres pour le RIC Constituant.

Références :

Le référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous – Raul Magni-Berton, Clara Egger, Fyp Editions

Pour que voter serve enfin, Manifeste pour une transition démocratique  – Clara Egger, Talma Studios Edition

Propos recueillis par Amina-Mathilde N’Diaye, consultante en communication politique, spécialisée dans les civic tech et éditrice du média Civic Techno


Interview

« Faire gagner la démocratie », la campagne de plaidoyer de Démocratie Ouverte pour la Présidentielle de 2022

18 mars 2022 • By

Hanieh Hadizadeh est porte-parole et chargée de campagne chez Démocratie Ouverte, un collectif qui fédère des innovateurs démocratiques et qui a notamment contribué à mettre en place « La Convention Citoyenne pour le Climat ». 

Démocratie Ouverte mobilise ses réseaux pour porter la question du renouveau démocratique et  des institutions et souhaite que les candidats à la présidentielle s’engagent à mettre en place une  série de mesures dès les 100 premiers jours du quinquennat.  

Démocratie ouverte lance la campagne “Faire gagner la démocratie”, quel est le point de départ de la démarche ? 

Démocratie Ouverte est une organisation qui regroupe aujourd’hui quelque 1000 membres et existe depuis 10 ans. Parmi nos adhérents, il y a aussi bien des élus et des collectivités avec lesquels on travaille sur les sujets de démocratie directe, des bénévoles, des innovateurs démocratiques, des associations, des civic tech. Nous les mobilisons tous afin de faire du plaidoyer politique, c’est à dire que l’on essaie de pousser nos sujets auprès des élus et cette année en particulier auprès des candidats et des partis qui sont dans la course pour la présidentielle et les législatives.  

Par ailleurs on a monté une grande campagne de communication pour mieux faire connaître Démocratie Ouverte et tous ces acteurs, les initiatives existantes et les solutions que l’on a contribué à faire émerger.  On est partis du constat que les graves crises que nous traversons ne peuvent pas se résoudre aisément s’il n’y a pas plus d’implication des citoyens, lesquels se désintéressent pour beaucoup, voire sont de plus  en plus hostiles aux décisions décidées par les gouvernements. 

Donc on s’est dit que 2022 était une fenêtre de tir unique. Cela fait dix ans qu’on développe des solutions au quotidien. On les voit  fonctionner sur le terrain ça et là, on sait que les solutions existent, il faut juste une volonté politique alignée pour les faire émerger à plus grande échelle. 

À titre personnel, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager chez Démocratie  Ouverte ? 

Mon parcours est assez représentatif de celui de beaucoup de militants venant des sphères de luttes  environnementales et sociales. J’ai évolué dans l’ESS, j’étais chez Makesense, où j’avais co-fondé la partie “Média et Événements” et développé la partie animation de communautés. Venant d’une famille très politisée, je m’étais dit que je me dirigerais plutôt vers la culture ou l’associatif. Et puis, petit à petit, je me suis rendu compte que tout ce que l’on porte se heurte à un moment donné à des décisions qui sont prises sans nous, à l’image de ce qui s’est passé autour de la COP 26 pendant laquelle de grandes résolutions ont été prises et se sont heurtées à la réalité de l’impuissance politique de nos gouvernements. Puis il y a eu aussi pour moi le choc de l’élection de Donald Trump qui a démontré que nos démocraties occidentales n’étaient pas à l’abri d’élections de candidats venant des extrêmes pour le poste suprême. 

Puis pendant le confinement, avec 60 autres femmes, on a monté le programme « Investies » afin  d’entraîner les femmes à évoluer dans le champ politique qui est particulièrement violent. Il n’y a que deux ans que je suis moi-même entrée dans la sphère politique par le biais de Démocratie Ouverte et dans une envie partagée de porter avec d’autres mouvements, d’associations des plaidoyers autour de la justice sociale, environnementale et du renouveau démocratique. L’objectif pour nous est d’interpeller les candidats, les politiques, les médias, la société civile, provoquer des auditions, faire du plaidoyer politique pour valoriser l’innovation démocratique.

Quels sont les objectifs de Démocratie Ouverte par rapport aux décideurs ? Souhaitez-vous des soutiens concrets de leur part pour vos actions ou avez-vous la volonté de faire changer les lois ? 

