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Réflexions

Incapable d’outiller la société civile, et si la Civic Tech était vouée à l’échec ? 2/4

18 décembre 2016 • By

Ce post est le second d’une série de 4 billets dédiés aux impasses de la CivicTech.

J’ai proposé aux acteurs de cet écosystème de partager leurs visions sur les 4 grands freins qui, selon moi, entravent le développement en France des technologies civiques.

Impasses de la civic tech : droit dans le mur ?

Aujourd’hui, nouveau thème abordé : est ce une utopie que de pouvoir outiller et donner du pouvoir à la société civile, impliquer les citoyens dans la vie politique et publique ?

Comment les acteurs de la CivicTech peuvent donner du pouvoir à ces publics pour leur permettre d’apporter des solutions et de peser sur la vie publique ? Peuvent ils être les seuls moteurs du changement et du renouveau démocratique ?

Jérôme Richez – Co-fondateur du Liberté Living Lab

Les civic tech assureront-elles la distraction de la présidentielle ? L’appétence actuelle peut le faire craindre. Pour autant, cette présidentielle et les législatives dans la foulée seront peut-être les dernières élections sans véritable rapport de force citoyen. Ce qui est pointé du doigt aujourd’hui, c’est à la fois un fonctionnement politique et médiatique.

Avec les civic tech, les citoyens deviennent non seulement porteurs de solution, ils se transforment collectivement en « médias », une des composantes essentielles à la démocratie : vérification des informations, attachement pour le fond, capacité à imposer des sujets, à faire émerger des voies progressistes, à faire dialoguer…
Ces « citoyens-médias » devraient être actifs dès 2017. Quelle sera la prise de conscience collective ?

 

Nicolas Patte – Cap Collectif

Il faut pivoter, penser “hors de la boîte”, comprendre que la solution n’est pas de fournir aux citoyens magiciens des outils pour “faire système” à la place du cadre démocratique rouillé. Nous ne voulons pas “outiller le public” : nous voulons “outiller le système”.

Une fois qu’on a pivoté, et qu’on a offert une solution aux pouvoirs publics pour améliorer l’outil, il “suffit” d’apporter la méthodologie qui permet à l’outil de fonctionner efficacement. Imaginez qu’on veuille remplacer tout le parc automobile d’une communauté par des vélos. Supprimer les voitures  et livrer des vélos en laissant tout le monde en plan serait contre-productif : il faut accompagner la démarche, fournir des pièces détachées de rechange, aider à l’organisation du nouveau plan général de circulation et même expliquer le fonctionnement du vélo aux plus jeunes, désormais concernés.

Les outils, seuls, ne servent à rien. Ils ont besoin d’un cadre d’utilisation légitime (le système démocratique et républicain actuel), de volonté politique (faire comprendre au système en quoi consiste la participation citoyenne et les bénéfices attendus à cette participation), de méthodologie (convaincre l’ensemble des parties des avantages du travail collaboratif grâce à une règle du jeu claire et approuvée de tous). Et aussi de bonne foi, d’un esprit positif et éclairé qui pense “réflexions, actions et inclusions” plutôt que “discussions, réactions et exclusions”.

 

Florent Guignard – Le Drenche

Le premier cercle qui commencera à pouvoir influer sur la vie publique et politique sera fait d’initiés ; un public déjà sensibilisé et éduqué, qui agissait déjà avant, et qui verra dans ces outils un moyen d’agir plus efficacement. C’est à la fois un danger et une opportunité, mais c’est inévitable. Tout l’enjeu sera ensuite de dépasser ce premier cercle.

Le reste dépend beaucoup de la nature des initiatives ; certains resteront cantonnés à un rôle de prestataire de l’administration, d’autres ne le seront jamais. Des initiatives comme Le Drenche, Accropolis, ou comme Voxe.org sont par nature destinées au « grand public », et ne dépendent donc pas de la commande publique.

La valeur ajoutée vient de la cohésion de cet écosystème ; plus il y aura de passerelles efficaces entres les outils ou médias grands public et les moyens de consultation, plus institutionnels, et plus le système sera cohérent et efficace.

Le travail réalisé par un groupement comme Démocratie Ouverte est en cela extrêmement bénéfique, et commence à porter ses fruits.

Néanmoins, les civic tech seules ne changeront jamais les choses. Par contre, le secteur grandissant pousse les grands médias, les collectivités et le gouvernement à s’y intéresser et à les inclure ; à terme, l’ensemble de ces acteurs travaillant (plus ou moins efficacement) ensemble peut amener de grands changements.

 

Jérémie Paret – STIG

La civic tech pour réussir a besoin d’améliorer les connaissances des citoyens sur les institutions et leur fonctionnement. Fournir des outils ne suffit pas, il faut former et informer. Il est également nécessaire de créer des passerelles entre le numérique et le physique afin d’impliquer un maximum de citoyens.

 

Thomas Champion – Politizr

Il faut une innovation sociétale reposant sur un modèle économique garantissant la constitution d’un tiers de confiance entre les élu-e-s et les citoyen-ne-s.  Il s’agit bien d’un modèle différent des autres civictech, indépendant du financement des partis, des annonceurs, et des institutions.

Notre système démocratique est aujourd’hui toujours construit autour d’une démocratie représentative invitant les citoyen­-ne­-s à s’exprimer uniquement par le biais de votes sporadiques. Or, l’émergence des initiatives citoyennes comme dernièrement le mouvement “Nuit Debout” démontre que les citoyen­-ne-­s réclament d’autres modes de gouvernances et d’implications citoyennes pour construire une démocratie plus directe et participative.

Politizr est le chaînon manquant qui permet de réduire la tension croissante entre ces deux formes de démocratie, en légitimant le rôle des élu-e-s pour leur permettre de faire valoir leurs idées et leurs actions en toute transparence mais aussi pour permettre aux citoyen-ne-­s de s’exprimer de façon directe et régulière avec eux.

 

Chloé Pahud – Civocracy

Il y a un double travail à mener pour outiller la société civile et apporter des solutions pour qu’elle pèse sur la vie publique : il faut outiller avec les technologies et faire de l’éducation avec des partages d’expérience, des ateliers, …

Les acteurs Civic Tech ne peuvent pas être seuls pour réussir dans cette démarche, c’est tout l’éco-système qui doit se mettre en marche : citoyens, acteurs économiques, politiques, associations, experts.

Seule une approche bottom-up permettra de dépasser le simple stade de la consultation ! L’idée est de mettre ses outils au service de la société civile pour s’en emparer de la même manière que ces outils sont mis á dispositions des pouvoirs publics.

 

Julie de Pimodan – Fluicity

Une civic tech ne pourra avoir un réel poids que si elle est capable de reproduire le rapport de force qui existe entre les élus et les citoyens. Répondre à une commande publique est donc un non sens, puisque cela revient à créer un outil qui représente le gouvernement et non les citoyens.

 

Maxime Barbier – BlueNove / Assembl

Nous sommes dans la phase des early adopter ! Pour moi, l’avenir de la CivicTech repose autant sur la capacité à outiller les citoyens (et aussi les acteurs économiques) pour participer autrement à la décision et à l’action publique, que sur la capacité à outiller et faire monter en compétences les ministères, collectivités et opérateurs pour changer radicalement les façons traditionnelles de concevoir, délivrer et évaluer les politiques publiques. Les acteurs publics et les partis politiques sont pour moi cruciaux dans la rénovation des pratiques démocratiques. La pression ne peut pas venir que de l’extérieur.

Ce qui doit évoluer rapidement, c’est l’accès à la commande publique. Les acteurs de la Civic Tech ne décolleront jamais s’ils doivent se contenter de marchés publics cachés en dessous des seuils de mise en concurrence élargie (-25K€). Des facilités de marché doivent être mises en place. Je salue volontiers l’initiative d’Etalab, avec l’OGP Toolbox et surtout la labellisation de quelques plateformes pour outiller les processus de consultation des ministères.


Interview

Loïc Blondiaux : réflexions à propos de la démocratie participative en 2023

5 juillet 2023 • By

Loïc Blondiaux est professeur de science politique à l’université Paris Panthéon-Sorbonne et chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CNRS/EHESS/Paris I).

Nous lui avons demandé de nous partager ses analyses sur l’état de l’art en matière de démocratie et de démocratie participative en particulier.

(Interview réalisée en mars 2023)

CT : Bonjour Loïc Blondiaux, à l’aune du contexte géopolitique international, quels constats faites-vous sur l’état des démocraties ?

Le constat général est plutôt dramatique car on assiste dans différentes régions du monde où il y a des démocraties à des processus de déconsolidation et de remise en cause de libertés publiques fondamentales, et cela même en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Au nom de la sécurité, on voit des régimes basculer dans des formes d’hybridation entre la démocratie et l’autoritarisme. C’est ce qu’on appelle les démocraties illibérales.

Dans le même temps, la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs gouvernants, des principes et des institutions de la démocratie, augmente. Il s’agit d’une crise de légitimité qui se traduit par le fait que les décisions prises par les gouvernants n’apparaissent plus comme légitimes justement. 

Les démocraties sont par ailleurs confrontées à un problème d’efficacité. Face aux crises émergentes, qu’elles soient environnementales, pandémiques, économiques ou financières, la démocratie apparaît pour certains comme un régime inefficace. 

Et c’est cet ensemble de constats qui laisse à penser que d’un point de vue géopolitique, la démocratie est plutôt en régression et on le voit même dans les analyses sur le temps long, avec un nombre de démocraties qui décroit, ce qui est en rupture avec la progression à laquelle on avait pu assister après la Seconde Guerre mondiale.

CT : Pouvez-vous nous citer quelques exemples concrets pouvant laisser penser que nous sommes en train de basculer vers des démocraties illibérales et nous rappeler ce qu’une nation est censée respecter pour être considérée comme une démocratie ?

Des événements inédits dans l’histoire récente de deux grands pays comme l’assaut du Capitole aux Etats-Unis en 2021 ou celui du siège du gouvernement fédéral au Brésil en janvier 2023 nous ont stupéfaits et ont démontré que des groupes peuvent être tentés de prendre le pouvoir par la force ou tout du moins de mettre à mal de façon visible des institutions symboles de la démocratie. Dans d’autres pays comme la Pologne ou la Hongrie, au sein même de l’Europe, le basculement vers des régimes plus autoritaires se fait ces dernières années de manière moins spectaculaire mais à coup de lois ou de restrictions. Et dans des pays longtemps considérés comme des démocraties modèles tels que l’Inde ou Israël, les gouvernements actuellement en place sont au nom de la sécurité tentés de restreindre les libertés. Et nous pourrions en citer bien d’autres partout dans le monde, les exemples ne manquent pas. 

Pourquoi peut-on alors dire qu’on assiste à une dé-démocratisation, c’est-à-dire à un recul de la démocratie ? Parce que pour qu’il y ait démocratie réelle, trois conditions doivent être remplies. 

La première, c’est qu’il faut qu’à travers des élections libres notamment, les citoyens puissent influencer les politiques. Cette dimension est étymologiquement inscrite dans la notion de démocratie, c’est l’autogouvernement du peuple. Et donc, il faut que ce soit un pouvoir issu d’une majorité des votes qui s’exerce. 

