En lançant ce blog en début d’année, j’avais également la volonté de recenser « ceux qui font » la CivicTech en France et à l’international par le biais d’un simple annuaire collaboratif : la CivicThèque.
Aujourd’hui, 20 acteurs Civic Tech se sont inscrits. Ils proposent tous des solutions qui répondent aux nombreuses expressions (il n’y a qu’à voir le phénomène #NuitDebout) d’une forte demande de renouveau démocratique en plein état d’urgence, de crise économique et sociale.
Merci à :
Civocracy, Communecter et Fluicity qui proposent des plateformes pour réinventer la démocratie locale et permettre d’impliquer d’avantage le citoyen.
Change.org, numéro 1 mondial des pétitions en ligne qui a transformé le citoyen en partenaire social et l’a invité à la table des négociations.
Baztille qui à l’instar de MaVoix veut faire élire des citoyens qui appliquent les décisions des membres du collectif.
Voxe et son comparateur de programmes politiques, Vérité Politique qui évalue le degré d’honnêteté des élus et des partis politiques et Parlement et citoyens qui permet aux citoyens de co-construire les lois avec les élus.
LeDrenche, un média qui donne les clefs aux internautes pour se forger une opinion et AgoraLabTV qui propose de créer des débats TV interactifs avec les citoyens.
DigitaleBox, Nation Builder français, qui propose un logiciel de gestion des relations avec les électeurs et de stratégie électorale.
Belem et son système de vote «blockchain», c’est-à-dire sécurisé, transparent et efficace pour Nous Citoyens.
Engage qui facilite l’implication, la mobilisation, l’action collective via les technologies et les Bricodeurs qui éduquent aux Civic Tech.
InCity et son service de surveillance par les citoyens de l’espace public en vue de son amélioration et Democras, un réseau social citoyen.
Le projet ContentCheck qui regroupe des partenaires académiques et une équipe de journalistes du journal Le Monde dans le but de développer une manière d’automatiser le fact-checking pour contextualiser et enrichir factuellement le débat politique.
Loomio qui propose un outil de prise de décisions collectives.
PolitizR qui rebat les cartes en créant un espace numérique où les élu(e)s débattent des propositioons citoyennes.
Stig qui a pour ambition d’offrir une vision en temps réel de l’opinion et de la volonté citoyenne.
Un prochain billet rapidement pour dresser un nouvel état de la CivicTheque.
Le collectif Ma Voix a pour ambition de « hacker » l’Assemblée Nationale en faisant élire des citoyens volontaires, formés et tirés au sort. Cette expérience démocratique inédite est programmée pour les législatives de juin 2017 mais l’agenda politique leur offre une première tentative à l’occasion de la législative partielle de Strasbourg qui se tiendra au printemps.
J’ai proposé à Quitterie de Villepin qui est notamment à l’origine du projet, de le présenter dans une interview. Elle m’a répondu que le collectif ne veut pas entretenir le phénomène de « personnification » et que c’est pour ça qu’ils ne donnaient pas d’interview aux médias traditionnels malgré de nombreuses sollicitations.
Elle m’a donc proposé de réaliser une entretien d’un genre nouveau, leur première interview collective. Au final, 22 volontaires ont pris le temps de répondre à mes questions. Merci à Toan, Valentin, Hugo, Guits, Hervé, Didier, Cat, Mélanie, Bruno, Arnaud, Marie, Jeff, Quitterie, Sly et les autres. Ils font la Civic Tech cette semaine.
Élire des parlementaires issus du processus de sélection électoral que l’on connaît sous la Ve République, c’est dépassé et non représentatif du peuple, selon vous ? En quoi ?
L’élection présidentielle est concomitante de celle des députés. Il n’y a plus de distinction entre les pouvoirs et, comme on le constate de plus en plus, le parlement est devenu le scribe de l’exécutif. De plus, les députés adhérents à un parti ne représentent en fait qu’un très faible pourcentage de la population.