Clairement, ce que nous souhaitons c’est changer les lois, changer les institutions, sortir de ce  présidentialisme à bout de souffle. Et pour cela, on s’est donné plusieurs objets de plaidoyer et plusieurs  temporalités.  

Le premier objet, c’est un “Pacte pour la Démocratie”, un pacte d’urgence. Pour ce pacte-là, on travaille depuis septembre dernier avec plusieurs autres associations et ONG. On a rédigé un ensemble de  mesures qui ont été soumises à consultation auprès du grand public afin d’en extraire les plus urgentes et qui font consensus. Ce pacte-là, nous souhaitons le soumettre à signature, en tout cas interpeller les  candidats et les partis en disant “Voici les mesures qui nous semblent urgentes à implémenter pour le  renouveau de nos institutions, pour redonner confiance, accélérer la participation citoyenne aux décisions  publiques » et obtenir qu’ils engagent le débat ou qu’ils s’engagent tout court.  

La mesure que l’on veut dans tous les cas, c’est une Convention Citoyenne pour la Démocratie. Alors, soit on arrive à l’obtenir du prochain président ou de la prochaine présidente, soit on continuera de mettre tout  en œuvre pour la faire advenir. Et pour que cette Convention Citoyenne pour la Démocratie commence déjà à prendre forme, on organise partout en France des Assemblées pour la Démocratie, ouvertes à toutes et à tous. On travaille avec les associations locales, avec les élus et les collectivités dans le but d’accompagner les citoyens à prototyper les ou leurs solutions pour la démocratie. Comme par exemple la création d’une fresque de la démocratie qui dans l’exercice de sa réalisation donne à voir toutes les strates, les corps intermédiaires, les contre-pouvoirs, le niveau d’élection, du plus local au plus national. Lors de ces exercices les participants se rendent compte de la complexité de nos institutions et de la difficulté à avoir une démocratie plus ouverte. Et on les  accompagne dans l’identification des nœuds mais aussi des leviers d’action tout en leur indiquant comment ils peuvent interpeller les médias ou leurs élus afin qu’ils s’associent à la démarche. 

« 84 % des Français demandent à prendre une part plus importante dans le processus de prise de décision politique »  

Extrait de la tribune “Un nouveau modèle démocratique est possible” publiée dans le journal le Monde le 25 février 2022 

Vous avez ce réseau de 1000 personnes, comment faites-vous concrètement pour les  mobiliser ? Existe-t-il différents niveaux d’engagement ?  

C’est un réseau qui fédère de nombreux acteurs très différents que l’on essaie de faire travailler ensemble. Cela passe par de l’animation de communautés, de cercles : cercles projets, territoires, innovateurs démocratiques, la plupart du temps menés par des bénévoles. On a un gros pôle animation de communautés, qui va communiquer, former et accompagner tous ces différents publics avec parfois des  élus bénévoles ou qui font partie de notre conseil d’orientation stratégique. Cela va de la newsletter à des programmes de formation, à des équipes de mobilisation qui vont faire monter nos bénévoles en compétence comme aujourd’hui sur la campagne. Par exemple, on a des bénévoles qui travaillent sur la  notation des programmes présidentiels. Ils ont passé au crible le volet démocratique des propositions des  candidats et souhaitent les interpeller sur l’écart entre les attentes citoyennes et leurs propres propositions. Un autre cercle d’une cinquantaine de personnes s’occupe de cartographier toutes les initiatives de démocratie participative sur l’ensemble du territoire afin de les mettre en lumière et favoriser leur essaimage. Et on a des bénévoles qui travaillent à des fins de mobilisation avec actuellement sur la période de la présidentielle et des législatives en aidant à organiser des assemblées locales, des “Democracy Happy Hours”, grâce à un kit de mobilisation qui permet à un bénévole d’aller très facilement dans son bar ou lieu culturel préféré et organiser des heures de discussions. Ce qu’on aimerait à terme, c’est qu’une organisation comme la nôtre soit considérée par l’ensemble des citoyens comme aussi nécessaire que ces grandes ONG qui se battent pour contre la faim dans le monde, pour la protection des fonds marins ou la liberté de la presse car on ne peut pas se permettre de baisser la garde dans le combat pour plus de démocratie et d’inclusion sociale. 