Une deuxième dimension est essentielle : qu’un certain nombre de libertés et de droits fondamentaux soient reconnus et préservés. C’est ce qui renvoie à l’idée d’Etat de droit et on peut parler de liberté de manifestation, de liberté d’opinion ou de liberté de la presse. En démocratie, la presse doit être libre et ne pas être sous l’emprise du pouvoir ou d’un tout petit nombre d’acteurs. Et ce sont ces droits et ces libertés fondamentales, qui selon moi, sont les plus attaqués actuellement. La sécurité est devenue un grand alibi pour ce faire. Lorsque, par exemple en France, la liberté de manifestation est rendue plus difficile par des dispositifs de répression qui peuvent empêcher des personnes pacifiques de s’y rendre, cela interroge car cela entrave une des libertés fondamentales qui est la liberté de manifester son opinion. 

La troisième dimension d’une démocratie, plus subtile, plus informelle, est celle de la participation des citoyens à la vie publique au-delà du cadre des institutions. Les citoyens doivent pouvoir participer mais ils doivent aussi se comporter en citoyens. Or, les échanges dans la société, la tolérance vis-à-vis de celui qui ne pense pas comme soi, le sentiment d’égalité nécessaires à la vie démocratique ont plutôt tendance à régresser. Et cela aussi empêche que les citoyens puissent s’autogouverner. 

Puis, dans la compétition politique pour le pouvoir, certains acteurs apparaissent comme plus égaux que d’autres. Le financement de la vie politique, le rôle des médias dans les campagnes électorales ont tendance à fausser le jeu et à faire en sorte qu’il y ait des acteurs qui in fine soient indirectement mieux représentés que d’autres, à la fois dans la compétition politique, mais également au sein ou auprès du gouvernement, et cela c’est une autre tendance qui s’accentue. 

Le rôle central des groupes d’intérêt dans nos démocraties, la place et l’influence exercée par les acteurs économiques et financiers laissent à penser aux citoyens que le pouvoir qu’ils sont susceptibles d’exercer est dérisoire et que l’influence qu’ils peuvent avoir par rapport au marché, aux grandes entreprises, aux lobbies, est quasiment nulle. C’est quelque chose qui mine considérablement la confiance dans les institutions démocratiques car cela donne le sentiment que l’on n’est pas réellement représenté par le pouvoir issu des élections. 

Le pouvoir, lui, parie sur la résignation, la mise devant le fait accompli, l’actualité débitée en continu qui chasse les événements l’un après l’autre, afin de faire passer des mesures dans une fuite en avant aux conséquences aléatoires à plus ou moins long terme.

CT : Si nous nous en tenons à l’expression de la démocratie en ligne, cela doit-il nous rendre fatalistes quand on constate qu’un pays n’a qu’à couper l’accès aux réseaux sociaux pour empêcher la circulation d’opinions ? 

Les réseaux sociaux peuvent être et ont été, par exemple lors des révolutions arabes, des lieux d’expression et de participation des citoyens favorisant la mobilisation contre des pouvoirs contestés. Comme ils peuvent en effet être des instruments potentiels au service de la démocratie, dès lors la tentation est grande pour des régimes autoritaires d’en interdire l’accès ou d’en bloquer le fonctionnement.

Dans le même temps, dans des démocraties plus installées comme la nôtre, les réseaux sociaux, en tout cas certains d’entre eux, formatent le débat public dans des directions qui peuvent être problématiques car ils favorisent la propagation de fausses informations et celles-ci, quels que soient leurs contenus, constituent un danger pour les démocraties car comme l’a écrit Hannah Arendt, il n’y a pas de démocratie, de débat sans un rapport commun à la vérité or les réseaux sociaux favorisent la segmentation des réflexions, des vérités potentielles et des échanges. 

Mais ils ont aussi considérablement abaissé les coûts de l’expression politique et cela c’est un aspect de leur nature démocratique que l’on ne peut nier. Il y a 50 ou même 40 ans, le citoyen lambda ne pouvait pas prétendre accéder à une visibilité dans l’espace public, alors qu’aujourd’hui c’est le cas. 

CT : Dès lors, la démocratie participative n’est-elle réservée qu’aux démocraties les plus « abouties » ? 

Je dois dire que je n’ai pas suffisamment travaillé sur la manière dont évolue l’espace public dans des régimes autoritaires ou semi-autoritaires, des régimes où les libertés fondamentales sont souvent remises en cause. 

En Chine ou en Russie, on ne peut pas dire qu’il y ait dans les réseaux sociaux possibilité d’une expression réelle de l’opinion publique. 

Les régimes autoritaires utilisent principalement des médias classiques sous contrôle, notamment la télévision, comme instruments de communication et d’information en vue d’influer sur l’opinion publique. Les réseaux sociaux sont en quelque sorte l’arme des faibles et il faut bien souvent faire preuve d’ingéniosité et de courage afin de s’y exprimer librement. Les citoyens qui osent braver la répression se mobilisent en utilisant des voies détournées comme l’humour ou le double langage ou des canaux utilisés plus confidentiels. Dans ces configurations-là, les réseaux sociaux sont des vecteurs de revendications démocratiques. 

Dans des pays qualifiés de démocraties, les réseaux sociaux charrient à la fois du débat et de la viralité que l’on peut considérer comme positifs tout en contribuant à nourrir des espaces de remise en cause de vérités fondamentales, notamment lorsque des groupements saturent l’espace public que constituent ces réseaux sociaux en produisant des effets de masse pouvant donner le sentiment que certains thèmes et discours reçoivent une large approbation. Je suis frappé quand je me hasarde sur un réseau comme Twitter d’être exposé à un grand nombre de tweets émis par des comptes qui n’ont que quelques followers. Or les médias classiques sont très sensibles aux signes qui émergent des réseaux sociaux. Le circuit de l’information de fait ne se fait plus sans les réseaux sociaux. On mesure alors les enjeux à la clef et pas seulement dans les pays peu démocratiques.

CT : Et dans les démocraties les plus « abouties », pensez-vous que la démocratie participative soit vouée à n’être que consultative ?

Les gouvernements ont du mal à légitimer leurs décisions quand une majorité relative suffit pour valider une élection, surtout si cette majorité est faible. Ils sont alors confrontés à la nécessité de se justifier, à défaut d’obtenir le consentement des citoyens parce que ceux-ci sont de plus en plus exigeants, informés tout en étant de moins en moins disciplinés, et tout ceci est plutôt un progrès de la démocratie. 

Donc face à des citoyens plus critiques, il y a deux stratégies envisageables pour le pouvoir. 

Il y a la stratégie qui passe par l’association et la consultation des citoyens, la prise en compte de leur point de vue en amont de la décision, puis par la co-construction de cette décision, ce qui apparaît comme la solution la plus démocratique mais qui nécessite une réelle volonté politique, et ce qui à de rares exceptions près, ne fait pas partie du programme des candidats et candidates.

Et puis il y a la stratégie du passage en force actuellement très prisée par notre propre gouvernement. Le passage en force implique d’avoir recours à des armes, des instruments qui apparaissent aux citoyens comme éloignés de la démocratie. La réaction au 49.3 montre l’allergie qu’une majorité des citoyens ont vis-à-vis de cette position d’autorité que s’attribue le pouvoir, de cette possibilité qu’il se donne de ne pas les écouter. Même si les outils législatifs utilisés par le pouvoir pour faire passer une loi sont légaux, les effets en termes d’image de la démocratie mais aussi du pouvoir sont désastreux car les conséquences sont à la fois prévisibles et imprévisibles. Ce qui est très frappant dans la situation actuelle, c’est que tout le monde s’attend, et très vraisemblablement à juste titre, à ce qu’il y ait dans les urnes, aux prochaines élections, un effet boomerang en faveur de l’extrême droite, comme réponse à une forme de mépris perçu de la part du pouvoir envers le peuple. 

Le précédent gouvernement et l’actuel ont bien tenté d’ouvrir des espaces de discussion mais pour finalement ignorer la plupart des résultats que ces dispositifs de concertation ont produits. Cela a été le cas avec le Grand Débat, la Convention Citoyenne pour le Climat et on verra si le Conseil National de la Refondation (CNR) débouche sur des préconisations. Il faudra se pencher de près sur la trajectoire des propositions qu’il aura générées dans l’action publique et dans les politiques gouvernementales, mais on peut craindre qu’à nouveau, il ne soit pas possible de vérifier que le pouvoir les prend en compte sauf pour celles qui iront dans le sens qu’il attend. On peut par ailleurs douter que ce Conseil National de la Refondation peu connu, peu promu ait suscité beaucoup d’attention et de participation de la part des citoyens. 

CT : Lorsque le résultat d’une consultation ne correspond pas à la feuille de route du pouvoir, cela ne génère-t-il pas une forme de conflit de légitimité pour nos dirigeants ?

Ces démarches mises en scène et utilisées comme stratagèmes de communication peuvent en effet produire des résultats embarrassants pour le pouvoir et ce que l’on constate c’est que ce dernier finit toujours par avoir le dernier mot car ce qui prime c’est la ligne générale du programme porté par le pouvoir élu. C’est d’ailleurs la logique même de la démocratie représentative. Des candidats accèdent au pouvoir après s’être engagés sur des principes, des idées, des programmes qu’ils ne peuvent pas totalement renier une fois arrivés au pouvoir, au risque de trahir les citoyens. Mais dans de très nombreux cas, me semble-t-il, les programmes et les engagements ne sont pas à ce point précis qu’ils n’autorisent pas une certaine latitude et une certaine interprétation. 

Si l’on constate qu’à chaque fois qu’il est mis en place des processus de participation ou de délibération citoyenne, cela ne débouche pas sur des changements ou des possibilités réelles d’influence de la part des citoyens, alors cela remet en cause le principe même de ces démarches de participation. Au cas par cas, on peut comprendre effectivement qu’un pouvoir ne souhaite pas entériner des choix qui sont contraires à ses convictions. Mais ne faut-il pas que quelquefois il y ait démonstration que la parole du peuple compte ? Je ne pense pas que ce dilemme autour du conflit de légitimité soit insoluble.

Et puis quand il y a posture d’ouverture, il faut faire preuve de transparence et aller jusqu’au bout. Prenons le cas du Grand Débat par exemple. Ce qui est apparu comme problématique dans la démarche c’est que, non seulement, il n’y a pas eu de traçabilité ni de prise en compte significative de ce que les citoyens avaient exprimé, mais en plus, dans les discours gouvernementaux qui ont suivi, on a assisté à des prises de position qui apparaissaient comme contraires à ce qui ressortait majoritairement des dispositifs liés au Grand Débat. Donc, là, pour le coup, on peut même dire qu’il y a eu une forme de déni de démocratie. 

La démocratie participative n’est pas une solution miracle mais elle peut parfois permettre aux gouvernants de légitimer certaines de leurs décisions. Elle renforce potentiellement la possibilité pour les citoyens de peser sur le processus de décision, mais en fait cela n’est jamais garanti dans un régime comme le nôtre, qui est fondamentalement représentatif.

CT : Si vous deviez conseiller un Etat dans l’usage vertueux de la démocratie participative quels conseils lui donneriez-vous ?

Il m’arrive de le faire, souvent à l’échelle locale, et quelquefois au niveau national, par exemple j’ai fait partie du Comité de Gouvernance de la Convention Citoyenne pour le Climat. 