Les limites de la sélection de représentants par l’élection, telle que définie aujourd’hui, sont le non renouvellement des charges politiques, l’absence de possibilité de contrôle, de révocation si les promesses sont trahies et l’abandon complet des citoyens du gouvernement de leur Etat. On élit toujours les personnalités les plus médiatisées et celles qui ont investie le plus dans leur campagne, ce qui entraîne la formation d’une caste politique et par définition un manque de représentativité de nos élus. C’est dépassé, car aujourd’hui il y a une vraie envie de démocratie, de croissance du devoir citoyen, on ne veut plus donner tout les 5 ans des chèques en blanc.
Les députés sont maintenant considérés comme appartenant à une élite, éloignées des considérations des électeurs, et accrochés à leur siège plutôt qu’à leurs électeurs. Ils deviennent des professionnels de la politique avec une carrière à préserver, donc des votes à privilégier
Le processus de sélection actuel des candidats repose sur des partis politiques dont la forme est dépassée (réflexion externalisée dans les think-tanks, réseaux militants limités aux élus et collaborateurs, faible prise en compte des transformations du monde, concentration des enjeux autour des personnes et des carrières politiques professionnelles…). C’est ce processus là que nous voulons changer grâce aux formations, aux plateformes numériques et au tirage au sort.
Ce modèle a été construit dans un autre contexte historique, à une époque où il n’y avait pas internet, pas les mêmes modes de circulation de l’information, pas les mêmes types d’engagements des individus, etc.
En quoi les politiques actuels ne seraient plus les représentants du peuple ?
Dès le départ, l’idée de représentation est tronquée, c’est l’idéologie sous la bannière de laquelle s’est ralliée à un moment donné une majorité d’électeurs qui est représentée. L’abstention, le vote blanc ne sont pas pris en compte dans le comptage des suffrages, pourtant les citoyens qui choisissent cette voie délivrent un message, qui est souvent laissé de côté, et cette partie du peuple représente plus de 50% des inscrits sur les listes aujourd’hui.
Leurs choix et leurs actions sont souvent très éloignés de leur programme sur lequel nous les élisons, et nous n’avons que très peu de moyens de les interpeller en cours de mandats pour leur indiquer nos positions, nos souhaits et nos choix précis, loi par loi par exemple. Personnellement j’ai l’impression de faire un chèque en blanc et je n’aime pas ça !
Les députés devraient voter en leur âme et conscience, mais en réalité ils votent plutôt en fonction des consignes de leur parti. Dans les deux cas, ils ne demandent jamais ce que pensent les électeurs sur chaque sujet, sur chaque loi. Seul, Frédéric Lefebvre, député des français de l’étranger qui essaie les pétitions pour connaître l’avis des français.
Vous dites « Il n’y a plus rien à attendre de ceux qui nous gouvernent ». On pourrait vous accuser de populisme… Qu’est-ce qui vous différencie de ce mode de pensée ?
Pour moi, il n’y a plus rien à attendre de ceux qui nous gouvernent AUJOURD’HUI. Mais je suis contre le populisme ou l’anti-système. Tant que les politiques resteront un système ou ils ont droit de faire ce qu’ils veulent, sans aucune conséquence et que leur carrière et plus importante que le reste, on pourra mettre qui l’on veut au « pouvoir », même Gandhi, ce sera toujours le même résultat.
Nous ne sommes pas populistes, au contraire. Nous cherchons à arrêter le défaitisme, arrêter la complainte, ce constat qui dirait tous pourris et qui justifierait tout, nous le refusons. Non, les politiques ne sont pas les seuls responsables. Nous sommes tous responsables. Nous avons été responsables de ce jeu, car nous l’avons joué, nous avons été accrocs à la petite phrase politique, à l’actualité trop rapide, nous avons cru que les choses étaient ainsi, nous avons joué le jeu des élections, nous avons pour certains été militants ou en politique, nous avons eu des réveils difficiles. Mais nous sommes responsables dans les deux sens. Nous pouvons construire notre avenir et changer les règles du jeu. Parce que nous sommes responsable nous n’avons rien à attendre de ceux qui nous gouvernent, car nous avons été déçus, très bien, nous sommes exigeants envers nous-même et nous allons construire les alternatives, proposer et avancer…
Le système de la Vème république est incapacitant pour les femmes et les hommes que nous sommes, il entrave nos projets de civilisation nouvelles, mais il est parfois pratique : nous nous déresponsabilisons et nous rejetons toujours la faute sur les autres et ceux qui nous dirigent. A tort ou à raison. Qu’on le veuille ou non, ils sont le produit de notre action ou inaction. Même les abstentionnistes sont responsables de la situation actuelle, oui, y compris eux. Si nous avons toutes les raisons d’être en colère car nous nous sentons pris au piège, nous pouvons constater simplement l’échec des politiques en général. Pourquoi les mêmes personnes depuis 30 ans dans le même système pourraient faire mieux demain qu’hier ?