Comment s’est organisée votre consultation numérique de janvier-février 2022 ? 

La consultation numérique a commencé mi-janvier et s’est achevée le 14 février. On y a listé les 20 mesures rédigées après de longs mois de travail et demandé aux participants de noter ces 20 mesures en fonction du degré d’urgence, d’importance et de maturité que chacune représente. On a également demandé si chaque mesure doit être dans le pacte final ou être renvoyée à la Convention Citoyenne pour la Démocratie. La consultation a aussi une visée informative pour inciter les citoyens à en apprendre davantage, par exemple sur les nouveaux modes de scrutin. Elle permet aussi d’initier le débat avec les médias.  À l’issue de la consultation, les résultats ont été dépouillés et classés et on a retenu 6 mesures jugées comme les plus urgentes, les plus nécessaires et les plus matures et avec lesquelles nous interpellons les candidats aux élections par le biais d’une tribune publiée par le Monde le 25 février dernier et signée avec 300 autres signataires (ONG, associations, militants, sociologues, politiques, soutiens de la société civile). Nous avons d’ailleurs l’intention d’organiser un événement public fin mars à Paris auquel nous inviterons tous les candidats. 

Quels retours d’expérience retenez-vous de l’organisation de la Convention Citoyenne pour le Climat pour de futures Conventions Citoyennes ?

La première leçon retenue c’est que l’on doit tout faire pour s’assurer que ce sur quoi les citoyens vont  travailler va pouvoir se mettre en place, que les promesses seront tenues.  

On est confiants sur le fait que le prochain président aura envie de mettre en place une Convention. Mais  notre but est que celle-ci soit suffisamment autonome pour pouvoir déclencher un Référendum d’Initiative Citoyenne. La Convention Citoyenne sur le Climat a démontré que si l’on donne le temps aux citoyens de se former,  d’avoir des experts qui viennent leur donner des avis contradictoires, alors au bout de neuf mois, ils sont capables de rendre des décisions éclairées et reconnues par le corps scientifique ou par des experts comme ceux du GIEC. Un autre constat que l’on a pu faire c’est qu’on n’a pas besoin d’être expert pour pratiquer la démocratie.  Cependant un seul débat ne réglera pas le problème, il faut pouvoir instaurer une démocratie continue et permanente qui inclut tant des conseils de quartiers que des référendums d’initiative citoyenne.  La convention citoyenne n’est pas une baguette magique, elle doit servir à fédérer, à faire le lien entre le local et le national, à favoriser des espaces de débat, de contradiction et à faire en sorte que les décisions prises à un moment donné par les instances dirigeantes soient plus justes pour la majorité. 

Pour en savoir plus sur la campagne, rendez-vous sur https://fairegagnerlademocratie.fr/

Le dimanche 27 mars de 10h à 18h à l’Agora de Belleville Démocratie Ouverte un événement pour interpeller les candidats, débattre, et construire ensemble le futur de la démocratie.

Pour vous inscrire rendez-vous sur le site ou leur la page Facebook de Démocratie Ouverte.

Propos recueillis par Amina-Mathilde N’Diaye, consultante en communication politique, spécialisée dans les civic tech et éditrice du média Civic Techno


Ils font la Civic Tech, Interview

Crise sanitaire : les CivicTech en 2021 selon Make.org

3 février 2021 • By
2021 : dépôt de bilan pour les CivicTech ?
2021 : dépôt de bilan pour les CivicTech ?

1 – Bonjour Axel (Dauchez), il y a un moment que je n’avais pas pris de tes nouvelles et de celles de Make.org. J’ai vu que vous aviez sorti plein de super projets : peux-tu nous en dire plus sur le Make 2020, comment vous en êtes arrivés là et ce que vous avez dans les cartons pour l’avenir ?

