Manifeste Civic Tech : « Pour une démocratie délibérative »
17 juillet 2017 • By Frank Escoubes et Maxime Barbier de bluenoveLe choix d’un outil civictech est révélatrice de la vision politique du mandant : le citoyen est-il co-créateur des politiques publiques ou est-il simplement « sollicité » ?
Le citoyen n’a pas toujours raison. Il peut avoir raison s’il est informé et si ses prises de position, non strictement individuelles, sont le fruit d’une coopération active avec d’autres parties prenantes.
Nous croyons à une démocratie augmentée par la technologie, à ses nouveaux usages et aux vertus de la démocratie délibérative, respectueuse du sens à donner à l’engagement citoyen. Ce manifeste s’adresse aux acteurs publics et décideurs politiques.
Manifeste « Pour une démocratie délibérative »
Frank Escoubès, co-fondateur de bluenove, frank.escoubes@bluenove.com
Maxime Barbier, VP Public, maxime.barbier@bluenove.com
- Un outil civictech de concertation est d’abord un outil « civic » avant d’être un outil « tech ». Il est conçu dans un esprit de responsabilisation du citoyen, qui respecte son « expertise profane ».
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Un outil civic tech de concertation s’inscrit dans une logique de démocratie délibérative.
Ce n’est pas une course à la participation – souvent vide de sens et avec peu d’impact sur le processus de décision – mais la recherche d’idées et solutions travaillées, problématisées et argumentées. Il en ressortira des propositions convaincantes.
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Un outil civic tech de concertation qui ne s’adresserait qu’aux citoyens serait caduque (principe de représentativité).
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- Il doit aussi permettre l’expression des parties prenantes constituées, des représentants bénéficiant d’une délégation de parole et des experts.
- Toutefois, l’outil civic tech doit faire en sorte que ces expressions ne bénéficient pas d’un poids supérieur à celui des citoyens s’exprimant en leur nom propre.
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Un outil civic tech de concertation n’est pas un objet autonome.
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- L’intelligence collective ne s’auto-organise pas, seuls les questionnaires, les votes et les appels à idées sont peu exigeants en animation et en organisation ex-post de l’information.
- Il ne viendrait à l’idée de personne de ne pas animer une réflexion collective en salle. Un outil digital nécessite un accompagnement au moins équivalent à celui d’une démarche physique.
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Un outil civic tech de concertation doit s’enrichir de contributions collectées en présentiel.
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- Car le présentiel permet d’accélérer l’engagement et de partager des informations qui sont mal véhiculées en ligne.
- Car le présentiel permet d’associer des populations peu enclines à utiliser des outils numériques pour s’exprimer.
- L’association du online et du offline est donc par nature vertueuse. L’outil civic tech doit être pensé en conséquence.
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Un outil civic tech de concertation doit respecter l’intelligence du co-design.
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- Il doit accueillir une évolution des modes de questionnement au fur et à mesure du débat, au travers de phases distinctes. Car on ne résout pas collectivement un problème en posant les mêmes types de question du premier au dernier jour. Dans un processus de concertation abouti, plusieurs phases se succèdent : appropriation et problématisation, idéation collective, approfondissement, vote, mise en action.
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Un outil civic tech de concertation nécessite une charte d’engagement entre initiateur et participants.
Cette charte d’engagement est un contrat moral. Elle peut intégrer les requis suivants :
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- Droits et devoirs des participants (sélection) :
- Je ne suis pas ‘propriétaire’ de mon idée, elle est un bien commun.
- Je ne suis pas anonyme, je m’engage au titre de mes idées.
- Je peux contribuer sans être décisionnaire, même si je vote.
- Je peux réagir à une synthèse partielle ou partiale opposable.
- Je peux faire partie de la solution mise en œuvre.
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- Droits et devoirs des mandants (sélection) :
- Je protège les idées de chacun jusqu’au terme de l’exercice.
- Je ne recherche pas un consensus forcé.
- Je respecte un principe démocratique : 1 personne = 1 voix (égalité de visibilité, de prise en compte et de vote)
- Je respecte un principe de transparence : toute l’information est accessible à tous en tout temps.
- Je respecte un principe d’auditabilité : transparence des modes opératoires (dont technologies / algorithmes).
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Un outil civic tech de concertation ne produit pas un plus petit dénominateur commun, un consensus mou, un train d’évidences.
- Il acte les dissensions éventuelles.
- Il présente l’ensemble des options discutées.
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Un outil civic tech de concertation n’est pas un concours de popularité.
- S’il se repose excessivement sur les votes binaires (pour / contre) d’une communauté, il prend l’écume pour la vague.
- Les votes peuvent avoir une fonction d’aide à la priorisation, le plus tardivement possible dans le processus, et pour comparer des options équitablement défendues tout au long de la concertation. Plusieurs modalités sont possibles (votes par jeton, évaluation multi-critères…)
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Un outil civic tech répond à 4 grands principes de restitution.
- Principe d’imprévision : le résultat n’est ni anticipé ni prévu au démarrage.
- Principe de parallélisation : les maturités et vélocités d’expression des idées varient.
- Principe de traitement des biais cognitifs : les principaux biais cognitifs opposables sont traités (biais de confirmation / d’ancrage / de groupe / de hiérarchie / de bulles filtrantes).
- Principe de capitalisation : les contenus de la concertation sont synthétisés en permanence. Ils font l’objet d’une restitution finale formalisée et publiée.
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Un outil civic tech, enfin, n’a aucune raison d’être s’il n’est pas lié à une recherche d’impact (économique, social, démocratique…)
- Les recommandations sont présentées aux décisionnaires, identifiés en amont de la concertation.
- Les décisionnaires ne sont pas liés aux recommandations (recommandations « non contraignantes ») mais ils s’engagent a minima à motiver leur refus de les suivre.