Il y a en fait un problème s’ils échouent tous, cette version de la démocratie est anachronique et dépassée. Cette colère que nous ressentons tous est une formidable énergie et une force qu’il faut transformer en proposition, en plaisir et envie d’aller de l’avant et d’inventer un horizon nouveau pour la démocratie. Certains autres mouvements politiques surfent sur la colère, sur la peur de l’autre, le rejet, ils disent « tous pourris », mais ils veulent eux aussi qu’on leur délègue notre responsabilité. Et pourquoi feraient-ils mieux que les autres ? Avec les mêmes institutions, les mêmes banques et les mêmes lobbies. Nous voulons sortir de cette délégation qui nous enlève notre capacité à être debout, vivant et décideur de notre présent et avenir. #MaVoix c’est prendre et assumer sa responsabilité. Individuelle. Au sein du collectif. C’est le « Je » dans le « Nous ». C’est être démagogique de dire : « prenons nos responsabilités, décidons, assumons, soyons comptables » ? Et donc à l’inverse de celles et ceux qui attisent peur et haine de l’autre, nous voulons au contraire aller vers l’Autre, ce citoyen qui ne nous ressemble pas, mais avec qui nous devons construire de fait la société dans laquelle nous vivons.
Est-il réaliste de vouloir « co-construire » et décider ensemble quand il s’agit de participer, via l’Assemblée, à la bonne marche d’une nation de 70 millions d’habitants ?
Nous ne cherchons pas à être d’accord sur tout, nous cherchons les modalités qui nous permettrons de débattre sainement. Il se trouve qu’aujourd’hui nous avons des outils pour cela, des citoyens engagés qui ont envie de prendre leur place à la table des décisions et qui comprennent la responsabilité que cela implique, des outils de débat en réel et online, et petit à petit se développent à travers le monde différents outils pour partager et voter en ligne. Oui c’est réaliste.
Les moyens technologiques, méthodiques ont évolué, nos institutions datent d’un siècle dépassé. Le collectif #MaVoix est une expérience, une expérience n’est pas forcément couronnée de succès, mais elle a le mérite d’essayer. Nos 50 députés présents en moyenne sur 577 sont ils plus capables et légitimes de décider pour 70 millions de français ?
La fabrique de la loi est déjà un processus de co-construction entre le Gouvernement et le Parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat, les majorités et les oppositions qui s’expriment via les amendements… sans parler de l’influence des corps intermédiaires. Il s’agit désormais d’élargir la table de discussion et de décision pour que d’autres voix s’expriment. Grâce à des outils numériques, nous pouvons commencer à répondre aux défis de temps et d’espace qui rendaient jusqu’ici indépassable la démocratie représentative élective.
Quelles sont ces « méthodes » et « outils d’intelligence » collective que vous développez ?