Malgré la situation sanitaire et la crise, l’année 2020 a été très riche en initiatives pour Make.org, avec toujours cette volonté de faire notre part au service de l’intérêt général.  Nous avons lancé la Grande Cause pour la Protection de l’Enfance en septembre dernier au Ministère de la Santé et des Solidarités. Cette grande mobilisation pour protéger les enfants contre toutes les violences a recueilli plus de 4 300 propositions, ce qui montre que les citoyens ont envie de s’exprimer sur ce sujet crucial pour notre société. Nous avons également réalisé une consultation importante sur la mode responsable. Ce fut un franc succès avec 107 000 participants mobilisés pour encourager les professionnels et consommateurs à rendre cette industrie plus durable.  En cette année si particulière, nous avons également réalisé, avec la Croix Rouge française, WWF France, Groupe SOS, Mouvement UP et Unis-Cité, la plus grande consultation sur “Le Monde d’après”. Plus de 165 000 citoyens se sont exprimés et ont émis le nombre record de 20 000 propositions pour construire ensemble la société de demain, plus résiliante et solidaire.

Grande cause Make.org : Améliorer les conditions de vie dans notre territoire.

Les ambitions pour l’avenir sont nombreuses. Nous allons lancer notre prochaine Grande Cause sur le thème des territoires au début de l’année prochaine, en amont des élections régionales.

2 – J’aimerais avoir ton avis : penses-tu que la Civic Tech a pris en France ? L’écosystème des technologies civiques aujourd’hui est-il au niveau de l’espoir que nous portions tous dans ces nouveaux outils démocratiques ? Peux-tu me citer des réussites ? Des échecs ?

La Civic Tech est indéniablement en plein foisonnement aujourd’hui en France. Les mobilisations citoyennes, dans leur diversité, passent désormais quasi systématiquement par des usages numériques. Il y a un double mouvement : d’un côté la prise de conscience, à tous les niveaux de la décision politique, de la nécessité de consulter les citoyens et de l’autre, l’envie grandissante des citoyens de participer activement à la vie démocratique. Les Civic Tech permettent cette dynamique, cette réintermédiation sans laquelle il est aujourd’hui quasi impossible de recréer du lien à un niveau important. C’est en cela qu’elles sont au cœur du renouvellement démocratique.

Logo Make.org

Parmi les réussites de Make.org qui attestent de l’importance du poids des Civic Tech, je pense particulièrement à la consultation WeEuropeans que nous avons menée en 2019. C’était un véritable défi car il s’agissait de la plus grande initiative civique jamais menée en Europe. Elle a permis de toucher plus de 38 millions de personnes sur tout le continent. Un Agenda citoyen a été créé sur la base des propositions qui ont été faites par les citoyens, qui a servi de support aux engagements d’action pris par 200 partis politiques de tous les pays de l’Union européenne, ainsi que de grandes organisations de la société civile européennes.

Actuellement, les institutions européennes prévoient de lancer une grande Conférence sur l’avenir de l’Europe. Selon moi, c’est une initiative cruciale pour la démocratie en Europe, peut-être la dernière chance de répondre à la promesse d’une “Europe proche des Européens”. Les enjeux de cette Conférence sont donc immenses et je plaide pour qu’elle s’appuie sur des outils innovants, accessibles et inclusifs, qui permettront à des millions d’Européens d’y participer et pas seulement quelques milliers de personnes déjà très engagées sur le sujet. Je souhaite sincèrement la réussite de ce projet, car son échec pourrait créer une situation irrémédiable avec une sévère crise de confiance au niveau européen et une déconnexion des institutions.   

3 – Quel rôle les Civic Tech peuvent-elles ou doivent-elles jouer dans une période de confinement ?

Je crois que les Civic Tech jouent déjà un rôle crucial en période de confinement : celui de ne pas laisser place à l’inaction démocratique et civique. Elles peuvent et doivent maintenir le lien entre les citoyens et les décideurs, mais aussi avec l’ensemble de la société civile afin de permettre aux uns et aux autres de s’investir malgré la distanciation sociale. Les confinements sont des moments charnières d’un point de vue politique et de société, ils offrent la possibilité de penser à des solutions pérennes pour l’avenir. C’était exactement le sens de la démarche que nous avons menée pour “Le Monde d’après” : imaginer ensemble les soubassements d’une société résiliante, durable, et épanouissante pour tous.

Axel Dauchez

4 – Crois-tu qu’il y aura à nouveau une explosion du « phénomène » Civic Tech en 2021 dans le cadre des élections départementales ou régionales ? Pour la présidentielle en 2022 ? Sens-tu un nouvel appétit pour ces technologies citoyennes de la part du monde politique ?