Il y a plusieurs principes, me semble-t-il, qu’un pouvoir doit respecter lorsqu’il met en place ces dispositifs. Il faut qu’il mobilise des moyens, du temps, que la délibération soit réelle, que les citoyens soient informés de manière contradictoire sur les enjeux. Il faut aussi qu’il soit envisagé des suites à ces démarches de participation. Même si le pouvoir a le droit de ne pas suivre ce que les citoyens préconisent, quitte à argumenter sur le pourquoi, il doit rendre des comptes. 

La démocratie participative ne doit pas être un gadget, elle suppose une forme d’ingénierie. Il ne suffit pas de mettre en place une plateforme où les citoyens peuvent s’exprimer ou d’organiser une réunion publique pour qu’un processus de participation se mette en place. 

Je fais partie de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) qui est une autorité administrative indépendante. Idéalement, le débat devrait se faire sous l’égide d’acteurs indépendants du pouvoir et cela le pouvoir au sens large, justement, a du mal à l’accepter. Les objections et les craintes sont variées et se situent à plusieurs niveaux, pas uniquement au sommet. 

Il y a déjà le sentiment qui est assez largement partagé par les élus, notamment ceux des générations les plus anciennes, que les citoyens ne peuvent pas avoir de légitimité à s’exprimer dès lors que la seule légitimité concevable, c’est celle que les urnes leur ont donnée à eux. Il y a une sorte de refus politique d’admettre la possibilité même d’une intervention citoyenne dans les mécanismes de la démocratie représentative. De nombreux parlementaires ont par exemple exprimé très clairement leur défiance vis-à-vis d’un instrument comme la Convention Citoyenne pour le Climat. 

Il y a aussi les résistances exercées par les experts, les techniciens de l’action publique, certaines instances dont les savoirs produisent un travail, des rapports sur lesquels se fondent les décisions prises par le pouvoir. Il leur est souvent difficile d’admettre qu’il faille écouter des paroles citoyennes fondées sur d’autres registres de savoirs que les leurs, des savoirs liés à l’expérience ou aux émotions, d’autant que ces experts et techniciens de l’Etat sont souvent éloignés des citoyens. Pourtant, quand les échanges se passent, j’ai pu observer que ces technos pouvaient finir par reconnaître la valeur ajoutée des éléments générés par les discussions et qu’ils pouvaient même pour certains se convertir en militants de la démocratie participative. 

Et il y a les groupes de la société civile organisée, les associations, les corps intermédiaires comme les syndicats, qui ne voient pas toujours forcément d’un bon œil le fait d’être court-circuités par le pouvoir dans sa démarche d’aller chercher directement les citoyens sur des sujets dont ils s’estiment en charge. 

Donc tout cela a à voir avec nos mentalités mais aussi avec le droit. On est dans un droit qui ne reconnaît l’impératif participatif qu’à la marge, en ne concédant que très peu de prérogatives à la société civile. On voit souvent, par exemple, des préfets invalider les délibérations de collectivités locales ou de maires qui essaient d’étendre le domaine de la participation des habitants dans leur commune. 

Il faut non seulement qu’il y ait une volonté politique d’ouverture à ces thèmes et de pédagogie afin d’abaisser les obstacles culturels mais également adapter les outils législatifs et institutionnels.

CT : Comment voyez-vous évoluer la démocratie participative et la civic tech en particulier ?

Les chercheurs en sciences sociales, et en particulier en sciences politiques, ont beaucoup de mal à anticiper l’avenir. Ce que l’on peut faire, c’est pointer des tendances générales. Alors, quelles sont ces tendances ? 

Je pense qu’il y a coexistence de deux processus qui peuvent paraître comme antagonistes ou contradictoires.

Par certains aspects, on voit une sorte de renforcement de l’impératif participatif. Quand on avait utilisé ce terme il y a une vingtaine d’années avec mon collègue Yves Sintomer, cela désignait la diffusion d’une norme qui valorise la participation des citoyens, qui dit que celle-ci est absolument nécessaire, et qui fait qu’aujourd’hui, dans un certain nombre de domaines, il est difficile de ne pas envisager cette participation lorsqu’on est au pouvoir. C’est une sorte de référence obligée de l’action publique. Cela, c’est une première tendance. 

On assiste également à une sophistication des outils, des savoirs relatifs à la participation. La civic tech a multiplié l’arsenal des instruments possibles de la participation. On peut mettre en place des dispositifs hybrides, multiples, en ligne, hors ligne. On a tout en magasin pour faire de la participation. Pour ma part, je dirige un master d’ingénierie de la concertation à la Sorbonne et on forme des professionnels qui ont une très grande efficacité opérationnelle. Et les innovations se multiplient dans ce domaine pour mieux inspirer les acteurs. 

Dans le même temps, si l’on replace ces tendances en perspective des processus d’arrière-fond, ceux qui sont liés à des évolutions plus structurelles de nos sociétés, alors on réalise que le défi à relever est conséquent. 

J’ai du mal à penser par exemple qu’on pourra facilement faire de la participation à propos des usages de l’eau ou d’autres ressources essentielles qui vont devenir de plus en plus rares et qui mettront en jeu des intérêts de plus en plus puissants. Dans une situation de lutte pour les ressources impactées par le changement climatique, par l’érosion de la biodiversité, il va être de plus en plus difficile de maintenir des formes de dialogue, de concertation. Je ne suis pas sûr qu’on puisse encore longtemps faire vivre la démocratie dans un monde dont l’environnement naturel est à ce point bouleversé. Les heurts à Saint-Soline autour des méga-bassines ne sont qu’un exemple de ce à quoi on risque d’assister de plus en plus souvent, c’est-à-dire des affrontements, des attitudes de guerre, plutôt que des démarches de concertation. Le récent projet de loi sur l’industrie verte qui prévoit de restreindre la possibilité pour la Commission Nationale du Débat Public d’organiser des débats au nom de l’efficacité économique, au nom de l’accélération des projets, montre encore une fois que l’on est en train de sacrifier la participation au nom de l’économie. 

Et c’est dommage, parce qu’on n’est pas en train de mettre place les cadres qui permettront, par exemple, la promesse, plus ou moins sincère, de planification écologique. Pourtant, il parait indispensable de créer des espaces de délibération sur l’usage de certaines ressources, sur les modes de vie et les modes de production compatibles avec les contraintes environnementales, car cela nous concerne tous. 

Soyons clairs, les raisons d’être pessimistes l’emportent sur celles d’être optimistes mais on se doit d’y croire et les nouvelles générations nous surprendront peut-être. Les réseaux sociaux auxquels elle sont addictes peuvent se révéler être un puissant moteur de mobilisation comme mentionné auparavant. La prise de conscience « qu’on est tous dans le même bateau » est toujours possible à large échelle. Ce qui est nécessaire c’est de favoriser les débats contradictoires et l’ouverture à tous les endroits de la société, en famille, à l’école dès les petites classes, dans son quartier, dans sa ville, au travail, sur les plateaux de télévision ou des plateformes ou bien encore avec les élus. Il faut pouvoir confronter les variétés de points de vue, les expériences afin d’élargir nos horizons respectifs malgré la pression généralisée à vouloir nous isoler dans nos bulles, dans nos environnements et nos déterminismes supposés. En dépend la sauvegarde de nombreuses démocraties, voire celle du politique au sens le plus noble du terme.

Références :

Le tournant délibératif de la démocratie – sous la direction de Loïc Blondiaux et Bernard Manin – Avril 2021, Presses de Sciences Po

La démocratie des émotions – Loïc Blondiaux , Christophe Traïni – Mars 2018, Presses de Sciences Po


Interview

Législatives 2022 et Innovation Démocratique

4 mai 2022 • By

Devenir députée sans parti en emmenant les habitants avec soi

Entretien avec Quitterie de Villepin

Quitterie de Villepin, candidate indépendante, se présente à la députation de la 2ème circonscription de Paris qui comprend les 5ème, 6ème et 7ème arrondissements.

Particularité de son programme : mettre en place un mandat délibératif qui engage les citoyennes et les citoyens de manière continue dans la co-construction de la loi et la prise de décisions les concernant.

Une consultation dont les résultats étaient dévoilés le 17 avril a révélé que 73% des personnes ayant répondu se porteraient volontaires pour participer au travail parlementaire auprès de leur future députée. 

Le projet a comme ligne de mire de contribuer à ce que la France tienne ses engagements en matière de développement durable comme elle y avait souscrit auprès de l’ONU ainsi que lors de l’Accord de Paris en 2015.

Civic Techno : Quitterie de Villepin, vous vous présentez aux Législatives sans parti derrière vous mais non sans expérience civique et politique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai en effet de longues années d’expérience et d’engagement politique, associatif et professionnel sur les questions de justice sociale et environnemental ainsi que sur le sujet des innovations démocratiques.

J’ai aussi pris part à l’expérience #MaVoix en 2017 qui avait pour objectif de hacker l’Assemblée Nationale en faisant élire des électrices et électeurs volontaires et tirés au sort qui s’engageraient à voter vraiment comme leurs électeurs le souhaiteraient. 

Par ailleurs j’ai initié en 2020 le programme Investies qui avait pour ambition de faire émerger une nouvelle génération de femmes politiques bien préparées à affronter les grands enjeux actuels que ce soit en politique ou dans la société. Car curieusement actuellement les femmes en politique ont moins de poids au gouvernement que par le passé, d’autant que la plupart sont issues de la société civile alors que les hommes eux sont pour la plupart passés par des partis.

Et j’ai également été militante au sein de l’UDF/Modem et ai donc une connaissance réelle des pratiques d’un parti traditionnel avec tout ce que cela comporte d’exaltant, de constructif, mais aussi de décourageant par moments. 

Il y a une certaine pudeur en France au sein des ONGs, des mouvements associatifs et même dans l’écosystème de la démocratie délibérative à vouloir s’engager en politique. Il existe une frontière réelle entre les deux mondes et les activistes ne connaissent bien souvent pas les codes du second. Pourtant même s’il est louable d’outiller les responsables, les élus, pour leur permettre d’appréhender un certain nombre de sujets, cela revient bien souvent à ne faire que ce qu’on peut appeler du « démocratie washing », alors autant aller soi-même au-devant des habitants et se confronter à leurs réalités, leurs attentes afin de mettre en pratique sa propre expertise.

C’est cette combinaison d’expériences, de réflexions, couplée à une passion pour les innovations démocratiques qui m’ont conduite au projet actuel, c’est-à-dire à me présenter comme députée non inscrite pour pratiquer une démocratie inclusive à mon niveau en donnant la possibilité aux habitants et habitantes de ma circonscription de prendre part à des agoras délibératives qui puissent accompagner mon travail d’examen, de participation à l’élaboration des lois et à leur vote.

Civic Techno : Comment voyez-vous la politique évoluer ? Faut-il faire le deuil de certains de ses aspects ?