Pour vivre ensemble en décidant ensemble, il faut que nous apprenions à le faire. Nous en sommes loin. Nous n’apprenons pas dans nos écoles à faire « avec », à faire ensemble. Nous apprenons plutôt la compétition, le chacun pour soi, rentrer dans des cases, des castes et des moules. Pour réaliser la transition dont nous avons besoin, nous avons besoin de déconstruire ce que nous avons appris, et de nous former les uns les autres à toutes les nouvelles matières qui vont nous aider à faire cette mutation. Heureusement, beaucoup de nouvelles sciences, visions et outils émergent et sont documentés : internet et démocratie, reinventing organisation, community organizing, la facilitation, l’holacratie, la sociocratie, beaucoup de pionniers sont là pour éclairer la route, comme l’Université du Nous, par exemple, ou encore Frédéric Laloux, Dominique Cardon, Dominique Rousseau, Cynthia Fleury, Michel Bauwens, Richard Stallman, et tant d’autres… Il y a un gros enjeu de formation pour les citoyens que nous sommes dans #MaVoix. Il y a comme une école dans le projet. Nous construisons un MOOC pour former les citoyens aux institutions du Parlement. Car pour hacker un système, il faut le connaître. On va donc se former aux institutions mais aussi à la transmission pair à pair des connaissances d’intelligence collective : techniques de facilitation, initiations aux matières citées ci-dessus. #MaVoix est une expérience apprenante. On ne sait pas où on va, mais on sait qu’on apprend. Toutes les réunions sont montées comme cela en 2 parties : on se nourrit d’abord, puis on enrichit l’expérience. Enfin, nous testons différents sites de prise de décision en ligne comme DemocracyOS, et Cocorico, en particulier, et des contributeurs construisent brique après brique les outils dont nous avons besoin. Tout est sur le github #MaVoix pour les développeurs que ça intéresse. Nous testons un premier vote avec un protocole blockchain. Au lieu d’en parler, nous nous sommes dits que ça serait plus intéressant de le tester et de comprendre comment ça marche et ce que ça nous apporte ou pas. C’est assez excitant de découvrir en même temps autant de matières émergentes, c’est une sacré chance que nous nous offrons à travers #MaVoix. C’est la contre partie de notre engagement en temps et en énergie, quelle récompense !
Si l’on comprend bien, dans votre modèle, le député n’est qu’un hologramme destiné à recevoir les ordres de ceux qui l’ont fait. Bien des fois, il faudra voter « oui » ou « non » à une proposition de loi, à une orientation budgétaire, et vous ne serez pas toujours d’accord entre vous. Comment cela se passera-t-il alors ?
Le vote de la loi fonctionne toujours sur le mode oui/non/abstention. Un plateforme comme DemocracyOS permet de connaître la répartition des votes. Si #MaVoix n’avait qu’un(e) député(e), il voterait comme le résultat majoritaire exprimé sur la plateforme ; s’il y avait plusieurs député(e)s, ils voteraient en proportion des résultats.
Imaginons : on a 10 députés MaVoix. Sur la loi « X », on dénombre sur la plateforme de vote 30% de non, 50% de oui et 20% d’abstention. Alors 3 députés MaVoix voteront non, 5 voteront oui et 2 s’abstiendront.
Tout dépendra du nombre de députés. S’il n’y en a qu’un, ce sera, effectivement, délicat. Mais à partir de trois, le vote de nos députés reflétera la diversité des décisions sur la plateforme.
Nous ne cherchons pas à être d’accord sur tout, mais à trouver les modalités pour débattre et pour voter. Effectivement dans l’expérience #MaVoix la promesse de départ est que les députés répercuteront à l’AN les votes des électeurs. Mais ne pas être d’accord c’est un signe de bonne santé, il y a un débat avant, qui permettra aussi de se positionner, de se forger sa conviction, de prendre position ou de s’abstenir d’ailleurs. Le député peut aussi faire remonter ce qui se passe à l’AN, puisque nous n’y avons pas toujours accès. Mais à un moment donné, c’est le vote, et là les citoyens se prononcent, là effectivement le député répercute les votes. Il y a une différence notable c’est que c’est les citoyens qui débattent et se positionnent et non les députés et il est beaucoup plus difficile pour un groupe politique et des lobbys de retrouver chacun des électeurs chez eux et de faire pression.
Le député est effectivement un moyen. Des femmes et des hommes d’accord pour jouer le jeu du maillon de la chaîne. Sans elles et eux, ça ne serait pas possible de faire cette expérience inédite. MAIS en ce qui concerne la décision et l’expression de la délibération, nous n’avons pas à nous mettre d’accord. Ce n’est pas ça la promesse de #MaVoix. « Tu votes pour qui ? » « Je vote pour #MaVoix » = je vote pour me positionner. » Ma voix compte. Telle qu’elle. Nous ne sommes pas dans un cas exécutif, nous sommes dans l’Assemblée Nationale. L’expression de toutes et tous. Nous appliquerons donc la proportionnelle. Nous retranscrirons tel quel le résultat du vote sur le nombre de députés la proportion de oui, de non, d’abstention. Question de cohérence, et ça permettra d’avoir un climat plus serein, pas besoin de gagner un groupe de députés, juste faire entendre sa voix. Ce n’est pas un affrontement mais un positionnement. Ca change tout. Dans #MaVoix, il n’y a pas de camp contre camp. Il n’y a pas de frontières idéologiques préconçues. Il y a des gens, tous différents qui s’allient un jour sur un sujet, s’affrontent le lendemain sur un autre, etc… Ils se respectent eux-mêmes toujours puisqu’ils n’ont pas à adopter la posture d’un parti, ils ont juste à être eux-mêmes et à penser par eux-mêmes. Evidemment en se nourrissant du débat dans l’Espace Public, mais en détenant personnellement la clé de décision toujours à la fin. Qui mise bout à bout forme une décision collective.