Je pense que l’essor des Civic Tech est bien plus qu’un phénomène, il traduit l’émergence d’un nouveau système de pensée et de fonctionnement de la démocratie participative. Ce n’est plus un gadget qu’on met au fond d’un programme ou d’un site. Le recours aux Civic Tech et à la démocratie participative ne va, selon moi, cesser de croître ces prochaines années. On a d’ailleurs vu au cours des différentes élections précédentes que beaucoup de partis politiques ont eu recours au numérique. Il y a eu aussi le Grand Débat national, la Convention citoyenne pour le climat, qui s’est aussi appuyée sur des outils de la Civic Tech… Il y a fort à parier que cela va se répéter à l’avenir.

Toutefois, l’important reste que les Civic Tech soient au service de l’intérêt général citoyen avant tout. C’est un vecteur précieux de mobilisation de la société civile, en dehors de toute échéance électorale et c’est ce qui fait leur force.

Merci Axel


Civic Tech : c'est quoi ?, Contributions, Ils font la Civic Tech, Réflexions

Les Maires doivent se saisir de la CivicTech en ces temps nouveaux !

7 mai 2020 • By

La technologie au service du citoyen

S’engager dans la démocratie participative aujourd’hui repose sur la volonté de mettre en avant une nouvelle forme de communication, la capacité à s’approprier les nouvelles technologies, et l’ambition de trouver le meilleur outil pour répondre aux besoins de la population.

Il en va de la responsabilité des maires de contribuer au bien vivre-ensemble au sein de leur commune et de renforcer des liens unissant les élus et leurs administrés. Cela suppose d’axer la communication municipale sur l’échange, le partage, et la prise de décision collective.

Aujourd’hui, à l’ère du digital et des réseaux sociaux, des solutions existent et permettent de faire de la communication l’axe central de la progression collective.

La nécessité pour les mairies de se doter d’une plateforme collaborative se fait d’autant plus ressentir lorsqu’une multitude d’outils est disponible sur le marché de l’application mobile, et que la volonté de s’engager dans la vie communale concerne un nombre croissant de citoyens.

Pour le maire, le choix de la solution de démocratie participative adaptée aux besoins de sa commune, suffisamment pertinente et simple à mettre en œuvre, sera alors la première étape de cette transition vers une participation directe et une mobilisation collective.

Définir les fonctionnalités civic-tech à mettre en place pour sa commune

Parmi les différentes fonctionnalités déployables pour une meilleure communication à l’échelle locale et la mise en place d’une démocratie participative au sein de la commune, il est important d’adapter l’outil choisi à ses besoins, et de définir les priorités.

Une présentation complète de la commune sera toujours utile, et permettra non seulement de partager les secrets historiques, mais aussi de lister les services de la mairie, présenter l’équipe municipale, et partager les liens utiles. Un album photo permettra de mettre la commune à l’honneur, et un agenda rappellera à tous les habitants les événements à ne pas louper.

Le partage de médias (photos, vidéos, pdf) et d’informations peut se faire via un système de publications d’actualités, permettant aux habitants d’être informés en temps réel de tout ce qu’il se passe dans leur commune.

Les systèmes d’alertes font souvent partie des fonctionnalités phares et parmi les plus utiles : avertir par notification push, email ou SMS les habitants des dangers imminents est primordial et sera très apprécié.

L’usage d’une messagerie directe permettra de gagner du temps et d’éviter des rendez-vous inutiles ou des appels en mairie.

Enfin, parmi les modules de démocratie participative, nous pouvons trouver les sondages anonymes (pour prendre en compte l’opinion majoritaire citoyenne), les signalements urbains (pour faire remonter les anomalies rencontrées dans la commune), les suggestions citoyennes (la boîte à idées de la commune), ou encore les groupes de discussion (un débat public accessible n’importe où et n’importe quand).

Pouvoir choisir les fonctionnalités utiles et paramétrer son application citoyenne pour qu’elle corresponde exactement à ses besoins est un atout indéniable, le système de module à la carte sera alors parmi les plus performants.