Même si on doit être infiniment reconnaissante à certains partis pour la permanence des idées, pour les avancées sociales qu’ils ont contribué à établir et notamment à l’écologie politique qui nous alerte depuis longtemps, je ne pense pas qu’il y ait d’issue purement partisane. L’éprouvé de nombreux militantes et militants entre les élections n’est pas bon. Dans un parti, on passe son temps à organiser des élections internes dans une mise en concurrence permanente des prétendants, à préparer des échéances électorales sans parfois réfléchir à leur bien fondé. Pendant que l’on s’investit pour le parti, que l’on donne de son temps, de son énergie, que des gens tout à fait câblés travaillent ensemble à produire des rapports basés sur des données de terrain, des collaborateurs plus proches du chef à plumes font exactement le même travail que vous, des « think tanks » sont consultés et leurs idées de modélisation du futur finissent par prendre le dessus. Il y a donc du gâchis de compétences, de créativité, ce qui crée du non-sens et finalement érode la fidélisation des militantes et militants. Comment générer du collectif ainsi ? 

Selon moi, on ne peut plus faire de la politique sans la société civile. D’ailleurs à chaque fois que l’on fait vivre une réalité démocratique différente à une population, cela propage les expériences, que ce soit Saillans dans la Drôme même si elle n’a duré que six ans, les diverses initiatives qui ont essaimé en Argentine, avec Podemos en Espagne ou encore l’utilisation de la plateforme open source Decidim par plusieurs villes et gouvernements locaux à travers le monde.

Ceci dit, il va forcément falloir passer par une période de transition car on a besoin de personnes expérimentées pour faire une transmission de culture. Mais malgré tout, les partis doivent accepter de s’auto-réguler pour faire de la place à d’autres formes de participation. Le Printemps marseillais est un bon exemple où l’on a vu de nombreux citoyennes et citoyens non-encadrés s’allier avec des partis pour gagner la mairie de la ville en 2020.

Il faut reconnaître que les citoyennes et citoyens sont intelligents quand le processus l’est aussi, mais il faut également faire confiance. Si le gouvernement de l’époque avait pensé à consulter les gens avant de décider arbitrairement de faire peser le poids de la taxe carbone en grande partie sur les plus précaires, peut-être que nous n’aurions pas eu de mouvement des Gilets Jaunes ?

Civic Techno : Pouvez-vous nous parler plus en détail de la manière dont vous comptez engager les citoyens si vous êtes élue députée de la 2ème circonscription de Paris ?

Si je suis élue députée de la République française le 19 juin prochain, hors parti, mon idée est d’installer le premier mandat délibératif natif. Il s’agit d’établir un nouveau type de rapport élue/administrés où les citoyennes et citoyens sont acteurs dans la fabrique de la loi. Notre consultation a montré que 80% des personnes ayant répondu considèrent que le lien avec leur député est inexistant. Donc, l’idée c’est d’abord de créer une proximité pour être au plus près des attentes des habitantes et habitants. 

Les personnes sont invitées à venir délibérer des lois pendant les cinq années du mandat, soit entre 2022 et 2027. Mais ce n’est pas tout le monde, tout le temps, cela doit être géré et organisé. 

On compte utiliser une plateforme numérique qui sera purement consultative pour permettre aux 72 000 personnes de plus de 16 ans habitant la circonscription d’apporter leur contribution. 

Le travail de suivi, d’élaboration, d’amendements des lois, lui, se fait avec un plus petit nombre de personnes sous forme d’une agora délibérative ordinaire. Elle est composée de 100 personnes tirées au sort parmi celles qui se seront portées volontaires lors de la consultation et en cours de mandat. Ce groupe se réunit afin de travailler sur le temps long de chaque session parlementaire (de septembre à juillet). Ces 100 personnes sont renouvelées chaque année pour donner l’opportunité à un maximum de profils différents de participer. 12 personnes font elles partie de ce que nous avons appelé le groupe opérationnel ; elles sont rémunérées pour travailler avec moi en présentiel et on se réunit plus fréquemment, un jour par semaine. Ce groupe est renouvelé tous les deux mois. Enfin, nous constituons également un groupe de 6 garant(e)s chargé(e)s de contrôler le travail de la députée et la bonne marche de l’Agora délibérative ordinaire, avec au côté de ces 6 personnes, 3 expert(e)s. Ce groupe-là change une fois par an. Enfin il faut savoir qu’à partir de 1000 demandes provenant des habitantes et habitants – y compris bien sûr parmi celles et ceux qui ne sont pas engagé.es dans le dispositif –  une agora délibérative extraordinaire sera constituée afin de permettre la délibération autour d‘une grande loi. 

Nous avons développé ce concept de mandat avec des étudiants du Master Ingénierie de la Concertation dirigé par Loïc Blondiaux à la Sorbonne, avec Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel et des passionnés de participation citoyenne. Donc nous avons réuni beaucoup d’expertise, et un œil neuf dans la création de ce concept.

Les habitantes et habitants seront invités à faire plusieurs choix qui structureront le mandat, notamment à choisir au jugement majoritaire la commission permanente dans laquelle elles et ils souhaitent que je siège sachant qu’il y en a huit actuellement à l’Assemblée. 

La commission Développement Durable est celle qui ressort en premier dans notre consultation. Affaires Culturelles et Education vient en deuxième position. 

Il s’agira alors pour moi d’aller voir le président de ladite commission et de lui dire « Chère … ou Cher …, sachez qu’il y a 3000 personnes qui veulent me positionner là-dessus, alors je pense que vous n’avez pas trop le choix que de me laisser y siéger ».

Peut-être que les habitantes et habitants souhaiteront que je rejoigne un groupe parlementaire donné ou peut-être pas.

Dans tous les cas, il faut tenir parole. Si je suis élue, la mise en place de l’Agora sera immédiate. La plateforme est prête à être déployée en dix jours, on a les données de contact de celles et ceux intéressés à y prendre part.

On est entre le mandat représentatif et le mandat impératif. La délibération doit permettre d’expliquer pourquoi les votes se font, en connaissance de cause, ce qui permet à tous de monter en compétence. Et de mon côté je dois justifier mon vote au regard de ce que j’ai entendu lors de la délibération, au regard du cadre que je me suis fixé et auquel les citoyennes et citoyens ont adhéré dans la campagne. Cependant, s’il s’agit de représenter et de donner de la place aux personnes investies et vivant dans la circonscription, il ne s’agit pas de voter contre mes propres convictions, il faut donc qu’il y ait eu transparence dès le départ.

Copie d’écran du site https://avecquitterie.fr/

Je me permets de préciser aussi une autre particularité innovante de la campagne c’est notre décision de plafonner les dons destinés à nous financer à 750 euros au lieu des 7500 euros autorisés pour un parti et des 4600 euros pour une campagne, ceci afin que ce projet soit porté par un grand nombre de personnes. Nous nous sommes inspirés pour cela de ce qui s’est fait autour des campagnes de Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez ou Larrie Lesig aux Etats-Unis et également des recommandations de Julia Cagé qui sont toutes et tous dans une démarche visant à ce que le financement de la politique ne dépende pas principalement des entreprises, des lobbies ou encore principalement des gens aisés, lesquels sont aujourd’hui favorisés en France par le régime fiscal. La collecte a été jusqu’à présent un succès et elle nous a notamment permis d’assurer l’envoi de nos documents de campagne dans les boîtes aux lettres des habitantes et habitants de la circonscription et de louer une permanence de campagne depuis maintenant 4 mois.

Nous recevons d’ailleurs des coups de fil d’autres candidats et candidates qui nous demandent comment on fait et on partage volontiers car nous tenons à ce que les initiatives de démocratie participative se multiplient. Nous documentons pour cela tout ce que l’on fait au fur et à mesure pour que ce soit disponible à tous ces visages nouveaux qui nous l’espérons émergeront pour siéger autrement à l’Assemblée.

Civic Techno : Pensez-vous que votre programme réponde aux aspirations des habitants de votre circonscription ?

La première caractéristique de cette circonscription est son capital éducatif et culturel élevé. Le nombre de diplômés, d’étudiantes et étudiants, d’écoles, de facultés, de musées, galeries, lieux de pouvoir au mètre carré est impressionnant. Sans compter les sites emblématiques comme la Tour Eiffel, Saint-Germain plus les commerces, les restaurants qui y attirent des millions de touristes par an. 

Cela parait le lieu idéal pour essayer d’inventer quelque chose de nouveau qui plus est autour des enjeux cruciaux que sont la lutte pour la défense de la planète et contre les inégalités. 

Ces enjeux n’ont pas à faire l’objet d’un programme spécifique de ma part car il existe deux textes très importants de 2015 qui s’ils sont appliqués peuvent permettre de résorber la plupart des défis qui se posent à nous collectivement. Il s’agit des 17 objectifs de développement durable préconisés par l’ONU à mettre en place à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris, deux textes que la France s’est engagée à respecter et à prendre en compte dans ses décisions politiques. Donc c’est ce qui nous sert de boussole.

On peut se dire que dans une circonscription à priori classée principalement à droite, ces sujets ne sont pas prioritaires. Mais en fait quand on discute avec les habitantes et habitants, on constate, qu’au niveau individuel, ces préoccupations comptent. Par exemple, un vieux monsieur qui ne vote pas pour les Verts car il ne comprend pas leur langage, leurs codes, va tout de même s’inquiéter pour ses petits-enfants car il se demande sur quelle planète ils vont vivre demain.

D’ailleurs les plus de 1000 réponses à la consultation que nous avons lancée ont clairement positionné ces sujets en tête.

Depuis quelques années, la société s’horizontalise avec Internet, les « nous » d’avant se délitent et les multiples « je » avec toutes leurs singularités ont vocation à se faire entendre. C’est cela l’enjeu de la démocratie délibérative.

Et si l’urgence climatique semble s’imposer pour toutes et tous, il faut prendre en compte les diverses perceptions du problème pour faire les changements nécessaires, et c’est là que le local est intéressant car les avancées concrètes se font par la multiplication de petites initiatives, surtout quand elles ont été expliquées, débattues. 

On ne peut pas imposer par de grands discours, d’autant que la réalité ici et là oblige parfois à reculer après avoir fait des avancées.

Si de nombreuses personnes pensent que cela n’est pas la priorité, c’est aussi que les politiques eux-mêmes n’en font pas leur priorité.

Les objectifs de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030

Copie d’écran du site https://avecquitterie.fr/

Propos recueillis par Amina-Mathilde N’Diaye, consultante en communication politique, spécialisée dans les civic tech et éditrice du média Civic Techno


Interview

« Faire gagner la démocratie », la campagne de plaidoyer de Démocratie Ouverte pour la Présidentielle de 2022

18 mars 2022 • By

Hanieh Hadizadeh est porte-parole et chargée de campagne chez Démocratie Ouverte, un collectif qui fédère des innovateurs démocratiques et qui a notamment contribué à mettre en place « La Convention Citoyenne pour le Climat ». 

Démocratie Ouverte mobilise ses réseaux pour porter la question du renouveau démocratique et  des institutions et souhaite que les candidats à la présidentielle s’engagent à mettre en place une  série de mesures dès les 100 premiers jours du quinquennat.  

Démocratie ouverte lance la campagne “Faire gagner la démocratie”, quel est le point de départ de la démarche ? 

Démocratie Ouverte est une organisation qui regroupe aujourd’hui quelque 1000 membres et existe depuis 10 ans. Parmi nos adhérents, il y a aussi bien des élus et des collectivités avec lesquels on travaille sur les sujets de démocratie directe, des bénévoles, des innovateurs démocratiques, des associations, des civic tech. Nous les mobilisons tous afin de faire du plaidoyer politique, c’est à dire que l’on essaie de pousser nos sujets auprès des élus et cette année en particulier auprès des candidats et des partis qui sont dans la course pour la présidentielle et les législatives.  