Cette interview est composée d’une sélection des réponses qui résument les différentes réactions des 22 membres du collectif. L’ensemble de leurs réponses est disponible ici.
Civocracy propose une solution Civic Tech dédiée à favoriser l’engagement citoyen et à faciliter la coopération des parties prenantes dans le débat public. Leur ville pilote (Potsdam en Allemagne) a d’ailleurs lancé sa première discussion hier sur leur plateforme cette semaine.
Ils font la Civic Techcette semaine et c’est Chloé Pahud, cofondatrice de la start-up qui répond à nos questions.
En quoi la démocratie actuelle ne représente-t-elle plus les citoyens ?
Pour moi la démocratie, c’est nous tous. Je n’aime pas beaucoup cette tendance à diaboliser les politiques et béatifier les citoyens. Je trouve que c’est vraiment déresponsabilisant ! Il est vrai que l’on parle de « paralysie démocratique » mais il me semble que la responsabilité est partagée. Si le système ne plaît pas, on a le pouvoir et les moyens de le changer. On veut se sentir représenté ? Élevons la voix ! On veut participer ? Passons à l’action ! On veut du changement ? Créons-le.
Quelles solutions proposez-vous ?
Nous avons développé une plateforme qui permet aux citoyens d’avoir leur mot à dire dans les décisions que prennent leur ville.
Sur Civocracy, chacun peut mettre en avant les sujets qu’il trouve importants, et pour chaque sujet, identifier les acteurs clés, chercher des solutions concrètes avec ses voisins et ses élus, et trouver des moyens de s’engager dans leur réalisation. C’est un lieu décentralisé où chaque point de vue peut être donné, voté, qui facilite la co-création et encourage l’action, utilisant au mieux la technologie et faisant le lien avec les initiatives sur le terrain.
Cela pourrait-il se faire sans l’émergence des nouvelles technologies ?
Oui et non. Celui qui anime le débat et ceux qui y participent sont cruciaux, mais la technologie est ce levier magnifique qui permet de surmonter ou contourner beaucoup de problèmes. La clé reste néanmoins les utilisateurs de l’outil, et comment ils l’utilisent…
Votre démarche s’apparente à du lobbying, finalement ?
En France, ce terme est négativement connoté mais en Allemagne où nous sommes installés (Civocray est installé à Berlin), ce n’est pas si péjoratif. Si par lobbying on désigne la pratique de ces pressions et de ces influences qui s’exercent sur des hommes politiques, sur des pouvoirs publics et, plus largement, sur des décideurs, alors oui, nous pourrions représenter un lobby citoyen.
Mais ce qui me chagrine avec ce terme, c’est cette notion de rapport de force alors que ce que l’on essaie de rétablir c’est un équilibre en permettant d’ajouter de la représentativité, de la nuance au débat, de l’empowerment, de valoriser l’action, etc… La démocratie quoi !
Bon, après, mon petit plaisir personnel (qui n’engage que moi) serait de rassembler une telle masse critique que des multinationales comme Monsanto devraient enfin fléchir, répondre de leurs pratiques et ne plus dicter leurs lois !
Comment « avoir un impact concret sur le problème » ?
Ah l’impact ! Il me semble que le mesurer est une des grandes difficultés dans les Startups CivicTech comme la nôtre. Pourtant, il est fondamental de pouvoir le faire. On se pose sans arrêt la question : quelles sont nos « success metrics » ? Comment on les mesure ? Est-ce que c’est le nombre de gens qui se rendent sur les discussions ? Ceux qui choisissent de passer à l’action ? Le nombre de votes ? La qualité des idées ?