Promouvoir la nouvelle application communale auprès des habitants

Une fois le nouvel outil de communication pris en main, l’étape suivante est de le faire connaître : il s’agira alors d’informer les habitants de la commune de son existence et les attirer sur la plateforme.

Une fois la cible définie et les objectifs identifiés, plusieurs solutions peuvent être envisagées pour promouvoir la nouvelle application communale auprès des citoyens, les leviers de communication sont multiples et seront renforcés par vos moyens de communication habituels.

Mixer les canaux traditionnels et numériques apportera généralement de bons résultats, vous pouvez donc vous servir du bulletin municipal, des réseaux sociaux, d’une réunion publique, d’une newsletter existante, d’un courrier postal, du site web de la commune, d’un panneau lumineux ou de n’importe quel affichage public.

Tous les moyens seront bons pour faire connaître la nouvelle à tous les habitants au début, le bouche-à-oreille fera le reste et prendra rapidement le relais… à condition que l’outil soit pertinent !

Pour aller plus loin, l’application MairesetCitoyens propose sur son blog des réflexions autour de la démocratie participative et prodigue de nombreux conseils sur ce sujet.


Contributions, Non classé

Lutter contre le non-recours aux aides sociales grâce aux nouvelle technologies

27 janvier 2020 • By

La question de l’accès aux droits est un enjeu cruciale dans la lutte contre les inégalités. L’écart ne cesse de croître entre les personnes issues d’un milieu aisé et les populations dites « fragiles ».

La France dispose pourtant d’un  système de solidarité et de protection sociale exemplaire mais qui semble s’étioler peu à peu. Les politiques successives expliquent en partie cette dégradation mais le déploiement de l’aide sociale est également asphyxié par sa propre complexité. Ceci entraîne un phénomène désastreux : le non recours aux droits.

Fort heureusement les pouvoirs publics semblent enfin prendre la mesure du phénomène et s’efforcent désormais de concevoir des solutions, notamment par le biais du numérique avec le développement du simulateur « mesaides.gouv ».

Paupérisation, non recours aux droits : Qu’en est il de la solidarité nationale ?

La tradition appelée aujourd’hui « exception » française en matière d’aide sociale et de solidarité remonte à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Auparavant l’église catholique incarnait seule les vertus de charité et de bienfaisance. Inspirée par la pensée des philosophes des lumières, la république naissante s’est emparée de ces valeurs en considérant l’assistance comme « devoir de l’état et droit pour le citoyen ». C’est ainsi que se sont ouverts les premiers bureaux de bienfaisance dés 1796.
L’aide sociale est donc une véritable institution. A ce titre, elle est logiquement prévue par la constitution de la Vème république.

Ceci étant, la solidarité nationale semble aujourd’hui malade. Elle est d’une part insuffisante et n’a plus la capacité de garantir à chacun des « moyens convenables d’existence ». De plus, les bénéficiaires de l’aide sociale sont responsabilisés même stigmatisés, face aux difficultés économiques du pays et de l’accroissement de la dette publique.

D’autre part la bonne marche de la solidarité est empoisonnée par un système de déploiement qui s’apparente de plus en plus à une nébuleuse. Qui connaît réellement ses droits en 2020 ? La population manque à l’évidence d’informations et se perd dans des démarches administratives toujours plus nombreuses, complexes et désormais dématérialisées. En effet l’attribution des prestations sociales se fait aujourd’hui à l’aide d’un nombre incalculable de dispositifs, perpétuellement réformés et distribués par de multiples organismes.

Résultats les personnes déjà fragiles sont de surcroît complètement perdues. Dans les moteurs de recherche sur internet les requêtes « APL », « RSA » et « Chômage » représentent à elles seules plus d’un million de recherches chaque mois.

Dans les faits, cela se traduit par un phénomène alarmant, le non recours aux droits.

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Celui-ci est caractérisé quand une personne est éligible à une prestation sociale mais ne la perçoit pas. Ainsi quand on parle de non recours aux droits, on entend les aides publiques versées par les différents organismes chargés de les attribuer. Il s’agit notamment de la CAF, de Pôle Emploi ou de l’Assurance Maladie.