Par ailleurs on a monté une grande campagne de communication pour mieux faire connaître Démocratie Ouverte et tous ces acteurs, les initiatives existantes et les solutions que l’on a contribué à faire émerger.  On est partis du constat que les graves crises que nous traversons ne peuvent pas se résoudre aisément s’il n’y a pas plus d’implication des citoyens, lesquels se désintéressent pour beaucoup, voire sont de plus  en plus hostiles aux décisions décidées par les gouvernements. 

Donc on s’est dit que 2022 était une fenêtre de tir unique. Cela fait dix ans qu’on développe des solutions au quotidien. On les voit  fonctionner sur le terrain ça et là, on sait que les solutions existent, il faut juste une volonté politique alignée pour les faire émerger à plus grande échelle. 

À titre personnel, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager chez Démocratie  Ouverte ? 

Mon parcours est assez représentatif de celui de beaucoup de militants venant des sphères de luttes  environnementales et sociales. J’ai évolué dans l’ESS, j’étais chez Makesense, où j’avais co-fondé la partie “Média et Événements” et développé la partie animation de communautés. Venant d’une famille très politisée, je m’étais dit que je me dirigerais plutôt vers la culture ou l’associatif. Et puis, petit à petit, je me suis rendu compte que tout ce que l’on porte se heurte à un moment donné à des décisions qui sont prises sans nous, à l’image de ce qui s’est passé autour de la COP 26 pendant laquelle de grandes résolutions ont été prises et se sont heurtées à la réalité de l’impuissance politique de nos gouvernements. Puis il y a eu aussi pour moi le choc de l’élection de Donald Trump qui a démontré que nos démocraties occidentales n’étaient pas à l’abri d’élections de candidats venant des extrêmes pour le poste suprême. 

Puis pendant le confinement, avec 60 autres femmes, on a monté le programme « Investies » afin  d’entraîner les femmes à évoluer dans le champ politique qui est particulièrement violent. Il n’y a que deux ans que je suis moi-même entrée dans la sphère politique par le biais de Démocratie Ouverte et dans une envie partagée de porter avec d’autres mouvements, d’associations des plaidoyers autour de la justice sociale, environnementale et du renouveau démocratique. L’objectif pour nous est d’interpeller les candidats, les politiques, les médias, la société civile, provoquer des auditions, faire du plaidoyer politique pour valoriser l’innovation démocratique.

Quels sont les objectifs de Démocratie Ouverte par rapport aux décideurs ? Souhaitez-vous des soutiens concrets de leur part pour vos actions ou avez-vous la volonté de faire changer les lois ? 

Clairement, ce que nous souhaitons c’est changer les lois, changer les institutions, sortir de ce  présidentialisme à bout de souffle. Et pour cela, on s’est donné plusieurs objets de plaidoyer et plusieurs  temporalités.  

Le premier objet, c’est un “Pacte pour la Démocratie”, un pacte d’urgence. Pour ce pacte-là, on travaille depuis septembre dernier avec plusieurs autres associations et ONG. On a rédigé un ensemble de  mesures qui ont été soumises à consultation auprès du grand public afin d’en extraire les plus urgentes et qui font consensus. Ce pacte-là, nous souhaitons le soumettre à signature, en tout cas interpeller les  candidats et les partis en disant “Voici les mesures qui nous semblent urgentes à implémenter pour le  renouveau de nos institutions, pour redonner confiance, accélérer la participation citoyenne aux décisions  publiques » et obtenir qu’ils engagent le débat ou qu’ils s’engagent tout court.  

La mesure que l’on veut dans tous les cas, c’est une Convention Citoyenne pour la Démocratie. Alors, soit on arrive à l’obtenir du prochain président ou de la prochaine présidente, soit on continuera de mettre tout  en œuvre pour la faire advenir. Et pour que cette Convention Citoyenne pour la Démocratie commence déjà à prendre forme, on organise partout en France des Assemblées pour la Démocratie, ouvertes à toutes et à tous. On travaille avec les associations locales, avec les élus et les collectivités dans le but d’accompagner les citoyens à prototyper les ou leurs solutions pour la démocratie. Comme par exemple la création d’une fresque de la démocratie qui dans l’exercice de sa réalisation donne à voir toutes les strates, les corps intermédiaires, les contre-pouvoirs, le niveau d’élection, du plus local au plus national. Lors de ces exercices les participants se rendent compte de la complexité de nos institutions et de la difficulté à avoir une démocratie plus ouverte. Et on les  accompagne dans l’identification des nœuds mais aussi des leviers d’action tout en leur indiquant comment ils peuvent interpeller les médias ou leurs élus afin qu’ils s’associent à la démarche. 

« 84 % des Français demandent à prendre une part plus importante dans le processus de prise de décision politique »  

Extrait de la tribune “Un nouveau modèle démocratique est possible” publiée dans le journal le Monde le 25 février 2022 

Vous avez ce réseau de 1000 personnes, comment faites-vous concrètement pour les  mobiliser ? Existe-t-il différents niveaux d’engagement ?  

C’est un réseau qui fédère de nombreux acteurs très différents que l’on essaie de faire travailler ensemble. Cela passe par de l’animation de communautés, de cercles : cercles projets, territoires, innovateurs démocratiques, la plupart du temps menés par des bénévoles. On a un gros pôle animation de communautés, qui va communiquer, former et accompagner tous ces différents publics avec parfois des  élus bénévoles ou qui font partie de notre conseil d’orientation stratégique. Cela va de la newsletter à des programmes de formation, à des équipes de mobilisation qui vont faire monter nos bénévoles en compétence comme aujourd’hui sur la campagne. Par exemple, on a des bénévoles qui travaillent sur la  notation des programmes présidentiels. Ils ont passé au crible le volet démocratique des propositions des  candidats et souhaitent les interpeller sur l’écart entre les attentes citoyennes et leurs propres propositions. Un autre cercle d’une cinquantaine de personnes s’occupe de cartographier toutes les initiatives de démocratie participative sur l’ensemble du territoire afin de les mettre en lumière et favoriser leur essaimage. Et on a des bénévoles qui travaillent à des fins de mobilisation avec actuellement sur la période de la présidentielle et des législatives en aidant à organiser des assemblées locales, des “Democracy Happy Hours”, grâce à un kit de mobilisation qui permet à un bénévole d’aller très facilement dans son bar ou lieu culturel préféré et organiser des heures de discussions. Ce qu’on aimerait à terme, c’est qu’une organisation comme la nôtre soit considérée par l’ensemble des citoyens comme aussi nécessaire que ces grandes ONG qui se battent pour contre la faim dans le monde, pour la protection des fonds marins ou la liberté de la presse car on ne peut pas se permettre de baisser la garde dans le combat pour plus de démocratie et d’inclusion sociale. 

Comment s’est organisée votre consultation numérique de janvier-février 2022 ? 

La consultation numérique a commencé mi-janvier et s’est achevée le 14 février. On y a listé les 20 mesures rédigées après de longs mois de travail et demandé aux participants de noter ces 20 mesures en fonction du degré d’urgence, d’importance et de maturité que chacune représente. On a également demandé si chaque mesure doit être dans le pacte final ou être renvoyée à la Convention Citoyenne pour la Démocratie. La consultation a aussi une visée informative pour inciter les citoyens à en apprendre davantage, par exemple sur les nouveaux modes de scrutin. Elle permet aussi d’initier le débat avec les médias.  À l’issue de la consultation, les résultats ont été dépouillés et classés et on a retenu 6 mesures jugées comme les plus urgentes, les plus nécessaires et les plus matures et avec lesquelles nous interpellons les candidats aux élections par le biais d’une tribune publiée par le Monde le 25 février dernier et signée avec 300 autres signataires (ONG, associations, militants, sociologues, politiques, soutiens de la société civile). Nous avons d’ailleurs l’intention d’organiser un événement public fin mars à Paris auquel nous inviterons tous les candidats. 

Quels retours d’expérience retenez-vous de l’organisation de la Convention Citoyenne pour le Climat pour de futures Conventions Citoyennes ?

La première leçon retenue c’est que l’on doit tout faire pour s’assurer que ce sur quoi les citoyens vont  travailler va pouvoir se mettre en place, que les promesses seront tenues.  

On est confiants sur le fait que le prochain président aura envie de mettre en place une Convention. Mais  notre but est que celle-ci soit suffisamment autonome pour pouvoir déclencher un Référendum d’Initiative Citoyenne. La Convention Citoyenne sur le Climat a démontré que si l’on donne le temps aux citoyens de se former,  d’avoir des experts qui viennent leur donner des avis contradictoires, alors au bout de neuf mois, ils sont capables de rendre des décisions éclairées et reconnues par le corps scientifique ou par des experts comme ceux du GIEC. Un autre constat que l’on a pu faire c’est qu’on n’a pas besoin d’être expert pour pratiquer la démocratie.  Cependant un seul débat ne réglera pas le problème, il faut pouvoir instaurer une démocratie continue et permanente qui inclut tant des conseils de quartiers que des référendums d’initiative citoyenne.  La convention citoyenne n’est pas une baguette magique, elle doit servir à fédérer, à faire le lien entre le local et le national, à favoriser des espaces de débat, de contradiction et à faire en sorte que les décisions prises à un moment donné par les instances dirigeantes soient plus justes pour la majorité. 

Pour en savoir plus sur la campagne, rendez-vous sur https://fairegagnerlademocratie.fr/

Le dimanche 27 mars de 10h à 18h à l’Agora de Belleville Démocratie Ouverte un événement pour interpeller les candidats, débattre, et construire ensemble le futur de la démocratie.

Pour vous inscrire rendez-vous sur le site ou leur la page Facebook de Démocratie Ouverte.

Propos recueillis par Amina-Mathilde N’Diaye, consultante en communication politique, spécialisée dans les civic tech et éditrice du média Civic Techno


Ils font la Civic Tech, Interview

Crise sanitaire : les CivicTech en 2021 selon Make.org

3 février 2021 • By
2021 : dépôt de bilan pour les CivicTech ?
2021 : dépôt de bilan pour les CivicTech ?

1 – Bonjour Axel (Dauchez), il y a un moment que je n’avais pas pris de tes nouvelles et de celles de Make.org. J’ai vu que vous aviez sorti plein de super projets : peux-tu nous en dire plus sur le Make 2020, comment vous en êtes arrivés là et ce que vous avez dans les cartons pour l’avenir ?

Malgré la situation sanitaire et la crise, l’année 2020 a été très riche en initiatives pour Make.org, avec toujours cette volonté de faire notre part au service de l’intérêt général.  Nous avons lancé la Grande Cause pour la Protection de l’Enfance en septembre dernier au Ministère de la Santé et des Solidarités. Cette grande mobilisation pour protéger les enfants contre toutes les violences a recueilli plus de 4 300 propositions, ce qui montre que les citoyens ont envie de s’exprimer sur ce sujet crucial pour notre société. Nous avons également réalisé une consultation importante sur la mode responsable. Ce fut un franc succès avec 107 000 participants mobilisés pour encourager les professionnels et consommateurs à rendre cette industrie plus durable.  En cette année si particulière, nous avons également réalisé, avec la Croix Rouge française, WWF France, Groupe SOS, Mouvement UP et Unis-Cité, la plus grande consultation sur “Le Monde d’après”. Plus de 165 000 citoyens se sont exprimés et ont émis le nombre record de 20 000 propositions pour construire ensemble la société de demain, plus résiliante et solidaire.