On est encore en phase d’expérimentation, et c’est difficile d’arrêter de manière définitive la valeur ajoutée de ces indicateurs. On sait que l’on devra rester très vigilants sur ce que l’on nomme « succès ».
Estimez-vous faire partie d’un mouvement, d’une communauté Civic Tech ? Quelles sont, selon vous, les perspectives de ce secteur en France et à l’international ?
Il y a une vraie émulation autour de la participation et c’est bon signe ! Certains ont planché sur le problème depuis un moment et commencent à avoir une jolie notoriété. On ne s’attaque pas tous au problème de la même manière, c’est intéressant de voir comment les personnes s’approprient la notion de démocratie.
Très franchement, je suis persuadée que l’avenir des réseaux sociaux se trouve dans la CivicTech et que d’ici 5 ans, il y aura un acteur majeur dans ce domaine. Notre avenir se jouera dans notre capacité à nous différencier, mais aussi à collaborer.
L’association Democratech(qui a pour ambition de mettre la technologie au service de la démocratie) va ouvrir le mois prochain le site de primaires citoyennes LaPrimaire.org. Le projet ? Organiser une primaire ouverte sur Internet, organisée pour permettre aux Français de choisir les candidats qu’ils souhaitent voir se présenter à l’élection présidentielle de 2017.
Il y a fort à parier que Thibauld Favre et David Guez vont faire parler d’eux dans les semaines à venir : ils font la Civic Tech cette semaine.
Vous proposez une primaire alternative pour 2017, ce quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’une primaire ouverte et démocratique dont la principale caractéristique est d’être organisée hors du contexte des partis politiques. C’est une primaire démocratique car tout le monde peut être candidat et ouverte car elle ne défend aucune idéologie ni aucun programme. C’est aux candidats d’amener leur vision, leur programme, leurs idées et les citoyens pourront interagir avec eux et, in fine, noter chacun des candidats.
L’objectif est de faire émerger un candidat et plus largement une équipe crédible qui puisse avoir toutes ses chances à la Présidentielle de 2017.
De part ses caractéristiques uniques, une telle primaire n’est organisable qu’en ligne, via une application web et mobile (découvrez une présentation en vidéo ci-après). En ce sens, LaPrimaire.org est fait totalement partie de cette catégorie de projets dits de « Civic Tech ».
Les partis politiques ne représentent donc plus le peuple ?
Ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui l’observatoire de la confiance en politique montre que les partis sont l’organisation publique dont les français se défient le plus : 87% des français ne font pas confiance aux partis politiques, c’est énorme !
L’une des explications se trouve certainement dans la déconnexion des partis politiques avec le peuple : tous les adhérents de tous les partis politiques réunis représentent aujourd’hui largement moins de 1% des votants.
Tout le monde, ou n’importe qui, peut-il devenir président ? N’a-t-on pas besoin de compétences, d’une formation et de qualités exceptionnelles ?
Tout le monde ne peut pas devenir président mais le président peut venir de n’importe où. L’état du pays et de la société aujourd’hui, c’est le résultat de la gouvernance continue de « professionnels » de la politique censés avoir ces fameuses compétences et qualités exceptionnelles.
Le résultat est sans appel : ça ne marche pas ! A nous, citoyens, de sortir de ce modèle désormais obsolète et permettre l’émergence de nouveaux talents d’ou qu’ils viennent. C’est pour cela que nous avons créé LaPrimaire.org.
Concourir pour la présidence, cela demande beaucoup d’argent. Comment comptez-vous financer la campagne de votre poulain ?
Par les citoyens ! L’essor d’internet, des réseaux sociaux et du crowdfunding permet aujourd’hui de mobiliser directement les citoyens pour défendre les projets auxquels ils croient. De plus, comparé à d’autres pays, la France bénéficie de lois de financement électorale assez strictes et de plafonds de dépenses « relativement » bas, ce qui fait qu’un candidat alternatif peut rapidement devenir compétitif. Le plus gros obstacle reste probablement l’accès et le temps de parole dans les médias de masse mais, si l’engouement derrière LaPrimaire.org continue, qui sait ce qui peut se passer. Tout est possible.
Un président, ce sont des idées, mais on n’échappe pas à l’importance capitale que représente sa personnalité dans le « déclencheur » du vote. Pensez-vous que les Français sont prêts à voter pour un hologramme ?