Prenons un exemple concret : une personne à faible revenu souhaite déménager mais n’a pas les moyens de s’acquitter de la caution de son nouveau logement. Elle pourrait bénéficier d’une aide au paiement de la garantie (appelée avance Locapass) mais n’en fait pas la demande. Cette personne est en situation de non recours.

Il y a quelques années à peine, les pouvoirs publics ignoraient tout de ce phénomène. Fort heureusement, de nombreux travaux de recherche ont été mené sur le sujet, notamment grâce à l’impulsion de l’ODENORE qui observe attentivement son évolution et s’évertue à trouver les moyens d’y remédier.

Aucun outil n’est encore capable de mesurer précisément l’impact du non recours. En revanche de plus en plus d’études et de rapports parlementaires permettent d’estimer que plusieurs milliards d’euros échappent chaque année à leurs bénéficiaires.

Ces travaux ont notamment démontré des taux de non recours très élevés sur certaines aides :

  • La prime d’activité : 27% de non recours
  • Le RSA : 36% de non recours

La plupart des dispositifs sont vraisemblablement impactés dés lors que l’attribution d’une aide n’est pas automatique.

L’ODENORE donne d’ailleurs 5 raisons pour bien comprendre le phénomène :

  • La non connaissance : Quand les personnes ne connaissent pas, ne comprennent pas ou ne s’imaginent pas être concernés par une aide
  • La non Proposition : Quand l’organisme chargé de l’attribution d’une aide ne la propose pas à une personne qui y est éligible
  • La non demande : Quand une personne informée ne procède pas à la demande d’aide (ceci est souvent lié à des sentiments de découragement ou de honte)
  • La non réception : Quand une aide n’est pas obtenue alors que la démarche est initiée par une personne éligible
  • La non orientation : Cette raison désigne le manque d’accompagnement dont souffre les personnes en position de grande fragilité . C’est notamment le cas des jeunes en situation de décrochage ou de personnes atteintes de maladie psychique.

Comment internet permet de favoriser le déploiement des aides ?

Il faut être réaliste, réinventer une solidarité nationale à la fois simple et efficace relève d’un projet de société ambitieux. Toutefois, la prise de conscience semble avoir lieu à différentes échelles et il est intéressant de constater que de nombreuses initiatives favorisant l’accès aux droits de la population fleurissent au fil des mois.

L’idée de permettre à chacun de percevoir un revenu universel semble désormais faire consensus au sein de la classe politique. Les organismes d’aides se montrent également davantage préoccupé par la question de l’accès aux droits.

Par exemple l’assurance Maladie a crée la plateforme PFIDASS afin de détecter les personnes en situation de non recours aux soins. La CAF a développé quant à elle les rendez-vous des droits qui permettent aux personnes fragiles de faire point sur les aides qui les concernent par le biais d’un entretien personnalisé.

Les technologies numériques peuvent également s’avérer être un outil puissant pour lutter contre le phénomène de non recours. En effet, il est désormais possible d’effectuer une simulation de ses droits en quelques clics à l’aide de son smartphone ou de son ordinateur.

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Ainsi, à travers le portail mes aides.gouv, le ministère de la santé et de la solidarité offre la possibilité à chacun d’estimer ses droits sur 35 dispositifs d’aides nationales parmi les plus importants (Prime d’Activité, RSA, aide au logement, ASPA …)

Son fonctionnement est très simple : Il s’agit de remplir un questionnaire. Celui-ci permet d’établir votre situation familiale et professionnelle et d’indiquer vos différentes ressources ainsi que les prestations sociales déjà perçues. en fonction de ces éléments le simulateur vous liste les aides qui vous correspondent.

Il existe également d’intéressantes initiatives d’origine privées. C’est notamment le cas du site aide-sociale.fr. En s’appuyant sur les données publiques « Open Fisca » qui sont à la base de l’outil « mes aides.gouv » le site a développé son propre simulateur en l’élargissant toutefois à 300 aides. Il est proposé gratuitement à tous les visiteurs

Logement, santé, chômage, transport, loisirs… Tous les domaines sont concernés, quel que soit le profil de l’internaute (demandeurs d’emploi, salariés, retraités, étudiants…). Les résultats du simulateur sont accompagnés de liens vers des articles explicatifs et d’une redirection vers les sites internet concernés pour effectuer ses démarches. 

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