Grande cause Make.org : Améliorer les conditions de vie dans notre territoire.

Les ambitions pour l’avenir sont nombreuses. Nous allons lancer notre prochaine Grande Cause sur le thème des territoires au début de l’année prochaine, en amont des élections régionales.

2 – J’aimerais avoir ton avis : penses-tu que la Civic Tech a pris en France ? L’écosystème des technologies civiques aujourd’hui est-il au niveau de l’espoir que nous portions tous dans ces nouveaux outils démocratiques ? Peux-tu me citer des réussites ? Des échecs ?

La Civic Tech est indéniablement en plein foisonnement aujourd’hui en France. Les mobilisations citoyennes, dans leur diversité, passent désormais quasi systématiquement par des usages numériques. Il y a un double mouvement : d’un côté la prise de conscience, à tous les niveaux de la décision politique, de la nécessité de consulter les citoyens et de l’autre, l’envie grandissante des citoyens de participer activement à la vie démocratique. Les Civic Tech permettent cette dynamique, cette réintermédiation sans laquelle il est aujourd’hui quasi impossible de recréer du lien à un niveau important. C’est en cela qu’elles sont au cœur du renouvellement démocratique.

Logo Make.org

Parmi les réussites de Make.org qui attestent de l’importance du poids des Civic Tech, je pense particulièrement à la consultation WeEuropeans que nous avons menée en 2019. C’était un véritable défi car il s’agissait de la plus grande initiative civique jamais menée en Europe. Elle a permis de toucher plus de 38 millions de personnes sur tout le continent. Un Agenda citoyen a été créé sur la base des propositions qui ont été faites par les citoyens, qui a servi de support aux engagements d’action pris par 200 partis politiques de tous les pays de l’Union européenne, ainsi que de grandes organisations de la société civile européennes.

Actuellement, les institutions européennes prévoient de lancer une grande Conférence sur l’avenir de l’Europe. Selon moi, c’est une initiative cruciale pour la démocratie en Europe, peut-être la dernière chance de répondre à la promesse d’une “Europe proche des Européens”. Les enjeux de cette Conférence sont donc immenses et je plaide pour qu’elle s’appuie sur des outils innovants, accessibles et inclusifs, qui permettront à des millions d’Européens d’y participer et pas seulement quelques milliers de personnes déjà très engagées sur le sujet. Je souhaite sincèrement la réussite de ce projet, car son échec pourrait créer une situation irrémédiable avec une sévère crise de confiance au niveau européen et une déconnexion des institutions.   

3 – Quel rôle les Civic Tech peuvent-elles ou doivent-elles jouer dans une période de confinement ?

Je crois que les Civic Tech jouent déjà un rôle crucial en période de confinement : celui de ne pas laisser place à l’inaction démocratique et civique. Elles peuvent et doivent maintenir le lien entre les citoyens et les décideurs, mais aussi avec l’ensemble de la société civile afin de permettre aux uns et aux autres de s’investir malgré la distanciation sociale. Les confinements sont des moments charnières d’un point de vue politique et de société, ils offrent la possibilité de penser à des solutions pérennes pour l’avenir. C’était exactement le sens de la démarche que nous avons menée pour “Le Monde d’après” : imaginer ensemble les soubassements d’une société résiliante, durable, et épanouissante pour tous.

Axel Dauchez

4 – Crois-tu qu’il y aura à nouveau une explosion du « phénomène » Civic Tech en 2021 dans le cadre des élections départementales ou régionales ? Pour la présidentielle en 2022 ? Sens-tu un nouvel appétit pour ces technologies citoyennes de la part du monde politique ?

Je pense que l’essor des Civic Tech est bien plus qu’un phénomène, il traduit l’émergence d’un nouveau système de pensée et de fonctionnement de la démocratie participative. Ce n’est plus un gadget qu’on met au fond d’un programme ou d’un site. Le recours aux Civic Tech et à la démocratie participative ne va, selon moi, cesser de croître ces prochaines années. On a d’ailleurs vu au cours des différentes élections précédentes que beaucoup de partis politiques ont eu recours au numérique. Il y a eu aussi le Grand Débat national, la Convention citoyenne pour le climat, qui s’est aussi appuyée sur des outils de la Civic Tech… Il y a fort à parier que cela va se répéter à l’avenir.

Toutefois, l’important reste que les Civic Tech soient au service de l’intérêt général citoyen avant tout. C’est un vecteur précieux de mobilisation de la société civile, en dehors de toute échéance électorale et c’est ce qui fait leur force.

Merci Axel


Contributions

CivicTechs : ne cédons pas à la DémoMagie !

17 avril 2018 • By

L’engouement pour les CivicTechs a pris une telle ampleur en France, que parler d’un effet de mode serait sous-estimé : c’est bien à la structuration d’un véritable écosystème que l’on assiste aujourd’hui, et que nous, citoyens, élus, et porteurs de projets, contribuons à construire. Mais dans notre enthousiasme, on oublie parfois que ces outils ne se suffisent pas à eux-mêmes : pour être efficaces, ils doivent être maîtrisés et s’inscrire dans une stratégie globale cohérente, comme compléments et leviers des dispositifs participatifs existants.

 

Un développement rapide et continu

Si les projets de CivicTech ont essaimé de manière exponentielle à l’approche des présidentielles de 2017, la plupart n’a pas périclité une fois les élections passées, comme on aurait initialement pu le penser ; au contraire, leur installation dans le paysage démocratique s’est effectuée naturellement, comme une évidence. Le chemin que les instigateurs de ces projets ont d’abord suivi intuitivement, répondant souvent à des convictions et à des visions personnelles, a ainsi ouvert la voie à la volonté partagée, tant par les élus que par les citoyens, d’expérimenter de nouvelles formes démocratiques.

Les outils développés se distinguent les uns des autres, présentant des “marques de fabrique” plus ou moins notables. On peut à ce jour en identifier quelques sous-ensembles : plateformes de débat et de partage d’idées en ligne ; réseaux sociaux citoyens ; budgets participatifs ; consultation citoyenne mobile et web ; etc. Nées dans la société civile, ces initiatives aujourd’hui structurées en association ou en startup répondent toutes au même objectif : moderniser les institutions et la relation élus-citoyens, en utilisant des moyens technologiques que nous n’avons jamais eus à notre disposition auparavant.

Cependant, à l’aube de l’instauration de nouvelles pratiques démocratiques, certaines questions se doivent d’être posées. Quelles sont nos attentes vis à vis des CivicTechs ? Quelle orientation voulons-nous leur donner ? Les résultats que nous visons sont-ils définis, et réalistes ?

 

Une solution magique ?

Il existe une tendance, en France, et particulièrement en période de crise, à chérir sans tout-à-fait se l’avouer le mythe de la figure politique providentielle : cette femme ou homme d’état qui ferait consensus et viendrait résoudre, grâce à ses compétences et à son charisme seuls, les difficultés que notre société traverse. Une telle figure n’existe pas : ne transposons pas cette attente de providentiel sur les CivicTechs, ne faisons pas l’erreur de penser qu’elles constituent en soi un remède miraculeux qui permettrait de créer une Démocratie Magique, une DémoMagie en quelques sortes. Cela reviendrait à céder au “solutionnisme technologique” que décrit Evgeny Morozov, ce chercheur américain spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technologique et numérique.

Certes, les technologies civiques offrent des opportunités inédites, grâce à leurs fonctionnalités novatrices. Mais l’outil reste un outil ; ce qu’on en fait demeure la clef. Les CivicTechs constituent avant tout un moyen ; pas une fin en soi. Elles sont un levier, qui permet d’aller plus loin dans le jeu démocratique ; pas une solution miracle qui viendra combler les manquements de notre système. Elles doivent s’intégrer en complémentarité avec les formes traditionnelles de participation citoyenne ; pas se substituer au présentiel, aux conseils de quartier, aux enquêtes publiques.

La participation citoyenne est un travail de fond : elle se construit dans le temps, par la cohérence, la complémentarité, et la bonne coordination des actions menées. Les outils numériques viennent augmenter les moyens existants, mais doivent être intégrés dans une méthodologie globale pour être efficaces, et ce, sur le long cours. Avant d’en faire usage, il est particulièrement important de bien les comprendre, et de les maîtriser. La qualité du contenu dans l’interaction avec le citoyen, de même que la capacité à capitaliser sur la communauté utilisatrice, sont par exemple des facteurs déterminants pour établir une relation élu-administré solide. La collectivité peut choisir d’être accompagnée, afin de bien prendre en main les nouveaux enjeux qui se posent et de maximiser les chances de mise en oeuvre concluante du dispositif.

 

Plus d’audience, de rétention et d’implication

Concrètement, quel est l’apport des CivicTechs par rapport aux formes traditionnelles de participation citoyenne, et en quoi viennent-elles augmenter le champ de la démocratie participative ?

L’un de leurs atouts-clés tient dans leur capacité à toucher des audiences considérablement agrandies, qui incluent des profils habituellement éloignés des dispositifs participatifs traditionnels, notamment les jeunes générations et les actifs. En diversifiant et en élargissant la part de citoyens contributeurs, les CivicTechs dynamisent le champ de la participation citoyenne et accroissent son rayonnement.

Par ailleurs, leur faculté de rétention, ou autrement dit, la capacité à “retenir” des utilisateurs sur un service digital, est un autre de leurs points forts. Cette capacité de rétention est d’abord due à la facilité de participation qu’elles induisent : accessibles en continu et disponibles sur tous types de supports, notamment sur mobile, elles offrent au citoyen la possibilité de contribuer où et quand il le souhaite, selon ses disponibilités, et via des outils qu’il connaît et utilise au quotidien. Deuxièmement, leur rétention est liée à leur simplicité d’utilisation : ergonomiques, ludiques, elles sont pensées pour être intuitives et agréables à utiliser. D’autre part, la transparence, valeur phare pour la majorité des projets CivicTechs, gage sur la mise en accessibilité des résultats recueillis, ce qui permet au citoyen contributeur de s’informer sur les avis de sa collectivité et de se situer par rapport à ses pairs. Enfin, elles constituent un tiers de confiance : la donnée personnelle est anonymisée automatiquement, et les citoyens peuvent ainsi exprimer librement leurs opinions, sans être inquiétés.

Parce que le citoyen s’approprie plus facilement l’outil, il l’intègre dans son quotidien de manière plus évidente. L’acte de participation devient alors plus naturel pour celui-ci, de même que son implication dans la vie locale et dans les décisions qui le concernent. Ainsi, l’utilisateur ponctuel se mue en contributeur régulier, mieux informé des enjeux de son territoire et plus à même de s’en sentir partie prenante.

 

Par leurs fonctionnalités, leurs valeurs, leur ancrage dans la société civile, et leur capacité à créer du lien, les CivicTechs ont le potentiel de redonner un élan durable à la participation citoyenne, à une condition cependant : qu’elles soient intégrées intelligemment et progressivement dans les dispositifs participatifs existants. Ce point de vigilance est la clé de voûte, de même que d’entretenir la pluralité du secteur, avec des projets diversifiés et à taille humaine, ce qui permettra d’assurer un contrôle du citoyen et de l’élu sur la bonne poursuite des objectifs. Car quoi qu’il arrive, les CivicTechs ne doivent jamais perdre leur cap : demeurer des outils au service de la démocratie.