Tout à fait, quoiqu’on en dise, la personnalité du candidat joue un rôle important et c’est normal car, en tant que citoyen électeur on a besoin d’avoir la conviction que le candidat qu’on choisit sera capable de défendre et de mettre en place le programme et les idées qu’il défend. C’est pourquoi il est primordial que les candidats finalistes de LaPrimaire.org aillent à la rencontre des citoyens et c’est pourquoi nous prévoyons un tour de France entre octobre et décembre 2016, pour organiser des rencontres et des débats avec les candidats dans toute la France.
Estimez-vous faire partie d’un mouvement, d’une communauté Civic Tech ? Quelles sont, selon vous, les perspectives de ce secteur en France et à l’international ?
Tout à fait, aujourd’hui de plus en plus d’entrepreneurs développent des outils de CivicTech, cette communauté est encore assez jeune en France donc on se connait quasiment tous. En revanche, même si le mouvement Civic Tech est encore jeune, nous pensons que le potentiel est énorme, notamment en France, ou une majorité de citoyen ont une conscience politique très forte, contrairement à beaucoup d’autres pays.
Voxe par le biais de Sébastien Leroux, son « project leader », inaugure une nouvelle catégorie de ce blog : Ils font la Civic Tech. L’objet de cette rubrique est de vous faire découvrir les acteurs des Civic Tech, leur ambition et leur vision à travers une courte interview.
L’équipe de Voxe à la remise des prix du Google Impact Challenge en 2015
Quel constat vous a poussé à développer un service de comparateur de programmes politiques ?
Voxe c’est l’histoire de 4 amis qui sont partis d’un constat simple : aucun outil ne permettait alors d’avoir un accès rapide et neutre aux propositions concrètes des candidats aux élections, maintenant c’est chose faite !
Comment intégrez vous les programmes des différents candidats pour les comparer ? Peut-on comparer des programmes politiques comme on compare les caractéristiques techniques d’une voiture ?
Nous utilisons les programmes officiels des candidats et c’est uniquement sur cette base que les comparaisons sont effectuées. Grâce à notre plateforme, les propositions sont au coeur. Les citoyens peuvent comparer les propositions des candidats sur des thèmes précis car il est souvent difficile de dissocier la forme du fond. Pour reprendre votre comparaison, peu importe la carrosserie, ce qui compte c’est ce qu’il y a sous le capot !
Réalisez-vous un travail éditorial qui permet de faire les comparaisons : simplifiez-vous les programmes ? Apportez vous des données supplémentaires pour éclairer les propositions ?
Nous tenons absolument à garder notre neutralité donc nous effectuons simplement un copié-collé des programmes. Cependant, afin de donner aux citoyens toutes les armes, nous donnons des explications autour des propositions. Ces explications factuelles permettent de mieux comprendre le contexte autour des propositions.
Quelles sont les prochaines améliorations qui seront apportées à Voxe ? Quelle est votre ambition à l’horizon 2017, et après ?
Bientôt le site de Voxe sera refait à neuf, notre but est de faciliter au maximum « l’onboarding citoyen » qui reste malheureusement trop compliqué. Nous savons que nous serrons attendus au tournant en 2017 alors nous allons agrandir l’équipe ! De plus, nous développons également une application qui a pour but d’augmenter l’impact citoyen au quotidien !
Estimez-vous faire partie d’un mouvement, d’une communauté Civic Tech ? Quelles sont, selon vous, les perspectives de ce secteur en France et à l’international ?
Nous sommes très optimistes sur la montée en puissance de la communauté Civic Tech en France comme à l’international. L’émergence de nombreux acteurs et de nombreuses initiatives nous démontrent chaque jour un petit peu plus la nécessité de refondre la relation entre les gouvernés et les gouvernants.
De nouveaux types d’évènements politiques avec par exemple « Politiques anonymes » (des politiques anonymisés qui débattent du fond avec des citoyens) ou l’organisation de débats dans des lycées (autour des thèmes de la citoyenneté et la politique en 2016) …
Une expansion à l’international qui se poursuit avec la couverture d’élections aux Etats-Unis, au Bénin, au Pérou et en Equateur.