 

Tribune co-écrite par l’équipe Vooter – Camille Rosenblatt, Stéphane Béquin, Dimitri Delattre, et le chat.


Ils font la Civic Tech, Non classé

Les citoyens fixent le programme des prochains députés sur Make.org

8 juin 2017 • By

Fin mai, Make.org a lancé Législatives Citoyennes, une consultation nationale pour permettre aux Français d’adresser leurs priorités à leurs futur(e)s député(e)s pour les Législatives de 2017.

En faisant émerger des propositions politiques sur l’ensemble du territoire, l’initiative donne aux citoyens le moyen de faire savoir aux candidats de leurs circonscriptions les enjeux publics que leurs électeurs jugent primordiaux. Les actions de lobbying auprès des candidats permettent d’obtenir des futurs député(e)s qu’ils se prononcent sur ces propositions et les soutiennent, et enfin, qu’ils mettent réellement en œuvre celles sur lesquelles ils se seront engagé(e)s.

Anciens ministres ou novices en politique, 600 candidats répondent en ce moment aux Français sur la plateforme : https://www.legislatives-citoyennes.fr/

 

Voici quelques exemples de prises de position de candidats sur la plateforme :

 

Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, candidate dans la 2ème circonscription de Paris, Les Républicains

  • « Il faut qu’il/elle agisse pour la qualité de l’air dans les zones urbaines souvent victimes de pollution. Il en va de notre santé ! » Margot, Paris 3ème
    Nous avons perdu trop de temps pour interdire l’accès du cœur d’agglomération aux véhicules les plus polluants. Alors que tout était prêt en 2012, la majorité sortante a préféré tout remettre à plat, ce n’est que depuis cette année que les véhicules les plus polluants peuvent être interdits. Il faudra rapidement fixer un calendrier clair, permettant à tout un chacun, professionnels comme particuliers, de faire les bons choix
  • « Il faut qu’il/elle propose une loi interdisant la maltraitance animale (corrida, cirques, fourrure, élevage intensif…) » Christine, Auvergne-Rhône-Alpes
    D’accord, mais la corrida représente une tradition et une culture dans certaines régions du sud auxquelles les habitants de ces régions sont très attachés.

 

Benjamin GRIVEAUX, candidat dans la 5ème circonscription de Paris (La République en Marche)

  • « Il faut qu’il/elle ouvre le débat sur la légalisation encadrée du cannabis » Jean-Luc, Bourgogne Franche-Comté 
    La question n’est pas celle de la légalisation du cannabis mais celle de l’impact de la consommation sur la santé publique, en particulier sur les jeunes. Il faudra que le législateur dispose d’éléments tangibles sur l’impact du cannabis en termes de santé publique avant d’ouvrir le débat.
  • « Il faut qu’il/elle propose une loi retirant les taxes des petites entreprises de 0 à 10 employés » Frédérique, Bretagne
    Le principal objectif du quinquennat est de baisser le cout du travail pour les petites entreprises, en particulier pour les employés moins qualifiés. C’est le sens de la transformation du CICE en baisse de charges pérenne pour les entreprises.

 

Régis JUANICO, candidat dans la 1ère circonscription de la Loire (Parti Socialiste)

  • « Il faut qu’il/elle sache s’entourer des conseils de gens issus de la société civile et de leur expérience » Pascal, Auvergne-Rhône-Alpes
    Membre du groupe de travail « Parlement ouvert » à l’Assemblée, j’ai participé à l’expérimentation de modalités nouvelles pour associer davantage la société civile à l’élaboration et au contrôle de la loi. Ainsi, j’ai créé un « Observatoire citoyen » dans ma circonscription – une première en France : un collectif indépendant qui a carte blanche pour m’interpeller sur mon travail parlementaire et la fabrique de la loi. Nous avons beaucoup collaboré sur le projet de loi Egalité et Citoyen
  • « Il faut qu’il/elle interdise les élevages et cultures intensives » Olivier, Auvergne-Rhône-Alpes
    Le modèle intensif n’a pas d’avenir en agriculture : hyperspécialisation fragilisant les territoires, pollutions diffuses de l’eau, des sols, de l’air ; consommateurs alertés sur la qualité des produits ; agriculteurs dont la santé est mise en danger par leur exposition prolongée à des produits nocifs… Il faut rompre avec ce modèle et promouvoir un développement durable de l’agriculture, tout en assurant l’autonomie alimentaire de l’Europe avec des produits sains et diversifiés.

 

Histogramme Législatives Citoyennes Marke.org


Présidentielles 2017

Présidentielles 2017 : Benoît Hamon et les CivicTech

27 mars 2017 • By

A quelques semaines des élections présidentielles, CivicTechno a interrogé les candidats sur leur vision des CivicTech aujourd’hui en France, leur rôle dans la campagne et la place de la tech citoyenne dans leur programme. Premier épisode avec Benoît Hamon.

CivicTechno.fr est un site apolitique dédié aux technologies civiques, l’ensemble des 11 femmes et hommes politiques prétendant à la fonction suprême de l’État ont reçu le même questionnaire et leurs réponses sont diffusées ici sans filtre ou sélection partisane. 

Benoit Hamon Civic Tech CivicTech

Avez-vous le sentiment que la technologie est bien utilisée aujourd’hui dans la relation avec les citoyens ?

Le numérique change la donne, y compris en politique car il ouvre des possibilités de participation plus grandes. Nous devons nous en saisir pour faire en sorte qu’il contribue à améliorer la relation entre les citoyens et les élus. C’est un outil formidable pour renouer le dialogue dont on a tant besoin à l’heure où notre démocratie va mal. C’est un atout pour créer une société plus collaborative, c’est pour cela que je propose aux français de contribuer à l’écriture de mon programme présidentiel sur : conseilcitoyenhamon2017.fr.

Hamon programme collaboratif civic tech civictech
De bonnes pratiques émergent, des expérimentations positives proposent une nouvelle pratique de la démocratie, portées par des personnalités politiques ou des collectivités locales ou par la société civile comme pour République numérique ou le budget participatif de Paris. La société sait se saisir du numérique pour interpeller le politique sur des sujets importants, le vrai problème à l’heure actuelle est que les institutions ne sont pas toujours conçues pour prendre en compte ces contributions citoyennes : c’est pour cela que je propose le 49.3 citoyen par exemple. Nous devons aussi aider ceux pour qui c’est moins évident de se saisir de l’outil numérique, en soutenant par exemple des associations qui accompagnent les citoyens dans cette démarche. Le numérique doit aussi être un outil de démocratisation de la participation.

Pensez-vous que l’Etat peut être moteur du changement et du renouveau démocratique en participant activement au développement des technologies civiques ?

Bien sûr, l’État a un rôle à jouer pour favoriser l’émergence de ces technologies. Pour autant, est-ce qu’il doit développer lui-même les technologies qui permettent d’améliorer la relation entre les citoyens et les élus ? Je dirais que cela dépend des usages. Certains outils Civic Tech sont plus pertinents s’ils sont développés par des associations ou des startups, ceux qui servent à interpeller les pouvoirs publics par exemple. D’autres outils, comme le site du budget participatif de la ville de Paris peuvent être développés en interne et s’adapter ainsi aux fonctionnements de l’Administration. Lors du Sommet du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, qui s’est tenu à Paris en décembre dernier, la France a proposé une boîte à outils qui recense et facilite l’accès à des outils de participation, développés par des associations, des entreprises ou des pouvoirs publics dans le monde entier. Cela me paraît être une bonne démarche. Il faut aussi réfléchir à un modèle économique qui permette le développement de la Civic Tech.

Role de l'Etat CivicTech Civic Tech Benoit Hamon Presidentielles

Les Civic Tech sont-elles selon vous un terme « gadget » pour donner du sens aux consultations publiques ?

Les Civic Tech sont des outils numériques dont l’objectif est d’améliorer la démocratie, tant la participation des citoyens aux décisions publiques que l’engagement civique. Ce ne sont pas des gadgets. Par ailleurs ils doivent être utilisés avec sincérité par les élus. Si ce n’est pas le cas, je pense que les citoyens s’en rendent compte.
Il ne fait pas de doute que notre système démocratique n’est pas optimal, les citoyens n’ont pas suffisamment la possibilité de faire entendre leur voix lorsque des décisions publiques sont prises. En revanche, ce serait une erreur de réduire les Civic Tech à la consultation publique en ligne, il existe toute une palette d’outils dont les politiques et les administrations doivent se saisir pour améliorer la qualité et la pertinence de leurs décisions. Les Civic Tech peuvent améliorer la transparence de l’action publique, favoriser l’interpellation des décideurs, comparer les programmes politiques ou faciliter l’engagement bénévole. Ce qui est intéressant aussi c’est quand ils permettent de faire émerger des propositions des citoyens directement et non pas seulement prendre des avis sur des propositions des élus. Les Civic Tech s’ajoutent aux dispositifs de participation classiques, ils ne les remplacent pas. Comme je l’ai indiqué nous devons avoir une attention particulière pour certains publics moins familiers avec le numérique, pour les aider à s’en saisir. Cela peut passer par le biais d’associations qui accompagnent les habitants avec le soutien financier de l’État.

 

Avez-vous utilisé les Civic Tech pour une forme de co-création de programme ou votre programme prévoit il le développement des technologies dites civiques en France ?

plateforme expression hamon 2017 civic tech civictech

Je propose une plateforme numérique sur laquelle les français ont fait des propositions sur de nombreux sujets. Elles seront examinées par un Conseil citoyen paritaire constitué de 40 personnes qui ont été tirées au sort parmi des volontaires. C’est la première fois qu’un candidat à l’élection présidentielle propose ce type de démarche. C’est à l’image de ce que je souhaite faire si je suis élu Président de la République : créer les conditions d’un lien plus régulier entre les élus et les citoyens pour co-élaborer des politiques publiques. Je propose également la plateforme Expressions, ouverte à toutes les initiatives de la société civile, elle est alimentée par des textes, des vidéos, des photos, des films d’animation et des infographies pour éclairer les expérimentations et projets qui construisent aujourd’hui le monde de demain. Je souhaite m’appuyer sur les outils développés par les Civic Tech et aider au développement de nouvelles applications. C’est pourquoi j’évoquais la question du développement d’un modèle économique qui leur permette de se développer. Je m’appuierai par exemple sur les outils de la Civic Tech qui permettent la co-élaboration des lois et de politiques concrètes, mais aussi pour des Conférences citoyennes sur des sujets importants et pour les e-pétitions.


Ils font la Civic Tech

Ils font la CivicTech : qui sont les 50 premiers inscrits de l’annuaire CivicThèque ?

14 janvier 2017 • By

En lançant ce blog il y a un an, j’avais également la volonté de recenser « ceux qui font » la CivicTech par le biais d’un simple annuaire collaboratif.

civictheque civic tech civictech annuaire

 

Aujourd’hui, 50 acteurs de cet écosystème ont fait le choix de rejoindre la CivicThèque.

 

Merci à :

Civocracy, CommunecterFluicityMade in vote, Citizen Lab, Nova Ideo, Mon avis citoyen, Oui Ville, Territoire citoyen, Bouge ma ville, My open city, NeoCity, VoxMapp, Vooter qui proposent des plateformes pour réinventer la démocratie locale et permettre d’impliquer d’avantage le citoyen.

Change.org, numéro 1 mondial des pétitions en ligne qui a transformé le citoyen en partenaire social et l’a invité à la table des négociations.

Inseme qui veut permettre la participation de tous aux assemblées télédiffusées.

La civic start up, The Good Lobby qui a pour ambition de démocratiser le lobbying en permettant à des académiques, des professionnels et à leurs employeurs d’offrir gratuitement leurs services aux ONG travaillant pour d’importantes causes sociales et/ou sociétales.

Collecticity, une plateforme de financement participatif pour les projets publics. Elle permet aux particuliers d’investir dans des projets d’intérêt général proposés par des collectivités territoriales.

Baztille qui à l’instar de MaVoix veut faire élire des citoyens qui appliquent les décisions des membres du collectif.

Quorum, une application web et mobile destinée aux équipes de campagnes, ONG, associations, mouvements citoyens et aux créateurs de changement.

QualiScore qui propose de fournir des données transparentes pour valoriser les atouts des communes.

CitizenLab qui propose une alternative qui prend comme point de départ une relation nouvelle entre l’Etat et la société civile.

Voxe et son comparateur de programmes politiques, Vérité Politique qui évalue le degré d’honnêteté des élus et des partis politiques et Parlement et citoyens qui permet aux citoyens de co-construire les lois avec les élus.

LeDrenche, un média qui donne les clefs aux internautes pour se forger une opinion et AgoraLabTV qui propose de créer des débats TV interactifs avec les citoyens.

50 acteurs civic tech civictech annuaire civictheque

AssemblCap Collectif, des solutions d’intelligence collective et de nouvelles plateformes de participation citoyenne à grande échelle. Demok, plateforme (application et site web) recensant tous les projets et propositions de lois à l’étude en France.

DigitaleBox et Nation Builder, qui proposent un logiciel de gestion des relations avec les électeurs et de stratégie électorale.

DemocracyOS, une plateforme open source : libre, gratuite, indépendante. Son but est de favoriser la participation de tous à la fabrique de décisions politiques, à l’heure où internet a changé presque tous les aspects de notre vie quotidienne.

Belem et son système de vote «blockchain», c’est-à-dire sécurisé, transparent et efficace pour Nous Citoyens.

Directement inspirée des plateformes de streaming de jeux vidéo, Accropolis s’adresse à un large public de citoyennes et de citoyens qui ont soif de compréhension des enjeux publics et veulent se réapproprier leur démocratie.

Engage, Citizen Clan, qui facilitent l’implication, la mobilisation, l’action collective via les technologies et les Bricodeurs qui éduquent aux Civic Tech.

Demodyne, une plateforme de gouvernance citoyenne directe, au niveau local et national

Questionnez vos élus : qui propose aux citoyens de poser publiquement des questions à leurs élus, à ces derniers d’expliquer leur action et d’afficher leur volonté de rendre des comptes à leurs électeurs.

InCity et son service de surveillance par les citoyens de l’espace public en vue de son amélioration et Democras, un réseau social citoyen.

Le projet ContentCheck qui regroupe des partenaires académiques et une équipe de journalistes du journal Le Monde dans le but de développer une manière d’automatiser le fact-checking pour contextualiser et enrichir factuellement le débat politique.

UFO, qui veut accélérer l’avènement des Villes Contributives

Loomio qui propose un outil de prise de décisions collectives.

Babele, une plateforme collaborative de création de projets sociaux.

Livedem, un outil collaboratif permettant l’expression populaire, le débat public non partisan et le relais auprès des élus.

PolitizR qui rebat les cartes en créant un espace numérique où les élu(e)s débattent des propositioons citoyennes.

Stig, mon e-parti qui ont pour ambition d’offrir une vision de l’opinion et de la volonté citoyenne.


Réflexions

Gouvernement pas si ouvert et open data non intelligible : et si la Civic Tech était vouée à l’échec ? 3/4

20 décembre 2016 • By

Ce post est le troisième d’une série de 4 billets dédiés aux impasses de la CivicTech. Cette fois nous aborderons les problématiques de démocratisation et d’utilisation de l’open data ainsi que le rôle d’un gouvernement ouvert. J’ai proposé aux acteurs de l’écosystème Civic Tech  de partager leurs visions sur les 4 grands freins qui, selon moi, entravent le développement en France des technologies civiques.

Impasses de la civic tech civictech 3/4

La France a pris cette année la présidence de l’OGP : c’est quoi un gouvernement ou une administration ouverte ? Quel est l’apport concret de l’open data pour les citoyens, comment s’en servent aujourd’hui les institutions, les politiques, les usagers, les publics et que pourraient apporter les technologies civiques à ce niveau ?

Clara Boudehen – Chargée de mission au Cabinet d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat au Numérique

La France a pris la présidence du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert en septembre dernier pour une période d’un an. Il a pour vocation d’améliorer la qualité démocratique des pays partenaires, grâce à plus de transparence de l’action publique, de participation citoyenne et de capacité d’agir des citoyens. Ce qu’on appelle ouverture c’est cette capacité d’agir des citoyens et d’avoir un impact, dans un contexte politique et public donné (gouvernement ou administration). C’est un objectif vers lequel on tend, la France a déjà développé beaucoup d’actions dans ce sens – notamment en termes de transparence, d’ouverture des données et d’implication des citoyens aux différentes échelles de l’action publique – et il reste beaucoup à accomplir.

L’émergence des Civic Tech est conjointe à celle du gouvernement ouvert. Elles partagent cette volonté de transparence, de participation et de développement du pouvoir d’agir. Souvent elles sont les outils du gouvernement ouvert, même si c’est aux administrations de rendre transparentes leurs actions, d’ouvrir leurs données et de mettre en place des consultations de leurs administré

Comment rendre l’ouverture des données intelligible pour tous ? Les données prennent une part de plus en plus importante dans notre vie et la maîtrise que l’on a sur nos données personnelles va être un enjeu majeur dans les années à venir. L’objectif n’est pas que tout le monde sache comment ouvrir les données, ou même les analyser, mais que chacun puisse en maîtriser l’usage. On ne sait pas tous comment construire une voiture ni comment la réparer mais notre but est que l’on sache tous l’utiliser et la maîtriser.

 

Nicolas Patte – Cap Collectif

La Démocratie Ouverte est une évolution naturelle de la démocratie représentative. En démocratie ouverte, le citoyen n’est pas seulement un électeur occasionnel. Il participe activement, s’il le souhaite, à la bonne marche de la société dans toutes ses composantes : fabrication de la loi, organisation territoriale, budgets, amélioration des politiques publiques ; ceci dans un esprit de grande transparence, de co-décision et de co-construction. L’OGP, partenariat que la France préside cette année, est une association de pays souhaitant marcher dans cette direction et s’échanger de bonnes pratiques sur le sujet.

L’Open Data L’ouverture des données est simplement une composante de ce grand plan : c’est la mise à disposition systématique et publique de toutes les données de l’État (moins les données hypersensibles). Le premier bénéficiaire de cette ouverture des données est l’État lui-même, qui améliore l’efficacité de ses prises de décisions à l’aune des données (rendues) disponibles. Le traitement des données ainsi libérées est ouvert à tous : tant à l’administration qu’à la recherche, tant à entrepreneuriat qu’aux simples citoyens. Là encore, l’idée est d’utiliser l’intelligence collective à des fins d’efficacité profitant à tous, c’est la création à grande échelle d’un bien commun numérique. Ce qui, au passage, philosophiquement, permet aussi de renouveler une culture commune et locale, terrain laissé un peu en friche par le fantasme de mondialisation des idées. Et sans nulle doute que la culture est un enjeu puissant des prochaines années pour l’open data.

Les exemples d’ouverture de données sont innombrables. Pour simplifier, on peut discerner deux types de réutilisation accessible des données ouvertes dans notre quotidien : “l’information vigilante” et le “couteau suisse”.

Parmi les informateurs vigilants, nous aimons bien, globalement, ce que produit l’association Regards Citoyens, dont on connaît le travail remarquable sur l’activité des parlementaires, et qui, également, a publié Lumière sur Sunshine, une série de visualisations graphiques chiffrées sur l’activité des laboratoires pharmaceutiques. Les médias, aussi, réutilisent des données ouvertes pour mettre en forme de manière épurée et intelligible des tableaux chiffrés très (trop ?) complexes : c’est ce qu’a fait Le Monde récemment, par exemple, avec leur enquête sur l’augmentation inquiétante du cancer pour certaines tranches d’âge.

Parmi les couteaux suisses, on remarque évidemment la multiplication d’applications “utiles à tous” sur les cendres des tentatives (ou des non-tentatives) institutionnelles de partager l’information publique. Si l’application officielle Vélib fonctionne correctement aujourd’hui, c’est parce qu’elle a été mise à l’épreuve au départ par une application non-officielle basée sur les données ouvertes du service. La plateforme TrainLine (anciennement Captain Train) a connu un succès fulgurant en proposant un service d’achat de billet de train plus abouti que la SNCF avec des données ouvertes par celle-ci (un peu sous la contrainte, il faut le dire). On peut également évoquer Citymapper dont le modèle repose sur les données ouvertes des transports publics dans les grandes villes du monde. Ces exemples parcellaires issus du monde du transport participent à l’amélioration des services et biens communs accessibles à tous grâce à la réutilisation des données appartenant à tous par l’intelligence collective.

 

Partenariat pour un gouvernement ouvert France civic tech civicitech

 

Florent Guignard – Le Drenche

Je pense que la sensibilisation du public et des administrations à l’open data est un des éléments qui peut restaurer la confiance entre le grand public et les administrations. Savoir que les données sont ouvertes et vérifiable crée de la confiance. Je pense que l’open data doit également s’appliquer au journalisme et aux médias ; la confiance envers les médias est en baisse constante, et le secteur manque cruellement de transparence. Plus les données seront ouvertes, et plus cette relation de confiance pourra se (ré)établir.

 

Thomas Champion – Politizr

On a tendance a considérer que les civictech font parti d’un plus grand « ensemble » qui serait l’openGov. C’est intéressant a l’approche de l’OGP… Ceci dit, de mon point de vue, les projets civictech français concernés par les openGov et reposant sur l’openData sont peu nombreuses. Il me semble que Parlement et Citoyens et Questionnezvoselus utilisent/utilisaient les data poussées par l’assemblée nationale. Politizr exploite de manière marginale les données du Ministère de l’Interieur concernant les résultats des élections. Rien de franchement transcendant…

 

Maxime Barbier – Bluenove / Assembl

Un gouvernement ouvert c’est un gouvernement qui accepte de déléguer une partie de la conception, de la décision et de la délivrance de l’action publique. Ca va bien au-delà d’un effort de transparence dans l’action publique, ou que l’ouverture des données. C’est créer de l’empowerment de la société civile (citoyens, startup, …). L’Etat pourrait d’ailleurs se positionner pour faciliter l’incubation de nouvelles initiatives citoyennes, qu’elles soient de portée technologique ou non. C’est pour moi une nouvelle politique publique à structurer au niveau national et local.